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  • Joe Biden et la version no 163 du Plan B

     
    Sur le vif - Samedi 30.04.22 - 11.08h
     
     
    Nos bons médias semblent découvrir comme une donnée nouvelle, voire inattendue, l'accélération de l'engagement américain en Ukraine, notamment par des livraisons d'armes massives.
     
    L'analyse politique doit certes se fonder sur les faits. Pour autant, elle ne doit pas être suiviste des retournements de situations, et se contenter de les découvrir béatement. Plus l'observateur est ancré dans l'Histoire, dans le temps long, dans le jeu de causes et de conséquences, moins il aura à s'étonner, s'ébaubir, et plus il aura à expliquer, mettre en contexte. Sans morale. Sans affect. Avec juste les outils de la lucidité.
     
    Joe Biden met le paquet en Ukraine. Comme son lointain prédécesseur Johnson l'avait fait sur le Vietnam. Comme Roosevelt au soir du 7 décembre 1941. Comme Wilson, en 1917. Biden, bien sûr, contrairement aux exemples précédents, n'est pas encore en guerre, et sans doute évitera-t-il soigneusement d'y impliquer directement son pays. Mais il passe à la vitesse supérieure dans la logistique offerte à l'Ukraine.
     
    Il fait cela, et nos bonnes âmes se disent : "Quel type formidable !". Le chef du "monde libre" vole au secours des victimes de l'Empire du Mal. Ce rôle, la dramaturgie politique américaine le connaît par coeur. Elle l'a mis au point dans la Seconde Guerre mondiale, l'a peaufiné pendant toute la Guerre froide (Corée, Vietnam), en Amérique centrale et latine, en Irak, contre l'Iran, etc. On l'appellera le "Traitement B", comme chez le Docteur Müller, le médecin un peu particulier, dans l'Île Noire. Le Plan B dort dans un tiroir, on ouvre, on active le Plan. L'impérialisme américain se signale avant tout par un mot : sa parfaite prévisibilité.
     
    L'accélération de l'engagement américain en Ukraine, c'est la version no 163 du Plan B. Tous les ingrédients sont là. Il y a un Empire du Mal, un dictateur à sa tête, la sauvage agression de cet Empire contre un faible voisin. Alors, on appelle l'Oncle Sam, sauveur des peuples et protecteur du "monde libre". Et ce bon vieux Sam, toujours au service de la justice, active le Plan B. Et le Docteur Müller est content. Et les moralistes peuvent entrer en scène, étiqueter, séparer le bon grain de l'ivraie, donner lecture du Jugement dernier.
     
    Corée, Vietnam, Serbie, Irak : toujours le même scénario. Au pays d'Hollywood et des narrateurs les plus imaginatifs du monde du cinéma, la dramaturgie politique extérieure se révèle paradoxalement d'une désespérante prévisibilité. Elle est toujours la même. Elle ne change pas d'un iota.
     
    Que l'opinion publique, le Café du Commerce, se laissent avoir par le fil narratif du Plan B, c'est une chose. Mais les journalistes ! Les éditorialistes. Ceux qui prétendent donner des clefs de lecture pour saisir le réel. Aller chercher les vraies raisons. Se passionner eux-mêmes, en amont, pendant de longues années, toute une vie, pour l'Histoire et les causes réelles, derrière les paravents de la propagande. Là, c'est un peu dommage.
     
    L'accélération de l'engagement américain en Ukraine, les stratèges du Pentagone et de la Maison Blanche l'ont parfaitement prévue, dans leurs scénarios, depuis de longues années. Ne prenons surtout pas ces gens-là pour des idiots : ils préparent les guerres futures, en temps de paix, avec une précision hallucinante, tenant compte de tous les éléments : militaires, économiques, propagandistes, mouvements de l'opinion, etc. Ce sont des professionnels, vous comprenez ? Leurs gangsters aussi sont des professionnels.
     
    Depuis trente ans, les Etats-Unis avancent leurs pions sur le théâtre d'opérations d'Europe centrale et orientale. Souvent, avec la complicité de l'Allemagne qui, le jour venu, jouera son propre jeu, mais c'est là une autre affaire, la plus importante de toutes. Sous le couvert de "l'Otan" (qui a l'air, comme ça, d'une gentille organisation au service du "monde libre"), les Etats-Unis ont pris place en Pologne, en Hongrie, dans les Pays Baltes. Et ils font tout pour implanter leur influence en Ukraine. Ils y ont déjà leurs marionnettes. Il suffira d'y ériger le décor du théâtre. Les costumes sont prêts. Le scénario est écrit. L'épisode 163 du Plan B peut commencer.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • A tous les livres, émotion et reconnaissance

     
    Sur le vif - Jeudi 28.04.22 - 16.24h
     
     
    Depuis l'âge de huit ans, je me passionne pour l'Histoire de la Seconde Guerre mondiale. Principalement : tout ce qui touche à l'Allemagne, à la France, à l'Italie, à la Guerre à l'Est. Ces domaines, depuis plus d'un demi-siècle, me dévorent. Il existe d'autres théâtres d'opérations que je connais fort mal, par exemple la Guerre du Pacifique.
     
    Pourquoi, dès l'âge de huit ans ? Parce que, fin 1965, ou début 1966, mes parents ont acheté le remarquable "Mémorial de la Seconde Guerre mondiale", en trois gros volumes (un vert, un bleu, un rose) de "Sélection du Reader's Digest". Et moi, comme ce triptyque venait de débarquer dans la bibliothèque familiale, je m'y suis lancé à corps perdu. On s'occupe comme on peut, quand on est enfant.
     
    Vingt ans après la guerre, c'était un ouvrage remarquable. Bien que de facture anglo-saxonne, il donnait la parole à tous les échos possibles à l'époque : aux Allemands, aux Italiens, aux Japonais, autant qu'aux vainqueurs. 56 ans plus tard, je porte évidemment, aujourd'hui, ayant lu entre-temps des milliers d'autres livres sur le sujet, ayant eu accès à tous les progrès des recherches historiques, un regard critique sur le triptyque. Sur certains thèmes, il a vieilli. Mais sur l'ensemble, l'honnêteté d'approche est remarquable pour l'époque. C'était, pour 1965, du très bon boulot.
     
    Je vous parle de cela, parce que la conscience historique se tisse patiemment, au fil des ans, des décennies. Plus on lit, plus on visionne d'archives, plus on écoute les témoins, plus on corrige, et mieux se révèle, très lentement, la photographie d'ensemble. Je ne vois évidemment plus la Seconde Guerre mondiale comme dans mon enfance, ni comme dans mon adolescence, très allemande. Mais cette correction progressive n'a rien d'une négation de la vision des époques précédentes. Je dirais plutôt : un constant travail de précision, de polyphonie : écouter toutes les voix, embrasser toutes les perspectives, s'imprégner de tous les témoignages.
     
    Bien sûr, il y eut des moments de correction plus radicaux que d'autres. Dans ma jeunesse, quand j'allais en Allemagne, et plus tard aussi, j'ai recueilli directement des témoignages qui n'existaient (à l'époque, à ma connaissance) nulle part ailleurs. Mais à part ces moments très forts, le travail de mise au point de la conscience historique se joue dans l'infinie patience du temps.
     
    Oui, j'ai lu des milliers de livres sur la Seconde Guerre mondiale, Allemagne, France, Italie, Balkans, Guerre à l'Est, depuis 1965. Et pourtant, je n'aurais pas une seule seconde l'idée de renier le brave triptyque de la Sélection du Reader's Digest, dévoré dès l'âge de huit ans. Comme ma première mappemonde, magique, illuminée de l'intérieur le soir, ces trois volumes m'ont permis d'avancer sur un terrain de la passion. Je dirais même : ils m'ont donné, comme à une fusée, la propulsion initiale.
     
    A tous les livres qui m'ont accompagné, à tous ceux qui restent à lire, émotion et reconnaissance.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Premier Tambour

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 27.04.22

     

    Le culot de Jean-Luc Mélenchon ! Faisant irruption au soir d’un second tour auquel il n’avait pas été invité à participer par le peuple français, le chef de file de La France insoumise appelle les Français à « l’élire Premier ministre ». Et puis quoi, encore ? Lui faire couler un bain chaud ? Lui offrir une édition originale des Discours de Saint-Just et Robespierre ? Lui ériger un échafaud en or, en Place de Grève ? Une intervention déplacée, prétentieuse, n’ayant au fond qu’une vertu : souligner l’égo démesuré de ce tribun surdoué, assoiffé de Lumières, et pas seulement celles de Voltaire et Montesquieu, quelques projecteurs faisant parfaitement l’affaire.

     

    C’est vrai, Mélenchon parle bien. Il fut, dans cette campagne 2022, le meilleur orateur. Son verbe est incandescent, il sait créer un rapport immédiat avec le public. Mais existe-t-il encore, de Strasbourg à Perpignan, de Nice à Dunkerque, une seule porte assez large pour laisser passer sa tête ? Il y a des moments où ce fervent républicain se prend pour le Roi.

     

    Ainsi, « Elisez-moi Premier ministre ! ». L’homme peut rêver d’une Sixième République, mais il se trouve que la France vit encore à l’heure de la Cinquième. Au suffrage universel, le peuple élit un Président. Ce dernier, et nul autre, choisit son Premier ministre. Il le fait, bien sûr, en fonction d’un rapport de forces législatif. Mais nul ne peut lui imposer la personne. Sous la Cinquième, désolé Monsieur le Premier Tambour des exécutions, on n’élit pas le Premier ministre. Vous le savez du reste très bien. Votre formule est un raccourci. Comme le sont les condamnés. Après vos réquisitoires.

     

    Pascal Décaillet