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  • La propagande ? Mais elle est partout !

     
    Sur le vif - Mardi 29.03.22 - 14.49h
     
     
    Dans toute guerre, la propagande. Depuis la nuit des temps. La propagande fait partie de la guerre, intrinsèquement. Celle de Poutine. Celle de Zelensky. Celle des Russes. Celle des Américains. Celle du Tsar Alexandre. Celle de la Grande Armée.
     
    Prenez les archives des actualités cinématographiques, pendant la Seconde Guerre mondiale, tiens celles de la Drôle de Guerre par exemple. Entre le 2 septembre 1939 et le 10 mai 1940, France et Allemagne sont en guerre, mais ne s'attaquent pas. Elle s'observent, en chiens de faïence. Nous savons maintenant comment tout cela s'est terminé : attaque allemande le 10 mai 40, capitulation française le 22 juin. Six semaines de Blitzkrieg, et c'était plié. La plus grande défaite de l'Histoire de France, parce que morale, et pas seulement militaire. Lire Marc Bloch, "L’Étrange Défaite".
     
    Pendant cette Drôle de Guerre, le Reich nous livre ses actualités de propagande. A l'époque, la télévision n'existe pas. Les gens vont beaucoup au cinéma. Avant le film, il y a les actus. C'est de la pure propagande, celle de M. Goebbels, et de ses services.
     
    Mais je vous invite à visionner, tout autant, les actualités, côté français. C'est exactement la même chose ! On va gagner. Les Allemands sont nuls. On a gagné en 18, on regagnera. Nous irons suspendre notre linge sur la Ligne Siegfried. Nos troupes, dans les fortins de la Ligne Maginot, ont un moral d'enfer. Bref, tout roule.
     
    L'issue, nous la connaissons, nous. Mais les Français qui visionnaient ces films, dans leurs salles de cinéma, ne pouvaient en aucun cas la prévoir. Ils prenaient ces actus pour parole biblique.
     
    Débusquer la propagande ? La décrypter. Faire intervenir les analyses de langage ? Mais bien sûr qu'il faut tout cela ! Mais il le faut, face à tous. Face au langage de l'agresseur. Face à celui de l'agressé. Face aux méchants. Face aux gentils. Face à Poutine. Face à Biden. Face à Zelensky. Face à tout communiqué de presse, d'où qu'il vienne. Et plus largement, guerre ou non, Ukraine ou non, face à toute parole qui sort de la bouche du pouvoir.
     
    Car l'un des attributs du pouvoir - tout pouvoir, d'où qu'il vienne - c'est de prendre la parole. A nous de faire la part des choses. Ca nécessite, en amont, chez chacun de nous, une longue ascèse dans l'étude de l'Histoire, et dans celle du langage.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Les intérêts vitaux de la nation allemande

     
    Sur le vif - Lundi 28.03.22 - 14.23h
     
     
    Le partenaire naturel de l'Europe, pour l'approvisionnement en gaz, par voie terrestre, c'est la Russie. Absolument pas les Etats-Unis. Même si le commis-voyageur Washington-Varsovie fait son numéro pour nous persuader du contraire.
     
    A cet égard, un pays, dont je parle souvent et qui demeure encore discret en ce début de guerre, va jouer un rôle déterminant, ces prochains mois et ces prochaines années : l'Allemagne.
     
    L'Allemagne, c'est près de 90 millions d'habitants. Quatrième puissance économique du monde. Une industrie inventive et performante. Tout cela, ça consomme de l'énergie. Certes, l'Allemagne a pris une avance phénoménale sur nous en matière de panneaux solaires (jusqu'au moindre village) et surtout d'éoliennes (des milliers et des milliers, dans le Brandebourg, et dans le Mecklenburg-Vorpommern).
     
    Mais cet effort prodigieux dans le renouvelable ne suffira pas. Et comme l'Allemagne a pris la décision de sortir du nucléaire, et s'y cramponne, elle n'a tout simplement pas le choix : elle a besoin, pour des années encore, du gaz russe. Même son bon vieux charbon, mythique dans l'Histoire industrielle du pays, ne suffira pas !
     
    Alors, l'Allemagne maintiendra le contact avec la Russie. D'autant que, depuis trente ans, elle a étendu ses marchés sur l'Europe centrale et orientale. Elle n'a aucun intérêt à une déstabilisation de l'Europe de l'Est. Ni à une guerre qui dépasserait le conflit Russie-Ukraine.
     
    Mais avant tout, elle a besoin du gaz russe. Cet élément concret, vital, sera déterminant pour la suite des événements, dans les années qui nous attendent.
     
    L'actuel Chancelier, Olaf Scholz, est SPD (social-démocrate), le parti de Willy Brandt, et de l'Ostpolitik. Le parti qui a réinventé, entre 1969 et 1974, en pleine guerre froide, la relation avec l'Est. Depuis le Congrès de Bad-Godesberg, en 1959, les sociaux-démocrates allemands sont des pragmatiques. Ils ne forcent pas, comme leurs homologues français, sur les grandes envolées. Mais ils savent compter. Et privilégier les intérêts vitaux de leur pays.
     
    Ah oui, un détail, sans importance : dès le lendemain de la guerre Russie-Ukraine, le Parlement allemand a voté un réarmement de cent milliards d'Euros. Dans l'indifférence générale. Le géant économique, politique aussi depuis trente ans, redevient un géant stratégique, au coeur de notre continent. Au service de quelle politique, dans l'avenir ? Celle de l'Europe ? Ou celle des intérêts vitaux de la nation allemande ?
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Les Américains nous refont le coup du "monde libre"

     
    Sur le vif - Samedi 26.03.22 - 15.24h
     

    Il fallait s'y attendre, tant ils sont prévisibles : voilà que les Américains nous refont le coup du "monde libre". Kennedy nous l'a fait à Berlin en 63, Reagan l'a copié en 87, Biden nous le sert à Varsovie. Le "monde libre", c'est le passage obligé des Présidents américains pour nous rappeler qu'ils sont le bien, la vertu, la démocratie. Et en face, le mal, le vice, la dictature.
     
    Pendant toute la Guerre froide, l'expression "monde libre" a prospéré. Les Américains passaient au napalm le Vietnam, plaçaient leurs dictateurs en Amérique latine, étendaient leur domination sur la planète, mais c'était au nom du "monde libre".
     
    Face à l'Iran, puis face à l'Irak, ils étaient le monde libre. Face à Salvador Allende, ils étaient le monde libre. Face la Serbie, ils étaient le monde libre. Face à la Russie, vieille connaissance, ils sont aujourd'hui, à nouveau, le monde libre.
     
    Le "monde libre", c'est ce qu'on appelle en analyse littéraire un "topos". Une sorte de passage obligé, dans la matrice du récit. Et puis, le "monde libre", ça sonne bien : qui osera mettre en doute les vertus de celui qui le défend ?
     
    La réalité, depuis que les Américains utilisent ces deux mots, est un peu différente de leur propagande. Kennedy en 63 à Berlin, Reagan en 87, Clinton face aux Balkans, savent parfaitement ce qu'ils font, sous le vernis des mots incantatoires : ils luttent pour l'extension de la sphère d'influence américaine en Europe. Stratégique, mais surtout économique et financière. L'implantation dans les Balkans est un très vieux rêve de l'impérialisme anglo-saxon. Celui des Américains en Pologne, et dans les Pays Baltes, accomplit une démarche dûment planifiée d'extension des troupes, et surtout des marchés, en Europe de l'Est.
     
    La guerre en Ukraine est un conflit territorial, sur un ancestral contentieux qui évolue, au fil des siècles, entre regain et reflux de l'influence russe. Il n'est pas un conflit idéologique. Oh, bien sûr, Poutine est un autocrate, vous pourrez le qualifier de tous les noms d'oiseau que vous voudrez, vous aurez dans doute raison, mais la question n'est pas là. Elle est à chercher dans les zones d'influence, le jeu des équilibres et des pouvoirs, les besoins économiques et énergétiques, les intérêts supérieurs des nations.
     
    En attendant, Biden va se prévaloir, à Varsovie, du "monde libre". Le monde entier va applaudir. Nos rédactions. Nos éditorialistes. Nos moralistes. Les Ligues de vertu. Mais la réalité de ce qui se trame, c'est un rapport de forces. Juste cela. Mais cela, dans toute l'archaïque noirceur de sa permanence.
     
     
    Pascal Décaillet