Commentaire publié dans GHI - Mercredi 20.09.23
La Suisse est une démocratie, la plus belle du monde, au sens grec ça veut dire : le pouvoir au peuple. Par « peuple », il ne faut pas entendre l’ensemble de la population. Au niveau fédéral, par exemple, pour voter, il faut être Suisse, et avoir 18 ans. Il faudrait donc dire « collège électoral » pour être exact, mais cette expression suinte tellement l’ennui que, pour raccourcir, tout le monde dit « le peuple ».
Le peuple qui a le pouvoir, c’est celui-là : celui qui vote. Pour élire des gens, et, bien plus intéressant, pour se déterminer directement sur des thèmes. Une loi acceptée par un Parlement peut être défaite par référendum. Deuxième instrument, mille fois plus génial : l’initiative populaire. Là, on oublie les Parlements : une poignée de citoyennes et citoyens lance une grande idée, si possible défrisante, de celles que les élus n’osent pas trop aborder. Ce comité réunit des signatures. S’il les obtient, et que le texte est validé, alors au niveau fédéral c’est un vaste débat national qui s’amorce, la chambre d’écho est le pays tout entier, on en parle, on s’engueule. Et, un beau dimanche, le peuple et les cantons votent. Si la double majorité est acquise, l’idée citoyenne de départ vient prendre place dans la Constitution fédérale. Et les parlementaires ont l’obligation de rédiger une loi d’application. Ce système est génial, le monde nous l’envie. C’est la victoire du peuple sur la Nomenclature.
Alors, citoyennes, citoyens, utilisons à fond cette primauté qui est nôtre. Un sujet paralysé par l’inertie parlementaire, la démocratie directe peut le débloquer. Elle seule peut provoquer l’électrochoc salutaire. Lançons des initiatives, n’écoutons surtout pas les docteurs de la loi, profs de droit acariâtres, parlementaires jaloux ou revanchards, qui se gavent du mot-valise « populisme » pour tenter de ruiner le crédit d’une voix du peuple qui leur fait directement concurrence. Les patrons, en Suisse, ce ne sont pas les élus, c’est le peuple ! Non le peuple qui rugit dans la rue, mais celui qui lance des idées citoyennes, utiles au pays, allume un vaste débat, et provoque une votation.
Je vais plus loin : ne passons pas notre temps à parler des élus. Mettre constamment tel ministre à la une, cantonal ou fédéral, même pour en dire du mal, c’est déjà lui accorder beaucoup trop d’importance. Avec les élus exécutifs, il faut être impitoyable : ils sont là pour réussir. S’ils y parviennent, c’est bien. S’ils échouent, dehors ! Leur vie privée, leurs qualités de pères ou mères de famille, leurs exploits sportifs, leurs préférences culinaires, n’ont strictement aucun intérêt. Parler d’eux sous cet angle, c’est dévorer la place qui aurait dû être celle du débat d’idées. Quelle Suisse voulons-nous, quelle souveraineté, quelle protection sociale, quelle politique pour la santé, les retraites ? Le reste, c’est du vent. Vive le peuple, quand il intervient directement sur les thèmes, et qu’il force le destin !
Pascal Décaillet