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Sur le vif - Page 1138

  • Cohn-Bendit et la Grande Muraille de l’énormité



    Vendredi 08.08.08. – 19.30h

    De Mai 68, on connaissait déjà l’extrême finesse ciselée, toute en nuances, du slogan « CRS-SS ! », qui assimilait les Compagnies républicaines de sécurité de la fin des années soixante, en France, aux pires phalanges du pire régime du vingtième siècle. Pour la grâce d’une homophonie, certes sonore et efficace à l’oreille, et les périlleuses délices d’une hyperbole, on plaquait sur les murs, sans sourciller, l’un des amalgames les plus ahurissants de l’après-guerre. Le chef des étudiants, en mai 68, s’appelait Daniel Cohn-Bendit.

    Quarante ans plus tard, le même homme, aujourd’hui député européen des Verts, compare la Chine de 2008 à l’Allemagne hitlérienne de 1936. « Etait-il juste, en Allemagne en 1936, d’aller serrer la pince à Hitler ? ». Cela pour condamner le voyage de Nicolas Sarkozy à Pékin.

    Oh, certes, ne comptez pas sur moi pour défendre l’actuel régime chinois. Nous savons ce que, là-bas, il advient des droits de l’homme. Nous connaissons, aussi, la question tibétaine. Mais se référer au nazisme, là nous ne sommes plus dans le simple registre de l’oxymore, mais dans celui de la ligne jaune franchie à pieds joints, avec toute l’allégresse de l’ignorance de l’Histoire. Registre dans lequel notre cher locuteur, depuis quatre belles décennies, se plaît à exceller avec une métronomique régularité.

    On nous dira que le Reich de 1936 n’est pas encore celui des années 1942-1945, celles de la Conférence de Wannsee et de la solution finale. Certes. Mais l’horreur absolue de la déportation et du génocide, cette Allemagne de l’année olympique les porte déjà en germes. « Mein Kampf », écrit une décennie plus tôt par Adolf Hitler, est, en cette année 1936, un best-seller : l’idée d’éliminer une communauté humaine, en tant que telle, y est très clairement libellée et soutenue. Et puis, les lois de Nuremberg datent du 15 septembre 1935. Je suis désolé, mais la Chine de 2008, toute condamnable soit-elle, ça n’est pas encore exactement cela.

    Quant à Cohn-Bendit, n’ayez aucune crainte pour lui. Il survivra parfaitement à ce dérapage. L’océan de béatitude médiatique dans lequel il baigne depuis ses jeunes années, l’immunité dont il jouit (sans entraves, of course), tout cela lui assure encore, pour de longues années, toute latitude pour franchir quand il le veut, la Grande Muraille de l’ineptie et de l’énormité.

    Pascal Décaillet










  • Pascal Couchepin et les trois "conjurés"



    Sur le vif – Vendredi 01.08.08 – 17.25h

    Dans son discours du Premier Août, le Président de la Confédération a décrit les Trois Suisses, tout à l’heure, comme trois « conjurés ». Oeuvrant pour une grande ambition : la liberté.

    « Conjurés » : il y a bien sûr l’étymologie, implacable, qui ramène ce mot à un serment commun. À cela, rien à dire. Et le verbe présidentiel, inattaquable.

    Mais en politique, un coup de dés ne suffit pas toujours à abolir le hasard. Un jeu de mots, non plus. Trois « conjurés » pour une bonne cause. Voilà qui peut certes nous renvoyer au miroir du Grütli. Mais voilà, aussi, qui me rappelle quelque chose d’un peu plus récent.

    Pas vous ?

    Utiliser ces deux mots-là, « trois conjurés », et nul autre, dans un sens aussi positif, salvateur même, à quelques mois du 12 décembre 2007…

    L’allusion était-elle volontaire ? Ou n’est-elle que le fruit de ce glissement freudien dont notre homme, justement à son corps défendant, semble raffoler tout en feignant de l’ignorer: le lapsus ?

    À tous, je souhaite une excellente Fête nationale !


    Pascal Décaillet

  • Ueli Leuenberger vert de rage



    Ou : les maux sous les mots

    Sur le vif – Jeudi 31.07.08 – 20.20h

    J’ai beaucoup attaqué le président des Verts suisses, Ueli Leuenberger, ces derniers jours. Comme dans toutes mes chroniques et tous mes éditos, depuis plus de vingt ans, j’ai attaqué le comportement politique, en aucun cas l’homme, à l’amabilité duquel il me semble même avoir rendu hommage.

    Je respecte l’homme Ueli Leuenberger, comme je respecte tous les politiques de ce pays. Mais j’attaque l’homme politique, oui. Je dénonce et démonte l’opportunisme de sa récupération de l’affaire Nef, et je dévoile sa finalité ultime: faire entrer l’un des siens (si possible lui-même) au Conseil fédéral. Proposer des lectures, des interprétations, lever des maux sous les mots, ne pas être dupe, décrypter, exercer son esprit critique, voilà qui me semble, bien au-delà de mon métier d’ailleurs, le droit de tout citoyen. J’ai ajouté mon étonnement face à une certaine « immunité » d’Ueli Leuenberger devant la presse.

    Et voilà qu’Ueli Leuenberger, sans doute étonné que, pour une fois, un commentateur de la vie politique ne chante pas ses louanges, me demande des excuses. Pour avoir titré mon papier « Ueli le climatique » ? Il me semblait que l’art de la satire (lequel n’a jamais gêné Ueli Leuenberger lorsqu’il se dirigeait contre ses ennemis politiques) pouvait s’accomoder d’une telle formule. La comparaison avec l’odieux responsable irakien n’étant là, le président des Verts l’a d’ailleurs très bien compris, que pour la formule. Mais enfin, si Ueli l’intouchable y tient absolument, alors je veux bien briser les ellipses, et déclarer, au premier degré : non, Ueli, je ne vous assimile pas au boucher des Kurdes.

    Dans mes papiers, je n’ai jamais, une seule seconde, utilisé l’attaque « ethnique » contre Ueli Leuenberger, cela n’est ni mon style, ni ma pensée, ni mon langage. Que certains commentateurs l’aient fait, je le désapprouve, mais n’ai pas à les censurer.

    Quant à attaquer les Verts, oh oui, je pense bien réitérer maintes fois. Et j’attends avec impatience qu’on me brandisse l’article du Code pénal interdisant de commettre un aussi terrible crime.

    Pascal Décaillet