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Liberté - Page 1112

  • Adieu ma mère, adieu mon coeur

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    Sur le vif - Samedi 07.09.13 - 15.57h

     

    Hier soir, sur la chaîne Toute l'Histoire, remarquable reportage sur quelques Français qui, début juillet 1962, ont choisi de rester en Algérie ! Alors que des centaines de milliers de leurs compatriotes, Pieds-Noirs comme eux, prenaient dans la précipitation le chemin de l'exil.


    Ils ne sont bien sûr qu'une infime minorité à être restés. Certains par idéologie, comme ce Monsieur de près de 90 ans aujourd'hui qui avait, à l'époque française, soutenu le FLN, et dont certains camarades de combat figurent au nombre des guillotinés de 56-57, sous un Garde des Sceaux qui s'appelait François Mitterrand. Cf http://pascaldecaillet.blogspirit.com/archive/2011/01/01/mitterrand-l-algerie-la-guillotine.html .



    D'autres ont choisi de rester par viscéral attachement à la terre natale. Français d'Algérie, Algériens d'origine française, disent-ils. N'entendant pas trancher l'ambiguïté de cette double appartenance en retournant dans une Métropole qu'ils ne connaissaient même pas. Leur terre, leur patrie, depuis 132 ans, c'était le sud de la Méditerranée, pas le nord. Certains, en vertu d'une clause des Accords d'Evian, ont tenté de demander la nationalité algérienne, d'autres pas.



    Deux périodes, très claires: pendant l'ère Ben-Bella (1962-1965), les choses se passent encore bien. Avec le mouvement d'arabisation lancé par Boumediène c'est autre chose. Mais enfin, ils sont restés, traversant cinquante ans d'Histoire d'Algérie post-coloniale, dont les terribles années 90, celles des massacres atroces et d'une véritable guerre civile entre armée et islamistes.



    Sublime reportage, principalement à Oran et Alger, mais aussi chez un paysan, exportateur d'olives. Certains de ces Français ont tenté d'aller vivre quelques années en Métropole. Mais la puissance d'attraction de la terre natale était trop grande: ils sont revenus en Algérie. Pour y vivre. Et pour y mourir.


    Impossible, en voyant ces images et ces témoignages, de ne pas penser à Camus. Ou à Jules Roy: "Adieu ma mère, adieu mon coeur". Pour la vie. Et pour la mort.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Les 125 ans d'un grand parti


    Édito publié ce matin en première page du Giornale del Popolo 


     
    Le parti socialiste suisse, qui va fêter ses 125 ans cet automne, est un grand parti de notre pays, dont il a largement contribué à écrire l’Histoire. Son trajet, depuis sa création, le 21 octobre 1888, à Berne, par la Conférence ouvrière suisse, épouse au fond le destin de la nation, ses moments de bonheur et de prospérité, comme les années Tschudi avec son tempo réformateur de l’AVS, mais aussi les périodes de division et d’immenses tensions, comme la grève générale de novembre 1918. Parti gouvernemental au niveau fédéral depuis 1943, deux représentants depuis 1959, présent dans tous les combats, nous ayant donné de grandes figures. Oui, nous devons beaucoup à cette famille politique.
     


    Quand on scrute l’Histoire politique suisse, on a toujours l’impression que tout se cristallise dans la seconde partie du dix-neuvième siècle, cette période folle entre le Sonderbund (1847), immédiatement suivi par la naissance de la Suisse moderne (1848) et la Grande Guerre (1914). C’est là que se créent, au niveau national, nos partis politiques, mais aussi nos grands journaux, là que se préparent les fronts du vingtième siècle.


     
    Le parti socialiste suisse est né d’un centralisme fédéral. Il est créé d’en haut. Ce qui n’est le cas ni chez les radicaux, ni chez les catholiques conservateurs, qu’on appellera beaucoup plus tard (1971) le PDC. Nous avions expliqué ici même, pour les 100 ans du PDC suisse, à quel point il avait fallu, dans le Congrès fondateur de Lucerne, fédérer des traditions cantonales incroyablement disparates, n’ayant au fond en commun que la souche catholique et la volonté de revanche du Sonderbund.


     
    Chez les socialistes suisses de la fin du dix-neuvième siècle, on accepte d’autant mieux l’idée unitaire qu’on est très minoritaire : premier élu au National en 1890, dix-huit élus en 1911, avec pour la première fois un groupe parlementaire. Accueil de Lénine en pleine Première Guerre mondiale, refus du budget militaire en 1917, Comité d’Olten en 1918 et appel à la grève générale. Cette grève, du 12 au 14 novembre, dans l’immédiate foulée de l’Armistice et sur contexte de Révolution allemande, est l’un des événements majeurs de notre destin national. La bourgeoisie, traumatisée par l’idée d’une Suisse aux mains des Soviets, a tenté pendant des décennies d’en étouffer l’historiographie. Elle a évidemment eu tort : la vérité revient toujours.


     
    Toujours est-il que les premières élections à la proportionnelle en 1919  (l’une des revendications du Comité d’Olten) permettent aux socialistes de doubler leur représentation au National : ils passent de 20 à 41 sièges. Pas encore mûrs pour être gouvernementaux, mais assurément appelés à se glisser dans le cercle des responsabilités, l’élaboration des lois : c’est ainsi, dans l’Histoire suisse, qu’en douceur, avec le temps, les partis issus de la marge et de la protestation, entrent dans le système. Cette faculté de récupération des oppositions est un trait de génie de notre culture politique.


     
    Dans les années suivantes, l’ascension continue. Très bon résultat aux élections fédérales de 1931, refus du Front commun avec les communistes en 1933, prise du pouvoir (démocratique !) à Genève la même année, autour de Léon Nicole (exclu du parti en 1939), victoire aux élections de 1943, et cette même année, premier conseiller fédéral, le Zurichois Ernst Nobs. À partir de là, à part quelques années d’absence au milieu des années 50 suite à la démission de Max Weber, les socialistes seront toujours au cœur du pouvoir, passant à deux conseillers fédéraux en 1959, dont l’immense Tschudi (1959-1973), que j’ai eu l’honneur d’interviewer à Bâle, chez lui, pour ses 80 ans, et qui a tant fait pour nos assurances sociales.


     
    La suite, on la connaît, c’est une Histoire qui nous est plus proche, beaucoup d’entre nous l’ont même vécue : psychodrame de 1983 suite à la non-élection d’une femme, la Zurichoise Lilian Uchtenhagen, à laquelle l’Assemblée fédérale préfère le Soleurois Otto Stich, menaces de quitter le Conseil fédéral, finalement le parti choisit d’y rester. Trente ans après, toujours deux conseillers fédéraux, la Bernoise Simonetta Sommaruga et le Fribourgeois Alain Berset.


     
    Je n’ai esquissé, ici, que quelques repères dans l’Histoire du parti national, n’entrant pas dans les diversités cantonales (les Tessinois en savent quelque chose !), tentant tout au plus de montrer la remarquable trajectoire d’intégration de ce parti au cœur de notre vie politique et de nos institutions. Assurément, le parti socialiste suisse sera encore de longues années avec nous. Avec des hauts et des bas, des querelles internes, de grandes personnalités à Berne, dans nos villes et nos cantons. Souhaitons-lui un excellent anniversaire. Enrichissons-nous de sa présence, dans la nécessaire dialectique qu’exige notre démocratie.
     
     
    Pascal Décaillet
     
     

  • La Suisse n'est pas gouvernée

     

    Chronique publiée dans Tribune (Le Journal du PLR vaudois) - No 7 - Mercredi 28.08.13

     

    Dans cette chronique, je vais faire plaisir aux lecteurs PLR, parce que je dirai du mal de Mme Widmer-Schlumpf. Mais je vais aussi m’attirer leur colère, parce que je dirai pis-que-pendre de M. Burkhalter. C’est ainsi lorsqu’on écrit : on froisse toujours un camp. Ou alors, il faut choisir un autre métier. Cireur de bottes, par exemple.

     

    Une chose est sûre : la Suisse de 2013 n’est pas gouvernée. Elle est au mieux administrée, et encore elle l’est mal. D’un côté, une ministre des Finances qui passe son temps à capituler. De l’autre, un ministre des Affaires étrangères qui a laissé instiller la possibilité de juges étrangers. Dans les deux cas, nous avons affaire à de graves signaux d’abandon de notre souveraineté, et même de notre fierté nationale, parce que la Suisse n’a pas vocation de dominion, encore moins de sujet, ni de satellite, ni de protectorat. Non, la Suisse est un Etat indépendant, au même titre que ses voisins, elle doit être respectée comme tel. Le moins qu’on puisse dire est que nous n’en prenons pas le chemin.

     

    Commençons par Mme Widmer-Schlumpf. Dans l’affaire de l’accord avec la France sur les successions, comme dans celle de l’accord américain, c’est toujours la même chorégraphie : on commence par la génuflexion, en s’imaginant qu’on va amadouer le partenaire, sous le seul prétexte qu’il donne de la voix. En clair, on se laisse impressionner. A cet égard, la triste comédie de Bercy, où une conseillère fédérale s’est rendue auprès du ministre français des Finances comme on chemine vers Canossa, et mon ami Pierre par-ci, et mon amie Eveline par-là, et cette odieuse évidence de la subordination de la Suisse dans l’affaire, notre pays n’a pas été grandi par cet épisode. Puisse le Parlement réserver à cet accord le même sort qu’à celui des Etats-Unis. Voilà pour la partie plaisante au lectorat PLR.

     

    J’en viens à la seconde, celle qui implique le conseiller fédéral radical romand, oui l’héritier des Chevallaz, Delamuraz ou Couchepin. Comment M. Burkhalter, dont on dit qu’il dirige la diplomatie suisse, a-t-il pu laisser son Secrétaire d’Etat, le très contesté M. Rossier, entrer en matière sur la possibilité de saisine de la Cour européenne de justice pour trancher les litiges dans le domaine des bilatérales ? Pacte fédéral ou non (je ne remonte jamais, pour ma part, à des temps aussi lointains, où la part du mythe doit être dégagée), il est certain que l’opinion publique suisse ne veut pas de juges étrangers. Fussent-ils les meilleurs du monde, les plus éclairés, les plus sages. De la part du chef du DFAE, c’est une erreur politique, et le président du PDC suisse, Christophe Darbellay, a parfaitement raison de la condamner.

     

    Alors, quoi ? On ne va pas changer les ministres en pleine législature, je sais. Encore moins les faire élire par le peuple, j’ai bien compris le récent verdict du souverain à ce sujet. Mais nous, les citoyens, les patriotes de ce pays, nous qui l’aimons, nous avons au moins le droit de dire notre colère. Face à ce gouvernement qui n’en est pas un. Face à ce règne de la prosternation, là où, au contraire, il faudrait avoir la raideur de la fierté, le regard droit du négociateur qui n’entend pas s’en laisser conter. Ainsi, sur les affaires fiscales, qu’attend le Conseil fédéral pour lancer une offensive ? Demander, à son tour, des comptes aux pays anglo-saxons sur leurs paradis fiscaux à eux. Tenir l’initiative, plutôt que subir, subir et subir encore. C’est pourtant cela, et rien que cela, la politique.

     

    Pascal Décaillet