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Sur le vif - Page 624

  • Le vrai révolutionnaire, c'est de Gaulle !

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    Sur le vif - Mardi 24.04.18 - 08.22h

     

    En tentant de se révolter contre les seuls signaux de l'autorité républicaine, contre tout ce qui ressemblait à cette dernière, à commencer par l'homme qui l'incarnait - et avec quelle classe - au plus haut niveau, Mai 68 a été l'allié objectif des libéraux et du patronat.

     

    Il faut voir l'Histoire politique. Aux législatives de mars 67, la droite ne l'emporte que d'un cheveu sur la gauche, après une nuit d'incertitude. De Gaulle, qui n'a jamais été un homme de la droite économique, encore moins de la droite financière (dont toutes les lectures de sa jeunesse lui avaient appris à se méfier), garde Pompidou, mais relance le grand mouvement du gaullisme social, issu de la Libération, du Sillon, de Mounier, de toute une tradition très française fondée sur l'esprit de participation, notamment dans les entreprises. Des hommes comme Louis Vallon ou René Capitant, hélas aujourd'hui un peu oubliés, incarnent ce remarquable mouvement de pensée, que j'ai eu l'occasion d'étudier de très près.

     

    Le gaullisme social, Pompidou n'en veut pas. L'ancien directeur de la Banque Rothschild n'est pas de ce monde-là. Il le prouvera très clairement, entre 69 et 74, comme Président, allant jusqu'à recadrer sèchement son Premier Ministre, Jacques Chaban-Delmas, après son fameux discours d'investiture sur la Nouvelle Société (1969), un petit bijou rédigé par Simon Nora et un certain... Jacques Delors.

     

    Mai 68, par l'extrême violence de rue, les images, dans toute la France, de voitures brûlées, de guerre civile, n'aura réussi, sur le moment, qu'à provoquer une chose : la peur, dans la France profonde. Cette même France qui, aux élections de juin, par réaction, conduira à la Chambre la plus massive majorité de droite, bleu horizon, depuis 1919.

     

    Cette Chambre 68-73, très conservatrice, sera celle, dès juin 69, du Président Pompidou. Fini, le gaullisme social. Finis, les espoirs d'une refonte du système par lui-même. Le grand patronat triomphe, la grande banque française aussi, sous Pompidou l'ordre règne.

     

    De Gaulle n'était absolument pas un homme de la droite libérale. Il détestait les puissances de l'Argent. En lecteur, dans ses jeunes années, de Barrès et Péguy, et bien sûr aussi de Maurras (tout en gardant ses distances), il avait pour la France une autre ambition que le seul "Enrichissez-vous" de Guizot. La France de Charles de Gaulle, c'est celle de Vézelay autant que celle de Valmy.

     

    Cet homme d'exception avait, en 1945, donné le droit de vote aux femmes, créé la Sécurité sociale, nationalisé le Crédit, la Banque de France, la Régie Renault, les houillères, les charbonnages. De retour aux affaires, il avait donné à la France une nouvelle Constitution, l'indépendance à l'Algérie et aux pays d'Afrique Noire. Il avait engagé la France sur la voie de l'indépendance, et prôné (dès son discours de Brazzaville, en 1944) le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Combattant des deux guerres, il avait réconcilié la France avec l'Allemagne.

     

    Aucun de ses prédécesseurs, ni de ses successeurs, ne peut se prévaloir du dixième de son legs. Face à l'Histoire, le vrai révolutionnaire, c'est lui. Pour n'en avoir rien su, ni voulu savoir, pour n'avoir voulu voir en lui que la part d'autorité qui les empêchait de jouir sans entraves, les petits bourgeois révoltés du Quartier latin n'auront été, au final, que les alliés objectifs d'un capitalisme que Charles de Gaulle, moine-soldat, détestait. Libertaires, ils furent les complices des libéraux.

     

    Libertaires et libéraux ultra ont un point commun : ils détestent l'Etat.

     

    Rejetons toute commémoration hagiographique des événements de Mai, dénuée de distance critique et historique. Nous y sommes hélas en plein, comme un maelström de propagande. A chacun de nous d'y résister, par les outils essentiels que constituent la connaissance historique, l'exercice de la critique, l'immensité solitaire de nos lectures, la liberté de l'esprit.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Déconnexion, non merci !

     

    Sur le vif - Samedi 21.04.18 - 18.07h

     

    "Droit à la déconnexion" : non merci, ça ne m'intéresse pas ! Je puis comprendre que des employés le revendiquent, mais un petit entrepreneur indépendant, qui fait tout lui-même et est toujours en très grande inquiétude que tout se passe bien, n'a strictement aucune envie d'être "déconnecté".

     

    Entrepreneur depuis douze ans, avec des locaux à moi, une comptabilité d'indépendant à tenir avec précision, le souci d'accomplir impeccablement les mandats qu'on veut bien me confier, comment voulez-vous que je "déconnecte" ?

     

    Au contraire : rester connecté, toujours et partout, me convient parfaitement. Être en relation, par mail, avec les futurs invités de mes émissions, à toute heure et tous les jours de la semaine. Avec mes innombrables contacts aussi, qui sont pour moi de précieuses sources de renseignements. Puiser sur la toile dans la documentation pour préparer les interviews. Avoir en permanence un œil sur l'agenda. Lire des centaines d'articles sur internet, visionner tout autant d'émissions ou d'archives historiques. Pouvoir à tout moment décocher, comme avec une sarbacane, un commentaire ou un édito sur l'actu. Vivre intensément en état de journalisme. Tout cela me sied. Je n'ai aucune envie de "déconnecter".

     

    Être indépendant, c'est avoir toujours un peu la trouille au bide. C'est avoir choisi, un jour, une situation sociale, statutaire, professionnelle, et au fond humaine, qui à la fois vous ravit et vous déstabilise. Parce qu'on ne sait absolument pas de quoi l'avenir sera fait. J'aime passionnément ma petite entreprise, mon indépendance, j'aime me faire du souci pour tout cela. Ca ronge, de l'intérieur, c'est le prix à payer. Comment voulez-vous, dans ces conditions de constante inquiétude, impliquant la vivacité demeurée d'un état d'hyper-conscience sur les événements, qu'on accepte le principe de "déconnexion" ?

     

    Des circonstances extérieures se chargeront bien, un jour, de nous "déconnecter". Mais, tant qu'on est vivant, en état (et surtout en désir) de livrer bataille, il faut demeurer sur le terrain. Et combattre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Du vent et des illusions

     

    Sur le vif - Mardi 17.04.18 - 09.39h

     

    L'esprit de normalisation qui règne chez les éditorialistes, depuis l'élection de dimanche à Genève, n'est rien d'autre qu'un trompe-l'œil.

     

    D'abord, étonnant, tout de même, cette jouissance des observateurs à l'idée qu'après une parenthèse de fébrilité, tout rentrerait enfin dans l'ordre. Comme si la politique, délivrée des antagonismes et des questions qui fâchent, ne devait être que l'équilibre paisible d'un château de cartes.

     

    Surtout, c'est un leurre. Les questions cruellement posées en 2005, 2009 et 2013 demeurent. Flux transfrontaliers. Emploi local précarisé. Les coûts pour accéder aux soins médicaux. Le manque de logements. La difficulté de circuler.

     

    Pour s'attaquer à tout cela, le corps électoral a choisi de donner une nouvelle chance aux "partis traditionnels". Mais comment la TG ose-t-elle clamer que la frange protestataire "mord la poussière", alors que le MCG, avec ses onze députés, fera clairement office de parti charnière au Parlement ? L'UDC, Ensemble à Gauche, jusqu'à nouvel ordre, ont décroché le quorum.

     

    Le MCG a été attaqué de l'intérieur par une dissidence qui lui a fait perdre plusieurs sièges. Quant à ses thèmes de prédilection, comme la préférence cantonale, ils ont purement et simplement été récupérés par les autres partis. La puissance des "partis traditionnels", depuis la fin du 19ème siècle, c'est de se nourrir doucement des oppositions, en les intégrant.

     

    Le MCG, s'il sait gérer sa défaite et se concentrer sur l'essentiel, peut faire beaucoup mieux avec onze députés cohérents et en ordre de bataille, qu'avec un groupe pléthorique de vingt personnes, où les ferments de dispersion étaient visibles - pour qui sait lire - dès le premier jour de la législature.

     

    Reste que le canton ne veut pas étouffer. Les rêves délirants de croissance, avec flux migratoires, gains faciles pour le patronat, agrandissement démesuré de l'aéroport, ne sont sûrement pas ceux de la population.

     

    Le Grand Conseil 2018-2023, nous dit-on, sera "plus clair". Mais en quoi, je vous prie, un Parlement doit-il être "clair" ? Le gouvernement doit l'être, c'est sûr, mais la députation, c'est la représentation populaire, dans sa diversité, ses contradictions, sa richesse. Que des confrères, journalistes politiques, se réjouissent de l'avènement d'une Chambre d'enregistrement, toute aux ordres d'un Pierre Maudet, est de nature à surprendre.

     

    Dans cinq ans, nos enfants auront-ils des logements, du travail, du pouvoir d'achat ? Seront-ils, comme nous aujourd'hui, étranglés par les primes maladie ? Pourront-ils se déplacer convenablement dans l'espace urbain ? Les Lyonnais viendront-ils embarquer, pour leurs vols à bas coût, à Cointrin ? Cette législature aura-t-elle un peu permis d'avancer ? Ou n'aura-a-t-elle, comme celle qui se meurt, levé que du vent et des illusions ?

     

    Pascal Décaillet