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  • À mon âge, mais à bout de souffle : la Cinquième République !

     
    Sur le vif - Samedi 22.06.24 - 11.36h
     
     
    Pendant toute mon enfance, puis toute mon adolescence, puis de longues décennies comme adulte, j'ai admiré la Cinquième République française. Il est vrai que j'en ai exactement l'âge, étant né au moment du retour aux affaires du Général de Gaulle, juin 58, après douze ans et demi d'absence du pouvoir.
     
    Partisan d'un Etat fort, j'ai pleinement compris le renforcement de l'exécutif amorcé en 1958, déjà intégralement décrit, avec une précision visionnaire rare, douze ans plus tôt, lors du Discours de Bayeux, le 18 juin 1946, alors que le Général avait quitté le pouvoir depuis cinq mois.
     
    Ce renforcement autour d'un homme fort a permis le retour de l'Etat, la fin (dans des conditions complexes et difficiles) de la guerre d'Algérie, le retour à une politique étrangère indépendante et souveraine, notamment face à l'atlantisme, la réconciliation franco-allemande. Donc, oui à la Cinquième République, oui au Président élu au suffrage universel (référendum de 62), et surtout un immense oui à de Gaulle.
     
    Hélas, 66 ans après sa naissance, je dois reconnaître que la Cinquième n'est plus à la mesure des besoins de la France. Les habits du Général sont beaucoup trop grands pour ses successeurs, à commencer par l'actuel titulaire de la charge. Surtout, la focalisation de tous les esprits sur un seul homme ne correspond absolument plus aux besoins actuels de la France. On a déjà vu cela avec les Gilets jaunes, dont les légitimes revendications de démocratie directe n'ont absolument pas été écoutées. On le voit, plus que jamais, dans la crise actuelle.
     
    Le pire, ce sont les médias, et notamment les ineffables chaînes privées. D'interminables tables rondes de "chroniqueurs", qui ne chroniquent rien du tout, mais bavardent, se harponnent, s'étripent, s'éviscèrent. Ils parlent de quoi ? De Macron, de Macron, et encore de Macron ! Va-t-il s'en sortir ? Est-il pris à son propre piège ? Cohabitera-t-il ? Démissionnera-t-il ?
     
    Au lieu de parler du pays profond, des trois thèmes centraux que sont la souveraineté nationale, la souveraineté économique (agricole et industrielle), et surtout l'impérieuse nécessité de réguler l'immigration, nos chroniqueurs nous abreuvent de supputations sur les intentions du Prince. Au lieu de parler du peuple français, ils n'en finissent pas de nous produire du Points de vue et Images du monde sur le locataire de l’Élysée.
     
    Ils ont tort. Le héros de l'histoire, le personnage principal, celui qui est en souffrance, c'est le peuple français. Lui à qui il faut enfin donner la parole, mais pas en lui précipitant des législatives anticipées à la veille des vacances ! Non, la France doit, comme le sollicitaient les Gilets jaunes, inventer un système à elle pour donner la parole au peuple, directement sur les thèmes. Quelque chose à l'image de ce que nous connaissons - et apprécions tant - en Suisse. Mais c'est à elle de l'inventer, selon son génie propre.
     
    Tout cela, c'est un changement de système. Plus qu'un simple aggiornamento. Un pas de la République vers le peuple profond. Tout cela, oui, pourrait lancer les fondements, si les Français le veulent, d'une Sixième République.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Sauver l'industrie suisse : bravo, MM Maillard et Broulis !

     
     
    Sur le vif - Jeudi 20.06.24 - 15.01h
     
     
     
    Le Temps publie un appel au Conseil fédéral pour "une stratégie industrielle de proximité, forte et innovante !". Il est signé, notamment, par deux ténors de la politique suisse, Pierre-Yves Maillard et Pascal Broulis.
     
    Si vous lisez un peu mes textes, vous me rendrez cette justice : j'ai plaidé moi-même si souvent, et encore tout récemment, pour le renouveau d'une politique industrielle. Le mot "proximité" me touche tout particulièrement, dans l'appel d'aujourd'hui. J'allais exactement dans ce sens dans un récent édito : pour une industrie suisse moins tétanisée par l'exportation (sans évidemment l'abandonner), mais tournée vers l'intérieur, vers le marché suisse, vers les besoins des Suisses d'aujourd'hui et de demain.
     
    Il est très clair que la fameuse "transition", dont on nous rebat les oreilles, devra se faire en lien absolu avec la relance d'une industrie nationale suisse forte, imaginative, au service du peuple suisse. De l'Etat, il faudra une bonne dose de protectionnisme, ce qui exigera une rupture sans appel avec le libéralisme sauvage. Il faudra retrouver la fibre puissante du radicalisme industriel qui a fait la Suisse moderne.
     
    J'ai souvent évoqué ici le faible que j'ai toujours éprouvé, toute ma vie, pour le monde de l'industrie. Le souvenir de tant de visite d'usines, avec mon père, dès les années 60, en Suisse, en Allemagne, et même en Suède (1968). Ma passion pour les friches industrielles, notamment dans les cinq Länder de l'ex-DDR. Ma révolte immense, suite au démantèlement de l'industrie métallurgique suisse, à partir des années 80. Ma révolte, encore plus grande, face au manque de volontarisme actuel, tant dans la Berne fédérale que dans les cantons. On se demande parfois ce que fabriquent les ministres cantonaux - ou fédéral - de l'économie.
     
    Enfant, je voulais devenir ingénieur en mécanique, et passer ma vie dans l'industrie allemande. Aujourd'hui, plus que jamais, j'aime l'industrie, je plaide pour sa renaissance. Je félicite vivement MM Maillard et Broulis, toujours bien inspirés quand ils joignent leurs énergies : on a besoin d'hommes de leur trempe pour donner une nouvelle impulsion, moderne et enthousiasmante, à l'industrie suisse. Elle a tant fait pour notre pays, depuis 1848, d'abord sous l'impulsion des radicaux, puis avec l'appui des syndicats socialistes historiques. Ceux qui s'occupaient du social, du sort des ouvriers, du bien-être commun, et non des modes sociétales.
     
     
    Pascal Décaillet
     
     
     
     
     
     
  • Les heureux déracinés de la malédiction

     
     
    Sur le vif - Mercredi 19.06.24 - 13.36h
     
     
     
    J'observe et commente la politique depuis tant de décennies, et puis vous dire une chose : il n'est de pire drôle, il n'est d'amateurs de la pire espèce que ces zigomars qui prétendent "faire de la politique autrement".
     
    Cette prétention, c'est quoi ? C'est s'estimer soi-même au-dessus des contingences qui, par nature, noircissent la politique : la folie de l'appétit du pouvoir, le tragique de l'Histoire, l'immanente malédiction de la nature humaine.
     
    Tout cela, tout ce côté évidemment moins présentable du combat politique, mais tellement vrai, tellement enraciné, ce serait pour les autres. Ils seraient, eux, délivrés du poids de l'ambition humaine. Ils seraient la promesse d'un autre ordre, d'une autre nature. Ils seraient, contrairement à tous les autres, d'heureux déracinés de la malédiction.
     
    Je les vois défiler, depuis toujours. "Ni gauche, ni droite", ce seraient là des valeurs caduques, des reliquats de la Révolution industrielle, de la lutte des classes. Aucune référence historique, l'homme nouveau n'a pas besoin d'admirer de poussiéreux ancêtres. Aucune lecture politique, non, rien, on arrive, on se pose là, on déclare "Je vais faire de la politique autrement".
     
    Je vous le dis, aucun de ces drôles, que j'ai vu défiler, n'a survécu davantage qu'un an ou deux. Le tragique les a rattrapés, d'autres se sont imposés, ils ont pris congé par des billets condamnant la brutalité de l'action politique. Et puis, ils ont fait autre chose.
     
    De tous les grands hommes de mon panthéon politique, de Charles de Gaulle à Bismarck, en passant par Willy Brandt, Mitterrand, aucun n'a fait "de la politique autrement". Tous mouillés dans le jeu du pouvoir.
     
    Une seule et unique exception, cependant : cet homme qui a gouverné la France pendant sept mois seulement, du 18 juin 1954 au 6 février 1955. Il a pris des engagements d'une audace extraordinaire, concernant la fin de la guerre d'Indochine. Il les a tenus, au jour près. Il a cherché l'intérêt général. Et puis, un beau jour, la combinazione de la Quatrième l'a renversé, par un vote de refus de confiance. Il est parti. Il n'est jamais revenu. Cet homme rare, unique, s'appelait Pierre Mendès France.
     
    Lui seul, peut-être, à la fin de sa vie, pouvait se dire : "J'ai fait de la politique autrement".
     
     
    Pascal Décaillet