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  • L'Allemagne, c'est nous !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.01.24

     

    Aucun Suisse ne peut, raisonnablement, demeurer insensible à la péjoration vertigineuse de l’économie allemande. Notre grand voisin du Nord, quatrième puissance économique mondiale, poumon industriel du continent, dix fois plus peuplé que notre pays, se porte mal. Ses paysans sont furieux, et le font savoir en bloquant les autoroutes. Son industrie est en baisse de compétitivité. Certaines matières premières, indispensables pour faire tourner la machine allemande, font défaut à l’importation. Le réseau ferroviaire est constamment perturbé. Le pays modèle de l’Europe devient un mauvais élève.

     

    L’Allemagne est notre premier partenaire commercial. Quels que soient les aléas de l’Histoire, la Suisse se doit de garder avec ce géant septentrional les meilleures relations possibles. Jamais, dans notre Histoire moderne, depuis 1848, nous n’avons pu faire l’économie de ce lien, qui doit rester privilégié.

     

    Et puis, l’Allemagne, c’est un peu nous. L’allemand est l’une de nos quatre langues nationales. La littérature, la poésie, la musique allemandes, accompagnent nos vies. Leur Réforme, au seizième siècle, fut nôtre, leurs Lumières (Aufklärung) nous ont éclairés, leur Sturm und Drang, leur Romantisme, ont puissamment marqué nos consciences. Alors, parlons de l’Allemagne, pensons à l’Allemagne, considérons l’Allemagne pour ce qu’elle est : l’un des phares de l’Europe.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'Europe des Nations, pas celle des chimères !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.01.24

     

    Dresde, Hambourg, Berlin, Cologne, Nuremberg, et des centaines d’autres villes allemandes, rayées de la carte. En Italie, la dévastation politique, économique, morale. En France, des villes entières de Normandie devenues cendre et poudre, dans les bombardements alliés qui ont suivi le Débarquement du 6 juin 1944. Ne parlons pas de la Pologne, dévastée. La Belgique, les Pays-Bas. Oui, l’année 1945 fut terrible. Oui, elle fut, notamment pour l’Allemagne, cette Année Zéro qui, aux esprits les plus avisés, ceux qui lisent des livres d’Histoire plutôt que des romans de gares, rappelait une autre dévastation : celle de 1648, à l’issue de la sanglante Guerre de Trente Ans. En ce milieu du dix-septième siècle, les Allemagnes n’existent plus. Rayées de la carte. Si cette période vous intéresse, je vous donne un livre à lire, absolument : « Les Aventures de Simplicius Simplicissimus », une sorte de roman pré-picaresque publié en 1669 Par Hans Jakob Christoffel von Grimmelshausen. Les Allemagnes mettront un siècle à se relever de ce désastre : il faudra attendre ce très grand roi que fut Frédéric II de Prusse (1740-1786).

     

    1945 : le désastre des nationalismes, comme l’avait déjà été 1918. De longues années, en Allemagne et partout en Europe, à déblayer les ruines, ne pas toujours manger à sa faim, grelotter l’hiver, puis lentement reconstruire. C’est l’époque, par exemple, du néo-réalisme italien, le cinéma d’un Roberto Rossellini, sublime témoin de ces années de misère. C’est l’époque du Riz amer (Riso amaro), de Giuseppe De Santis. Les nations, on ne veut plus en entendre parler, on les assimile aux armées, à la haine, aux souffrances, au deuil. On commence à parler d’Europe, d’abord pour se chauffer (avec le charbon allemand !), puis pour favoriser les échanges commerciaux, celui de l’acier par exemple. Et puis, doucement, entre l’Allemagne et la France, on commence à parler de « réconciliation » (Versöhnung). Oui, cette Europe-là, celle du début, celle du Traité de Rome (1957), était porteuse d’espoirs. Après la mort, elle proposait la vie.

     

    67 ans plus tard, la structure née de ce beau rêve, d’abord appelée « Communauté européenne », aujourd’hui « Union européenne », ne fait plus rêver personne. Les Six du départ sont aujourd’hui Vingt-Sept, la machinerie administrative de Bruxelles étouffe les peuples, on a voulu oublier les nations au profit d’un conglomérat sans âme ni passé, sans Histoire, sans mémoire commune. On a eu tort. Le 9 juin prochain, les élections européennes pourraient bien voir progresser le camp du refus. Les peuples ne disent pas non à l’Europe, c’est notre continent, nous l’aimons. Mais ils disent non à la machine. Ils veulent respirer. Ils veulent qu’on les écoute. Ils ne veulent pas la guerre, ils veulent juste retrouver leurs identités nationales. Leurs lieux de mémoire. Leurs repères historiques. Leurs langues, leurs dialectes. Leurs textes fondateurs. Ils veulent l’Europe, mais celle des Nations. Pas celle des chimères.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

       

     

  • La victoire de la vie

     
    Sur le vif - Mardi 16.01.24 - 15.02h
     
     
    Il y a, jour pour jour, 19 ans, le dimanche 16 janvier 2005, je travaillais, en ce début d'après-midi, sur l'émission Forum, que j'avais lancée cinq ans plus tôt, et dont j'étais le producteur responsable.
     
    Tout allait bien. Une émission en studio, alors que la norme, pour moi, était plutôt d'être dehors, en direct sur le terrain, là où les choses se passent. Un technicien, une valise satellite, un micro et un casque sans fil, et le tour était joué. Micro dans la main droite, montre radiocontrôlée dans la gauche, parce que même à Jérusalem, Berlin, Francfort sur l'Oder ou Madrid, au milieu de la foule, il faut rendre l'antenne à Lausanne à la seconde près.
     
    Tout allait bien, ce dimanche-là, à l'exception d'une certaine fatigue. Je la sentais depuis un ou deux mois, de plus en plus tenace, je me disais que c'était à cause du boulot : ma conception de la radio, animale et viscérale, exige une certaine énergie. Je l'avais sentie à Ramallah, cette fatigue, deux mois plus tôt, aux funérailles d'Arafat, au milieu d'une foule immense. Je l'avais sentie, quelques jours plus tard, sur la place centrale de Kiev, en direct d'une foule encore plus dingue, pour la première Révolution orange.
     
    Cette fatigue, ça n'était pas le boulot, je l'ai su trois jours plus tard, le mercredi 19 janvier. C'était autre chose. Mais là, le dimanche, je ne pouvais pas encore le savoir. J'ai dit au rédacteur en chef de jour : "Il est possible que je ne parvienne pas à présenter l'émission". Ca lui a foutu une monstre trouille, parce qu'avec moi, ça n'était pas tout à fait le genre de la maison. J'ai mobilisé mon énergie, j'ai quand même fait Forum, en direct de 18h à 19h, tout s'est très bien passé. A l'antenne, tout se passe toujours très bien. Dans la vie, c'est parfois un peu différent.
     
    J'ai réécouté mon émission, j'ai pris ma voiture vers 20h, je suis rentré chez moi, à Genève, j'ai mangé avec mon épouse vers 21h. La fatigue se faisait de plus en plus lourde.
     
    La suite ? Une année de traitements lourds, par la chimie et les rayons.
     
    Après trois mois d'absence totale du boulot, j'ai repris, tout en poursuivant le traitement. J'ai repris, avec le même enthousiasme qu'au premier jour.
     
    Plus j'y pense, plus je me dis qu'il ne s'est rien passé. S'il put y avoir, peut-être, l'une ou l'autre douleur à ce traitement, j'ai tout oublié. On me dit que c'est du pur déni. C'est sans doute vrai.
     
    Dans ce combat, dix-neuf ans après, je ne considère aujourd'hui que l'essentiel : la victoire de la vie.
     
    Je dédie ces quelques lignes à tous ceux qui, peut-être, ne sont pas, ou n'ont pas toujours été, au sommet de leur forme.
     
     
    Pascal Décaillet