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Sur le vif - Page 1158

  • L'ignoble patron au gilet rayé


    Un gros patron, bien dodu, souriant d’aise, énorme cigare au bec, gilet rayé, boutons de manchettes, assis sur le dos d’un pauvre maçon, qu’il éreinte de sa pesanteur et de son arrogance. Et du bout de son cigare, le nabab à costard allume et enflamme la convention collective de travail du secteur de la construction.

     

    C’est une affiche, pleine page, fond rouge, en page 6 du Temps de ce matin. Elle est titrée « Pyromanes », et émane du syndicat Unia. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle percute, ce qui est bien son but d’ailleurs. Comme affiche, elle est efficace.

     

    J’ai défendu, dans ces colonnes, vendredi, l’absolue nécessité d’une convention dans le domaine des chantiers. J’ai rappelé à quel point ce métier était dur, et méritait d’être protégé. J’ajoute que la récente prise de position de la Société suisse des entrepreneurs, à Zurich, de refuser l’accord du 19 décembre, ne m’apparaît pas comme la plus éclairée de l’histoire de cette association patronale.

     

    Mais voilà une affiche qui n’arrangera rien. Il fut un temps, dans certaine ville d’eau qui tenait lieu de dérisoire capitale de la France, où l’on dessinait aussi des hommes à gros cigares, dans les caricatures des journaux. Le profiteur, le ploutocrate. Dans un contexte certes différent, j’en conviens. Ils avaient juste un nez crochu, ce dont cette affiche a eu l’extrême délicatesse de nous épargner.

     

    Et Unia s’imagine se rasseoir, bientôt, à une table de négociations avec un patronat qu’elle aura ainsi stigmatisé ? Et Unia nous dira un jour ce que lui a coûté cette pleine page du Temps ? Et les syndicats suisses dévoileront un jour, en toute transparence, leurs fonds de campagne ? Toutes questions qu’il est sans doute tabou d’oser articuler, ne serait-ce que du bout des lèvres. Parce que, c’est bien connu, les patrons sont tous des profiteurs, et les syndicalistes sont tous des saints.

  • Eveline Widmer-Schlumpf : premiers signes d’habileté politique


     

    La Suisse romande ne connaît pas encore Eveline Widmer-Schlumpf, que j’espère bien recevoir très bientôt sur le plateau de « Genève à chaud ». Mais, à coup sûr, s’il est une qualité dont la nouvelle conseillère fédérale ne semble pas dépourvue, c’est bien l’habileté politique. Les premiers signaux, dans la construction de son état-major personnel, vont dans ce sens.

     

    On savait déjà que le démocrate-chrétien Livio Zanolari, Grison comme elle (mais italophone), habitué de tous les cabinets successifs depuis Flavio Cotti, y compris celui de Christoph Blocher, allait demeurer à son poste. Mais la nouvelle la plus surprenante, en termes d’ouverture, c’est l’engagement, que nous venons d’apprendre, du radical d’origine française Sébastien Leprat, aujourd’hui secrétaire politique du PRD, naguère l’un des responsables de la campagne des pommes de Jacques Chirac (1995).

     

    Un démocrate-chrétien, un radical dans l’entourage immédiat de la nouvelle ministre. Voilà qui marque une réelle intelligence politique. Et, surtout, un signal à son parti, l’UDC : « Vous ne voulez pas de moi dans le groupe au Chambres fédérales. Eh bien tant pis. Je travaillerai avec d’autres ».

     

    Reste à voir comment le parti radical suisse encaissera le « passage » du très civil et très courtois Sébastien Leprat dans une officine « rivale ». Leprat, l’un des proches de Fulvio Pelli. Et adepte, sans nul doute, du « relativisme » dans le positionnement politique…

  • Saint Pascal, pendant un an?


     

    Je suis le premier à dire du bien de Pascal Couchepin, je l’ai fait souvent, bien avant que ça n’en devînt la mode. Le premier, aussi, à voir en lui un homme d’Etat, à coup sûr l’homme fort de l’actuel Conseil fédéral, ce qui tombe bien, puisqu’il est Président pour 2008.

     

    Mais à lire certains articles, depuis quelques semaines, certaines grandes interviews comme la double page d'avant-hier (jeudi 3 janvier 2008) dans le Temps, je commence à percevoir un frisson de dérive hagiographique. Ca n’est pas encore Dieu le Père, mais déjà le Rassembleur, une sorte de Nicolas de Flue, oui une forme de saint laïque devant lequel même une partie de la gauche s’extasie. Pierre-Yves Maillard, l’autre soir dans Forums, rendait hommage à ce radical qui avait su remettre la République au milieu du village. Maillard, le vieil ennemi de Couchepin dans les questions d’assurance maladie !

     

    Pardonnez ma discordance dans cette belle unanimité, mais j’ai des réserves. Les mots de «fascisme » et « Duce », à propos de Christoph Blocher, cet automne, me restent en travers de la gorge, et Dieu sait si je me sens plus proche de tout l’univers (politique, historique, philosophique) de Pascal Couchepin que de celui du tribun zurichois. Mais désolé, l’UDC, ça n’est pas encore le fascisme, Blocher ça n’est pas encore Mussolini. Et c’est en constatant, le 12 décembre à midi, le fabuleux résultat de Couchepin à la présidence de la Confédération (je veux dire, même les voix de la gauche !) que j’ai compris, rétrospectivement, tout l’intérêt qu’avait eu le vieux renard à oser une comparaison dont il savait le premier, en fin connaisseur de l’Histoire, qu’elle allait un peu loin.

     

    Que cela pût, un infinitésimal instant, procéder d’un calcul, voilà qui fait rougir et fulminer les bonnes âmes dont je lis déjà les lettres de protestation. Ainsi, pourtant, fonctionne la politique. Qui n’est pas affaire de morale, mais de luttes de pouvoir. Rien d’autre. Aussi simple qu’une basse-cour dans laquelle il y aurait un coq de trop. Pardonnez la crudité de mon analyse. Mais une once de cynisme, dans un océan de bons sentiments, fait parfois du bien. Non ?