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Sur le vif - Page 1094

  • Constituante Kaputt !

     

    Kaputt, la Constituante. À terre. Raide. Caca. Bouge plus une oreille. Elle a mouru, c’est sûr ; ne demeure que le râle geignard des pleureuses, la remembrance de ce qui fut fantasmé et n’advint jamais. Constituante, oh, nanisme ! Tant de semences au vent jetées, sans jamais le moindre fruit. Prends-en de la graine, passant, va dire à Sparte qu’ils sont tous morts pour rien, mais que ça n’est pas grave. Parce qu’à l’exception de Jean-François Mabut, du soussigné et d’une octantaine d’hallucinés, tout le monde s’en contrefout. 82 passionnés sur 450.000 habitants, c’est encore un peu juste pour calciner les foules d’un irrépressible désir.

     

    Oui, ce fut un méga-rêve en circuit fermé. Oui, ce furent nos Mégaras, nos jardins d’Hamilcar, nos Petits Lirés, nos codes savants, nos clins d’œil barbaresques, avec cinquante étoiles comme cinquante Etats, cinquante sénateurs. Ce furent nos aubes, nos hivers, la conjugaison de nos plaisirs solitaires. Mais la droite, à en croire la Pampa, a sifflé la fin du rêve. La droite n’était qu’un veilleur mélancolique qui tournait sa ronde. Et qui avait entendu du bruit. Ils n’étaient même pas Thiers, même pas Versaillais. Juste des passants. Fatigués du bruit.

     

    Alors, adieu sénateur, adieu cinglante Espagne, adieu Murat le Magnifique, souvenir d’Eylau et des charges de cavalerie dans la nuit bleue, glacée, la nuit de la mort, la vraie, violente, celle du fracas des armes. Adieu l’Empereur, adieu la France, adieu le Soli de Fiume, adieu lecteur vaudois qui lit ce texte sur le site de 24 Heures et se demande si je suis devenu fou. Adieu radio, Conservatoires, filles en fleur, adieu trios de rêves dans la pâleur de l’aube. Adieu, Constituante ! Nous allons maintenant, comme dans la chanson de Jonasz, reprendre le cours de nos vies.

     

    « Constituante Kaputt », m’a glissé à l’oreille Alberto Velasco, ce matin 07.06h, alors qu’Apolline, Thaïs (« qui fut sa cousine germaine ») et Zoé, 10, 12 et 12 ans, escortées de leur délicieuse professeur, nous enchantaient de leur musique. Il a dit « Kaputt », et le fracas germanique de ces deux syllabes, sans rien dans sa voix qui laissât perler l’hispanisme de ses tripes, et j’ai compris. Il a dit « Kaputt », et j’ai vu la mort.

     

    Puis, Ubu est arrivé. Et tous, nous sommes allées boire un café.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Affaire Hainard : mes révélations

     

    Sur le vif - Samedi 29.05.10 - 12.27h

     

    Quand j’étais petit, il y avait un roman, à la bibliothèque paroissiale (où j’adorais passer mes jeudis après-midi), qui s’appelait « La Curée ». C’était au rayon Zola, entre « L’Assommoir » et « Thérèse Raquin ». Et moi, qui n’avais pas encore découvert ce grand auteur, je croyais que c’était l’histoire de la femme du curé ! C’était il y a bien longtemps. C’était mille ans avant l’affaire Hainard.

     

    Infusé jusques aux tréfonds de la moelle par la vie politique genevoise, gardant un œil sur la fédérale (qui m’occupa si longtemps) et un autre sur la valaisanne (ah, celle-là doit toujours demeurer à portée de prunelle), j’avoue avoir un peu décroché des affaires intérieures neuchâteloises. Je ne connais donc pas Monsieur Hainard, ni le fond de son « affaire », si ce n’est par quelques ondes publiques ou nouvelles orangées.


    Je suis tout de même, ami lecteur, en mesure de vous révéler que cet ignoble individu :

     

    ·     a cassé le vase de Soisson ;

    ·     a commandité le feu de Lee Harley Oswald, le 22 novembre 1963, à Dallas ;

    ·     est le véritable auteur du Petit Bleu dans l’Affaire Dreyfus ;

    ·     se trouve être le véritable inventeur du langage épicène ;

    ·     fut complice de François Mitterrand dans la nuit d’encre de l’Observatoire ;

    ·     a œuvré comme conseiller vestimentaire de Ruth Dreifuss ;

    ·     se tenait caché derrière le rideau du Bureau Ovale lors des très riches heures Clinton-Monica Lewinsky;

    ·     appuya, dans le cockpit de l’Enola Gay, sur le bouton de largage de bombe, un 6 août, dans le ciel bleuté d’Hiroshima ;

    ·     a conseillé à l’artiste peintre Adolf Hitler de se lancer en politique ;

    ·     a suggéré à Philippe le Bel de griller les Templiers ;

    ·     a eu l’idée de la Constituante genevoise ;

    ·     a lancé un Club Med au Locle ;

    ·     a scindé son propre canton entre le Haut et le Bas, après avoir lu une histoire de mer Rouge dans un vieux bouquin de sa bibliothèque paroissiale à lui ;

    ·     a fait en sorte que le volcan islandais se réveille ;

    ·     œuvre actuellement au retour de la variole et du choléra ;

    ·     trompe sa maîtresse avec sa femme ;

    ·     boit du vin neuchâtelois ;

    ·     croit à la fusion libérale-radicale ;

    ·     négocie en secret le retour des Prussiens à Neuchâtel;

    ·     boit de l’eau en cachette ;

    ·     tire le pigeon la nuit ;

    ·     noie des chats dans l’Areuse ;

    ·     n’utilise jamais le point-virgule ;

    ·     a voté McCain ;

    ·     s’est opposé à la suppression du corset par Poiret ;

    ·     prêche que la Curée est bel et bien la femme du Curé, et qu’il la connaît d’ailleurs de très près.

     

    Ce ne sont là, bien sûr, que quelques crimes, parmi les plus bénins. Pour les autres, on se référera aux ondes publiques ou aux nouvelles orangées.

     

    Que ce dernier week-end de mai vous soit doux comme le passage de l’Absinthe dans la dernière nuit du monde.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Patrick Ferla: un choix porteur d'espoir

     

    La nomination de Patrick Ferla, hier, à la présidence du Salon du Livre, est une bonne nouvelle pour tous ceux qui aiment cet objet tellement précieux qui accompagne nos vies. Je connais Patrick Ferla depuis longtemps : c’est un homme qui aime profondément le livre, et encore plus les auteurs. Il sait les écouter, les mettre en valeur, il a fait le choix, toute sa vie, de l’exigence au service du plus grand nombre. Non pas le discours circulaire, en huis clos, de type « chaîne culturelle destinée aux seuls initiés », mais la culture, sans l’avilir ni la travestir, à destination du plus grand nombre. Sur le seul type de chaînes, en radio, qui vaillent : les chaînes généralistes.

     

    Fondateur et infatigable défenseur du Salon, Pierre-Marcel Favre a beaucoup fait pour le livre. Avec son métier à lui, celui d’éditeur, sa connaissance des choses commerciales, son esprit d’entreprise. Avec Ferla, tout en maintenant le réseau, c’est l’espoir d’un affinage qualitatif qui émerge. Au fond, il ne faut pas que mon confrère ne devienne autre chose que ce qu’il est : un passeur. Davantage que son prédécesseur, il pourrait, par quelques signaux d’évolution, accentuer le respect et la mise en valeur des auteurs. J’ai toujours trouvé un peu déprimant, depuis vingt ans, de voir des gens de l’envergure de Chessex, devant une pile de leurs derniers romans, s’ennuyant à attendre le quidam qui voudrait bien venir discuter avec eux. Au Salon, les stands sont trop empilés de façon indifférenciée, comme alignés au cordeau : l’écriture mérite mieux.

     

    Autour des auteurs (ne sont-ils pas, eux, les véritables « héros des temps modernes », pour paraphraser Péguy), n’y aurait-il pas une scénographie plus subtile à organiser ? N’y a-t-il pas une meilleure visibilité à leur donner ? Enfin, je crois relayer un sentiment général en appelant à un peu moins de stands n’ayant strictement rien à voir avec le monde des livres, ni même avec celui de la culture. Propagande religieuse, voire sectaire, gnangnans alternatifs en sandales, tiers-mondistes picoreurs de petites graines, marchands du temple, trucs et ficelles, trocs et combines. Bref, le bordel.

     

    Après un homme d’affaires avisé (il en fallait un, pour lancer la machine), il est heureux que survienne un transmetteur de sensibilités. Ne devenir que ce qu’il est, c’est le défi de Patrick Ferla.

     

    Pascal Décaillet