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Sur le vif - Page 1101

  • Salle du Môle : la Nuit du Carrefour

     

    Chevrolet 87 - Bonny 53 - Ambiance

     

    Vin de messe, hier, à la buvette de la Salle du Môle, arachides sanctifiées, parfum d’antichambre et de sacristie. Pour quelle offrande ? Quel agneau sacrificiel ? Quand la démocratie chrétienne, fût-elle urbaine, tient ses comices, le maquignonnage a quelque chose, sait-on pourquoi, de plus sacré qu’à l’ordinaire. Oui, c’était, hier, le sel d’une soirée d’avril, entre Pâques et Pentecôte, quelque part sur la terre.

    L’offrande, c’était évidemment l’imminence d’un perdant. C’est toujours comme cela, celui qui grimpe au ciel, celui qui reste en bas, celui qu’on arrache au destin, celui qui s’y englue. D’un côté la route enchantée, de l’autre la nuit du carrefour. Tout cela n’étant qu’un rêve, au pire quelques haillons de cauchemar, une affaire de Reconquista : ici un Don Quichotte, là un Sancho Pança, avec juste une inversion des tailles, et des moulins qui tournent dans les têtes.

    Y aurait-il eu, comme dans la chanson, « le meilleur et le pire, le doux et le sévère » ? Le maigre et le bien portant. L’austère et le festif. Le Bonny et le Clyde. On aurait stipendié un scénariste d’Hollywood pour esquisser deux profils aussi antagonistes, on n’aurait pas trouvé mieux, depuis les très regrettés Stan Laurel et Oliver Hardy. Alors voilà, hier soir, le yang a triomphé du ying, la fiesta de la sobriété, la folie de la raison, l’excès de la mesure, Michel Chevrolet de Didier Bonny. C’est la vie, c’est le chemin. Il paraît même que c’est la vérité.

    Et les officiants, à la buvette, sans même donner l’impression d’aiguiser des couteaux, louaient, que voulez-vous, la survie par la puissance de l’image, contre l’aridité du concept. La revanche de la Contre-réforme sur la nudité cistercienne. C’est un choix. C’est un chemin. Il se pourrait même que ce soit une autoroute.

     

    Pascal Décaillet

     

  • CEVA : quand Perrette se réveille…

     

    Ils en ont mis, des sous, les milieux de la construction, pour que passe le CEVA. Comme ils en ont mis, avec le patronat genevois, pour la loi sur l’énergie. Dans leurs prunelles, miroitaient les millions. Affaires par-ci, adjudications par-là, relance de l’économie, soumissions gagnantes, veaux, vaches, cochons, couvées : Perrette rêvait, le pot-au-lait dansait sur sa tête, il se dodelinait, se trémoussait, se riait de l’équilibre, narguait le ciel.

     

    Le ciel ? Il fait mal, oui, le ciel, quand il retombe sur nos têtes. Comme le relève mon confrère Marc Moulin, dans la Tribune de Genève, c’est un groupe français, Vinci, qui remporte le morceau pour la tranchée couverte de Frank-Thomas, l’un des travaux du CEVA. Soit près de 256 millions sur 830. Victoire obtenue du reste en toute légalité, en tout bien tout honneur, dans le pur droit canon de la libre circulation, tant prônée pas nos entrepreneurs. Bref, le groupe Vinci n’a rien à se reprocher : il a joué la concurrence, il a gagné.

     

    Ce qui est plus troublant, ce sont les réactions de nos entrepreneurs. Soudain, très protectionnistes. Soudain, se souvenant qu’il existe une frontière. Soudain, très soucieux des conditions salariales obligatoires à Genève. Soudain, rappelant que notre canton est un îlot de cherté, ce dont en effet nul ne doute. Soudain, sensibles au chômage des ouvriers locaux. Soudain, craignant les sous-traitances.

     

    La belle Perrette se serait-elle réveillée ? Ses paupières commenceraient-elles à s’entrouvrir ? On nierait l’existence de la frontière, tant que les affaires seraient gagnantes. Dès que viendrait poindre un sort plus néfaste (pourtant dûment scellé par la loi du marché), on retrouverait dans les protectionnismes nationaux d’éminentes vertus, par mégarde oubliées.

     

    Etonnant, non ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • Jacques Antenen : « C’est pas nous, c’est eux ! »

     

    « C’est pas nous les responsables, c’est les autres ». C’est ainsi qu’on peut résumer la ligne argumentaire, dûment répétée et martelée, du commandant de la police vaudoise, Jacques Antenen, aujourd’hui dans l’émission La Soupe. En toile de fond, le drame de ce détenu mort à Bochuz, alors que sa cellule brûlait, et que personne ne lui venait en aide.

    Ligne de défense de M. Antenen : dans le canton de Vaud, la police dépend d’un Département (celui de Mme de Quattro), et les services pénitentiaires d’un autre (celui de M. Leuba). A entendre le chef de la police, ses services à lui  n’auraient rien à se reprocher. Et donc, ab negatione, il va falloir sérieusement s’intéresser à ceux qui officient à Bochuz.

    Tout cela est peut-être vrai. L’enquête le dira. Mais, pour un auditeur moyen, Vaudois ou non, averti ou non des séparations de pouvoirs, il y a un homme qui est mort alors qu’il aurait pu survivre. Dans ce contexte, l’insistance avec laquelle M. Antenen a tenu à laver d’avance ses troupes de tout soupçon, et donc la manière dont il a chargé les autres, est franchement un peu forte de café. Outre qu’elle ravive au grand public de sourdes rivalités, elle ne donne pas (et c’est étonnant de la part de cet homme de valeur) une très grande idée du service de l’Etat.

    On comprend qu’un chef de corps protège ses troupes. Mais alors en l’état, l’enquête étant en cours, et ne faisant sans doute que commencer, était-il opportun, au niveau gouvernemental, de laisser descendre dans l’arène un homme étalant au grand jour un climat de règlements de comptes entre services, et de patate chaude qu’on s’empresse de se passer ?

    On nous permettra, pour le moins, de nous poser la question.

     

    Pascal Décaillet