Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liberté - Page 1126

  • Voici venu le Temps des blancs bonnets

    9010647-jacques-duclos-was-a-leader-of-the-french-communist-party-from-the-30-s-to-the-60-s.jpg
     

    Sur le vif - Jeudi 11.07.13 - 08.58h

     

    Au sommet de sa forme, le Temps donne la parole en page 6 à l'Ambassadeur de France en Suisse, qui nous assure que tout va bien: dans l'affaire des successions, la France ne s'est pas montrée pressante, souligne l'éminent diplomate. Et elle a respecté la souveraineté suisse.



    Si c'est l'Ambassadeur de France en Suisse qui l'affirme, et si c'est dans le Temps, nous voilà évidemment rassurés. Nous considérons donc comme définitivement close toute polémique, nous nous abstiendrons désormais de toute velléité dubitative sur le sujet.



    Et, puisque l'Ambassadeur s'appelle M. Duclos, nous nous coifferons d'un blanc bonnet - voire d'un bonnet blanc - avant de déterrer une quelconque hache de guerre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Loi sur les manifestations: la République des juges

     

    Sur le vif - Mercredi 10.07.13 - 12.58h - 1500ème note publiée sur ce blog depuis sa création en octobre 2007

     

    Loi genevoise sur les manifestations: que le Tribunal fédéral vienne "retoucher" un texte non seulement voté, après vaste débat, par le Grand Conseil, mais confirmé le 11 mars 2012 par le peuple souverain, pose problème.



    Le TF est certes parfaitement dans son droit. Et les pouvoirs, séparés. Je sais tout cela. Mais quel signal, une fois de plus, dans notre démocratie ! Les élus légitimes du peuple, dans une dialectique serrée de confrontation d'idées (j'avais suivi ce débat, qui était sans concessions), élaborent un texte, puis le votent. Ce texte est attaqué par référendum, pas de problème, c'est le jeu de notre démocratie. On refait donc, à l'échelle de tout un canton, le débat qui avait été celui du Parlement. Le jour venu, le corps électoral des citoyens, après des semaines de campagne et de débats, confirme la décision des députés. Des dizaines de milliers de ciroyens donnent raison à la centaine d'élus législatifs. Ca commence à être muni d'une certaine légitimité.



    Bien sûr, la saisine du TF est inscrite dans notre ordre juridique, je ne la conteste pas. Mais beaucoup de nos citoyens vont se dire exactement ceci: "A quoi ça sert d'aller aux urnes, confirmer une décision déjà prise par les élus, pour que cela soit, au final, "retouché" par des juges ?



    Encore une fois, rien d'illégal, au contraire. Mais politiquement, un signal catastrophique. J'avais voté cette loi, mais je dirais exactement la même chose si j'en avais été un opposant. A Genève, il n'est plus possible de prendre une décision politique, ni par un exécutif, ni par le Parlement, ni même par le peuple, sans que la République des juges ne vienne exercer, au final, un pouvoir qui, dans l'opinion, ne pourra difficilement être perçu autrement que comme celui d'une cléricature.

     

    D'avance, je serais très reconnaissant aux commentateurs de nous éviter:

     

    1) Les cours de droit sur la séparation des pouvoirs. Nous connaissons cela, tout autant qu'eux.

     

    2) Les lieux communs du style "Hitler a été élu par le peuple".

     

    3) Les dissertations sur la vie et l'oeuvre de Montesquieu.

     

    4) Les péroraisons sur le "droit supérieur".

     

    Merci, également, de ne pas réagir en fonction de votre sensibilité à cette loi sur les manifestations. Comme je l'écris plus haut, cela n'est pas ici le problème. Mon thème, mon angle, c'est la place disproportionnée que commence à prendre dans notre démocratie l'appel aux juges.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Les Cimbres, les Teutons, la mémoire d'un homme

    images?q=tbn:ANd9GcSDWms9Ns74WwJxPIoLWOgDxwBOQtS-1CDpPTL5A0EnXt7LpsI-Ww 

    Sur le vif - Mercredi 10.07.13 - 09.58h

     

    Mai 1977. Les étudiants de littérature grecque de l'Université de Genève, dont je suis, sont en voyage d'études (absolument magnifique, d'ailleurs) en Provence. Nous sommes sur une autoroute, ou en tout cas une semi, je ne sais plus. Il fait très beau, et surtout très chaud. Notre chauffeur, la soixantaine passée, roule à tombeaux ouverts, je crois qu'en ce temps-là, les radars ne tracassaient pas trop le voyageur.



    Soudain, il plante les freins. Manque de provoquer une collision en chaîne. Fait signe aux autres voitures de nous rejoindre sur le bord de la route. Nous sortons des véhicules, étourdis, constituant un attroupement inopiné, sans aucun doute prohibé par le code. Le sexagénaire, infiniment distingué, pointe l'index vers le vague sommet d'une colline, écrasée de chaleur. Les camions passent, empestent, polluent, la sueur nous accable.



    Le chauffeur désigne un groupe de cyprès, inondés de lumière, là-haut, à une quinzaine de kilomètres. Nous nous demandons dans quel film nous sommes. Pointant le doigt, regard au loin, il dit simplement: "C'est là, exactement là, qu'en 102 avant Jésus-Christ, Marius a défait les Cimbres et les Teutons". Pas un mot de plus. Assourdis par la révélation, nous regagnons les voitures. La route enchantée peut continuer. Je me souviens qu'à l'arrière de son bolide, je lisais les "Sämtliche Erzählungen" de Kafka. Je m'apprêtais à partir à l'armée. En attendant, là, sur cette route de Provence, je crois avoir éprouvé quelques fragments de ce qui pourrait ressembler au bonheur.



    Ce Fangio à l'érudition planétaire s'appelait Olivier Reverdin. Il était un homme d'exception. Dans cinq jours, le 15 juillet 2013, il aurait eu cent ans. Son successeur Paul Schubert lui a rendu récemment un remarquable hommage dans le Temps. J'écrirai peut-être quelques lignes aussi. Mais je voulais commencer par cette anecdote. Elle résume tout.

     

    Pascal Décaillet