Sur le vif - Lundi 04.03.13 - 23.06h
Oskar et Léonard sont des êtres si différents. Oskar est entier, terrestre, passionnel. Léonard est complexe, fougueux à l’interne, mais rationnel. Il a appris à dominer son instinct, là où Oskar le laisse vivre, et à profusion. Oskar est musicien, poète, lit Rilke, gagne des concours littéraires, de préférence si le jury ne sait pas que c’est de lui. Il aime le rythme, la couleur de la syllabe, le chant, la guitare. Léonard est un authentique politologue. En France, il connaîtrait l’ensemble des circonscriptions, avec le poids historique des partis, les découpages, les triangulations majoritaires, le legs des radicaux tendance Herriot, ou du MRP de Bidault.
Le père de Léonard était un important conseiller d’Etat, l’un de ceux qui ont assumé la lignée radicale au gouvernement depuis 1937. Cela crée un atavisme, un devoir de continuité, jusqu’à la prise en charge, ce soir, de la défense des couleurs. Il y a là du panache. Oskar, après avoir été PDC, a osé l’aventure d’un nouveau parti. Il l’a ancré, hier soir, pour un bout de temps, dans le paysage politique valaisan. Il ne vient pas d’une lignée qui doit porter l’étendard. Il défriche. Avec, ces temps, un certain succès. Léonard continue, Oskar inaugure.
Oskar est un maîtrisé qui connaît à merveille l’étincelle du dérapage, Léonard un violent intérieur qui a fini par se contrôler. Dans l’ordre de l’instinct et de la raison, au milieu du gué, les deux hommes, avec la chaleur noircie de leurs alluvions, se rejoignent. Oskar incarne la Vieille Suisse, celle de l’émotion d’appartenance commune, Gemeinschaft. Léonard, jusqu’au bout des ongles, est l’héritier de la Jeune Suisse, celle de 1848, la Raison triomphante, la codification. Oskar, la puissance tellurique du peuple. Léonard, la Céleste Lumière. Oskar, le verbe propulsé, incandescent, Léonard l’argumentaire qui démontre.
Le moment de ce soir, celui du défi cueilli à terre, au milieu des décombres, Léonard le guettait depuis tant d’années. Quelque chose à régler avec le passé. Oskar, lui, regarde l’avenir. La prochaine quinzaine sera une affaire de Valais et de Judée, de Dranse déchaînée, de pluie après la vendange, de procession dionysiaque vers la chaleur festive de l'Autel,
Pascal Décaillet