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Sur le vif - Page 1135

  • Yves Nidegger en clown blanc

    Sur le vif - Dimanche 07.12.08 - 19.40h

     

    Clown blanc, ou Monsieur Dimanche ? La capacité d’Yves Nidegger à se métamorphoser, en fonction des circonstances, vient de rebondir comme mille galets sur l’onde de la RSR, à l’instant. Commis d’office, pour cause de parti commun, à la défense du président du Grand Conseil genevois, Eric Leyvraz, notre avocat-politicien avait à justifier, face à l’ombrageux plébéien Eric Stauffer, la mesure d’exclusion de vendredi soir.

     

    On savait Nidegger entièrement voué, depuis des mois, à une entreprise de polissage de toute aspérité pouvant évoquer, dans sa personne, la sauvagerie qui colle aux basques de son parti, les gens sont si médisants, vous n’imaginez pas. Exercice réussi, là, sur le coup de 18.55h, au-delà de toute espérance : face au rugueux Stauffer, voici Nidegger le lissé. Face au populacier, voici l’élitaire exégète du règlement, le décrypteur. Face à la bête, primitivement prisonnière de son sentiment d’injustice, voici l’initié. Face à celui qui gronde, voici la musique du murmure. Très beau moment, à sortir dans les écoles de rhétorique.

     

    Quel est, en Suisse, le parti qui tonne et qui détonne, déboule dans les salons, défrise le bourgeois ? L’UDC, of course. Eh bien là, non, c’était le contraire : l’UDC avait trouvé plus dérangeant qu’elle, alors, tout en douceur, elle le renvoyait à la niche. Si Nidegger avait disposé, en cet instant, de quelques bouts de viande, à coup sûr, il les aurait lancés au sol, pour nourrir le fauve appétit de son contradicteur.

     

    Ainsi, en quelques minutes, il a montré qui, dans ce coin de pays, pouvait à l’occasion être gouvernemental. Sans élever la voix. Comme chez Verlaine, s’il y avait eu un vieux parc solitaire et glacé, les deux ombres de ces hommes y auraient tout à l’heure passé.

     

    Pascal Décaillet

  • Brumaire ? – Non! Seulement le MCG…


     

    Sur le vif - Samedi 06.12.08 - 19.25h

     

    Non, Monsieur le Président du Grand Conseil, les trois hommes que vous avez exclus de votre séance hier soir ne sont pas des enfants, comme vous venez de le déclarer avec un paternalisme papillon à Forums (ce soir, 18.05h), ce sont des élus du peuple. Turbulents peut-être, pas très bien élevés, plutôt saucisse foraine que tisane de salon, hâbleurs, bretteurs, grassouillets dans la pesée des syllabes, tout cela j’en conviens. Mais ce sont des élus.

     

    Le contrat qui les amène dans l’enceinte que vous présidez leur vient, comme le vôtre, comme celui de Monsieur Brunier, directement du suffrage universel. Les empêcher de siéger est sans doute possible (je ne doute pas que le règlement ait prévu la chose), mais ne doit être décrété que dans des circonstances d’une extrême gravité. Très franchement, étiez-vous, hier soir, dans ce cas de figure ? Le colonel Tejero avait-il fait son entrée dans le sanctuaire ? Quelques improbables grognards brumairiens commençaient-ils à poindre dans les Pas perdus ? Lucien Bonaparte s’apprêtait-il à vous neutraliser ?

     

    Quid, au juste ? L’un des députés MCG s’en prend de façon un peu virile, certes inélégante, à un confrère de gauche, ou à l’épouse de ce dernier. Le ton monte, le verbe devient braise. Et alors ? N’est-ce pas dans l’essence des parlements que de laisser une certaine latitude aux échanges un peu vifs ? Le passionné d’Histoire que vous êtes a-t-il lu les comptes-rendus des débats sous la Troisième République ? Sous Panama, l’Affaire Dreyfus, Stavisky ? Traiter Monsieur Beer de bonnet d’âne ? La belle affaire ! Toute la presse genevoise, la veille encore, filait et dévidait l’animale métaphore, presque naturelle en cette période de l’Avent.

     

    Monsieur Leyvraz, le chef de file historique de votre parti, Christoph Blocher (que vous admirez), n’est-il pas précisément l’homme qui a su réhabiliter, quitte à se faire haïr, une certaine verdeur dans la prise de parole publique, un discours affectif et imagé, blessant par ci, lacérant par là, transperçant de flèches parfois. L’avez-vous déjà entendu, en zurichois, à L’Albisguetli ? MM Stauffer, Golay et Rappaz, en comparaison, c’est encore Madame de Sévigné, ou la Carte du Tendre, l’amour courtois, les génuflexions rosacées devant l’être aimé.

     

    Et puis quoi ? Un parlement doit-il n’être que pesées de laboratoires, rapports de minorité, motions d’ordre, juristeries consensuelles ? Où est-il écrit qu’il faille y parler dans le seul dessein d’y faire bailler aux corneilles ? Le monde de M. Stauffer et celui de M. Brunier sont, bel et bien, aux antipodes. Pourquoi cet antagonisme ne se traduirait-il pas par quelques éclats de voix, des attaques, des piques, des éclairs et des coups de tonnerre ? Imaginer qu’un texte lu dans l’enceinte ait pu être écrit par un autre, cela, franchement, relève-t-il du renvoi de séance ? A cette question, je réponds non.

     

    Vous avez eu, hier soir, Monsieur Leyvrat, la main trop lourde dans la sanction. Puissiez-vous au moins, par cohérence, appliquer le règlement avec la même rigueur lorsque les écarts viendront des partis des notables. Gauche caviar ou droite cassoulet, gauche Brunier ou centre dodu, plus assis que nos forains et nos mauvais garçons, davantage dans le système, champions toutes catégories dans l’art de se tenir par la barbichette sans esquisser le moindre rictus. Ah, les braves gens !

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Libéraux genevois : la passion du suicide



    Sur le vif – Vendredi 21.11.08 – 00.30h

    En refusant, il y a deux heures, de désigner Olivier Jornot, l’un des fauves les plus racés de la faune politique genevoise, pour la candidature au Conseil d’Etat, les libéraux genevois viennent de commettre une erreur historique. Par confort, par adoubement du douillet, par peur de l’homme fort et de la tête qui dépasse, par une mixture de provincialisme communal (où le seul mot « péréquation » préfigure l’extase salée d’un coït) et de génuflexion féministe, ils viennent d’éliminer rien moins que le meilleur des leurs. Les libéraux genevois auraient-ils la passion du suicide ?

    Ils ont cru qu’ils allaient pouvoir gagner par la sagesse de l’équilibre (jusqu’à celui, tellement convenu, des sexes), là où la politique a besoin de dépassement, de sales tronches, de rêves de gloire et de nuits blanches, de caractères de rats, et surtout d’une incomparable compétence sur les dossiers, bref j’ai nommé Olivier Jornot. L’homme capable, à la même vitesse de lumière, de vous réciter Quinte-Curce et de vous pondre, sur une nappe de papier, un projet de loi sur la police. Jornot est un fou de politique, un fou de pouvoir, et c’est justement pour cela qu’il fallait le désigner.

    Au nom de quelle étrange conception la politique devrait-elle se résigner à n’être qu’une flasque aspiration au juste milieu ? Poitevine et marécageuse, quand elle pourrait être de terre ferme et de soleil, ouverte à la férocité des vents. Pas les zéphyrs : les vents ! Là encore, j’ai nommé Olivier Jornot, homme de voiles latines, de lettres et de droit, de poèmes épiques et de textes de loi. Prétorien ? Et alors ! L’Histoire retient-elle le bruit parfois coupable des bottes, crottées de la glaise du temps, ou l’innocent cliquetis des sandales ?

    Au pouvoir personnel, les libéraux ont donc préféré les délices plus castratrices de l’impuissance impersonnelle. N’ayant pas osé le coup de force contre les éminences acquises, installées, ni contre le conformisme de l’équilibre, ils ont pris le risque de barrer la route du pouvoir à un homme qui génétiquement, était programmé pour l’exercer. Beau gâchis. Pour les libéraux. Et pour Genève.


    Pascal Décaillet