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  • Le Conseil d'Etat a-t-il peur ?

     

     

    Sur le vif - Jeudi 03.09.20 - 14.47h

     

    L'autorisation d'une "manif pour le climat", alors que le quidam est bombardé de directives sur les masques, les annonces dans les bistrots, les quarantaines, les distances, est, de la part des autorités genevoises, tout simplement hallucinante.

    D'où vient cette peur, à Genève, de dire NON, simplement NON, à certaines manifestations ? L'atavisme démesuré du 9 novembre 1932 ? Un événement qui date de 88 ans !

    Peur de passer pour des censeurs ? Peur de se faire mal voir de la gauche rugissante ?

    Quand il s'agit d'emmerder l'honnête citoyen avec des directives parfois délirantes, ou l'honnête contribuable en surtaxant les classes moyennes, ou l'honnête automobiliste en lui pourrissant la vie au maximum, style ces temps Quai Wilson, vous n'avez pourtant pas peur, Mesdames et Messieurs les Conseillers d'Etat.

     

    Pascal Décaillet

  • Sur les oratoires perdus de nos montagnes

     
     
    Sur le vif - Jeudi 03.09.20 - 09.40h
     

    Ceux qui se réclament à longueur d'année des Lumières méritent une réponse. Non la réponse de l'Ombre à la Lumière. Mais une réponse républicaine et démocratique. Pour leur dire, justement, que ni la République, ni la démocratie ne leur appartiennent. Pas plus qu'elles n'appartiennent à quiconque.

    Les Lumières. Certains n'ont plus que ce mot à la bouche. Ils s'en gargarisent. De cet important mouvement de pensée qui, au milieu du 18ème, par l'action conjuguée des philosophes, des écrivains, des sciences, des éditeurs, de l'industrie et des métiers, eut pour ambition d'éclairer le monde, on dirait qu'ils font une religion.

    Ils ne jurent que par les Lumières. Ils en ont parfaitement le droit. Mais cela mérite réponse. Pas la réponse de l'Ombre. Mais la réponse de ceux qui, peut-être, évitant la capitale au mot "Lumières", préféreront les énergies, plus modestes et plus intimes, des petites lumières du monde, passage de Lune ou sourire d'une Madone, au coin d'un oratoire, quelque part en montagne.

    Car il arrive que leurs Lumières soient blafardes. A l'égal de ces néons d'hôpitaux, pâles, aveuglants. A tout vouloir illuminer, on en finit par banaliser la beauté du monde. Sa part de mystère, de musique. On aplatit les récits. On aseptise la langue.

    Ils en ont le droit. Comme ils ont eu celui d'installer l'Être suprême : on a pu apprécier sa longévité. Ils en ont le droit, et nous avons celui de leur répondre. Nul connaisseur de la littérature, de l'Histoire des idées au 18ème siècle, ne songerait une seconde à sous-estimer l'importance des Lumières en France, de l'Aufklärung en Allemagne. Ni leur vertu de préparation intellectuelle aux formidables événements de la fin du siècle, la Révolution française.

    Mais de là, chez certains aujourd'hui, à nous faire des Lumières une totalité d'adhésion, une universelle matrice ! Comme si ce mouvement constituait, dans l'Histoire humaine, la seule référence qui fût vraiment éclairante, là il faut gentiment leur répondre NON.

    Pas le NON de l'Ombre à la Lumière. Mais le NON de la chantante pluralité du monde, le NON de la diversité de l'univers, le NON des innombrables énergies locales, particulières, le NON des Mystères de la religion grecque antique, le NON des cultes familiaux des Étrusques, le NON des monastères coptes des premiers temps chrétiens, le NON de l'infinie richesse de la pensée juive, le NON de la tradition du soufisme, le NON de tout ce qui, sur la Terre, donne à entendre une autre petite voix que la seule démonstration cérébrale de la Raison.

    Si les Lumières deviennent à ce point une totalité référentielle qu'elles se transformeraient, à leur tour, en religion, incarnant l'absolu qu'au 18ème elles dénonçaient dans le pouvoir, par exemple, du Roi Louis XV, alors il nous faudra, nous, dénoncer en elles la prétention à l'éclairage universel. Nous retournerons à nos passages de Lune. Et aux sourires, si maternels, si bienveillants, si accueillants dans l'éveil du monde, de nos Madones. Sur les oratoires perdus de nos montagnes.

     

    Pascal Décaillet

  • Lumières. Quelles Lumières ?

     

    Sur le vif - 02.09.20 - 16.21h

     

    Les gens qui, à longueur d'année, se réclament des Lumières, ont-ils vraiment lu les grands auteurs et philosophes de cet important mouvement du 18ème siècle ?

    Pour ma part, je ne me réclame pas des Lumières. Mais ces auteurs, je les ai lus. Pour la France, et pour l'Allemagne. Pas pour l'Angleterre, je l'avoue.

    A l'exception du génie absolu de Jean-Jacques Rousseau (dont les Confessions, puis les Rêveries, m'ont bouleversé à l'âge de vingt ans, dans l'un des moments les plus difficiles de ma vie), je ne puis dire que, sur le plan littéraire, les Lumières françaises m'attirent particulièrement.

    Je ne parle pas des philosophes. Mais des écrivains. Je ne trouve pas toujours, dans ce moment du 18ème où Voltaire publie ses Contes, où les Encyclopédistes travaillent à leur oeuvre gigantesque, cette forme d'épaisseur stylistique dont le Roman du 19ème fera sa spécialité, puis celui du 20ème. Sans parler de la poésie.

    Je ne mets pas ici en cause ces écrivains, mais les limites de ma réception personnelle. Comme lecteur littéraire, je n'ai guère besoin qu'on me démontre, il se suffit qu'on me montre, qu'on me donne à voir. Et à entendre. La littérature des Lumières me paraît souvent sèche, aride, hyper-cérébrale, conceptuelle, dénuée de sensualité.

    Pour l'Aufklärung allemande, d'une grande richesse certes (j’admire particulièrement le grand philosophe Moses Mendelssohn, émancipateur des Juifs en Prusse), je nourris les mêmes préventions. J'ai quand même l'impression qu'à partir du Sturm und Drang (autour de 1770, au fond la sortie de Werther), c'est toute la puissance dormante de l'être sensible qui se réveille, dans la littérature germanique. Les mots renaissent à la musique. Les syllabes s'ensoleillent. Le récit revient. Les racines des mots germaniques se font à nouveau sentir, sonores, porteuses de mille chants. La seule démonstration cérébrale, abstraite, universelle, ne suffit plus. Ce moment de rupture, auquel je fus initié il y a plus de quarante ans par un très grand professeur, me fascine, vous le savez.

    Je ne me réclame pas des Lumières. Mais je respecte ce mouvement. Je me demande simplement si ceux qui, aujourd'hui, s'en réclament, en ont vraiment lu les auteurs. Ou si, pêle-mêle, ils ne jettent pas tout dans un même panier : Lumières, droits de l'homme, démocratie représentative, liberté de circulation des idées, etc.

    Les choses, à y regarder de près, sont autrement complexes. En tout cas pour les Allemagnes.

     

    Pascal Décaillet