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  • Les rêveurs du clavier solitaire

     

    Sur le vif - Vendredi 20.03.20 - 17.50h

     

    N'en déplaise à l'armada des petits délateurs, des épurateurs en herbe, des auxiliaires autoproclamés de justice et de police, et des surexcités du clavier solitaire, le Conseil fédéral a pris aujourd'hui les bonnes décisions. Il s'est montré ferme, solidaire, confiant dans le peuple suisse. Il a agi à la hauteur qui doit être sienne : celle de l'Etat .

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le virus et Beethoven

     

    Commentaire publié dans GHI - 18.03.20

     

    Le danger, lorsque nous sommes confrontés à une crise majeure, du type de celle que nous traversons, c’est de la transformer en thème unique, voire obsessionnel, de conversation. Rien ne nous y oblige ! Il faut certes en parler, avec tout le sérieux requis, informer au mieux la population, répondre aux questions des gens, transmettre les consignes. Mais par pitié, rien ne nous interdit de parler d’autre chose !

     

    Dimanche soir, après avoir couvert avec mes collègues les élections municipales, j’ai écouté la Missa solemnis, de Beethoven, sur Mezzo. Puis, une extraordinaire interview du chef d’orchestre, René Jacobs, sur les circonstances de l’écriture de cette Messe par l’un des deux ou trois plus grands compositeurs de l’Histoire humaine. C’était d’une précision, d’une érudition musicologique, à couper le souffle. Et ça nous prouvait qu’un grand chef, ça n’est pas seulement des choix de tempo, mais une vie entière de culture musicale.

     

    Pourquoi je vous raconte cela ? Parce que Beethoven et René Jacobs, après une journée passée dans le cambouis du concret, m’ont incroyablement lavé l’esprit. Parce qu’il y a le virus, c’est vrai, et qu’il faut en parler, et appliquer les directives. Mais aussi, parce qu’il existe, à côté du virus, avant et après le virus, un homme qui s’appelle Beethoven, cet esprit constamment en mouvement, qui a fait progresser le génie humain à des galaxies de la force de frappe du virus. Alors, s’il faut parler de l’un, parlons aussi de l’autre ! Et nous verrons bien qui gagnera. Bon courage à tous !

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Le Printemps des exécutifs

     

    Sur le vif - Mercredi 18.03.20 - 16.08h

     

    Vous avez remarqué ? A quelle vitesse, depuis le début de la crise sanitaire - assurément majeure - que nous traversons, tous les Parlements de notre pays se sont mis en congé ! Chambres fédérales, Grands Conseils cantonaux, délibératifs municipaux, plénums et commissions. On se croirait le 10 juillet 40, dans une célèbre station thermale de l'Allier.

    C'est absolument saisissant : le système parlementaire suisse, premier pouvoir de ce pays, fleuron et fierté des lecteurs de Montesquieu, des partisans des Lumières, des professeurs de droit, des donneurs de leçons contre la démocratie directe, tout cela liquidé, jusqu'à nouvel ordre.

    Provisoire ? Oui, bien sûr. Mais tout de même ! Voilà des décennies qu'on nous fait la morale sur l'équilibre des trois pouvoirs, l'impérieuse nécessité de contrôle des Parlements, on nous fait l'éloge de leur lenteur, de leur indépendance, on nous les décrit comme des "antidotes au populisme". Et voilà qu'un virus arrive, nécessitant des décisions claires et fermes des gouvernements, et le pouvoir législatif, comme neige au soleil, s'en vient fondre et disparaître.

    Les exécutifs ? Ils font bien leur boulot, jusqu'à maintenant. MM Berset (au niveau fédéral) et Hodgers (au niveau cantonal genevois) inspirent confiance, prennent des décisions de Salut public, et c'est très bien ainsi.

    Mais quand on observe la politique, il faut toujours prendre un temps d'avance. Cette manière de travailler, sans s'encombrer des parlementaires, nos gouvernants pourraient bien y prendre goût. Messages diffusés directement à la population, sans médiateurs, postures d'Union sacrée digne de Clemenceau en 1917, ou Churchill 40, ou de Gaulle 58 (les précédents se pressent au portillon), absence totale de critique, petits délateurs zélés pour en rajouter, plus royalistes que le roi, sur les réseaux sociaux, tout cela pourrait bien, après la crise, laisser des traces.

    Fallait-il que le pouvoir législatif, d'un coup d'un seul, prît aussi abruptement congé de notre ordre politique ? A cette question, la réponse est non. Que les Parlements en plénum, et même en commissions, ne se réunissent plus physiquement, nous en sommes parfaitement d'accord. Mais enfin, nous sommes en mars 2020 ! D'extraordinaires moyens techniques, comme celui sur lequel je m'exprime ici, rendent parfaitement possibles, à distance, les débats, les votes, les décisions. Dès lors, d'où vient cette précipitation du monde parlementaire à s'auto-dissoudre, pour une période indéterminée ?

    Car enfin, nous ne sommes pas dans un système jacobin. Ni bonapartiste. Ni plébiscitaire, au sens du Second Empire, ou des sénatus-consultes de l'Italie des années vingt et trente. Nous sommes en Suisse ! Le pays des pouvoirs équilibrés ! Exécutifs, législatifs, judiciaires. Sans compter le plus important : celui du peuple souverain.

    A entendre nombre de politiciens eux-mêmes, il faudrait tout mettre au congélateur : Parlements, démocratie directe, justice. Tout, sauf... le pouvoir total donné aux exécutifs !

    Cette posture, je la conteste. Il faut assurément appliquer toutes les consignes des autorités dans la crise que nous traversons. Il faut serrer les coudes, être solidaires. Mais les autres pouvoirs, même au ralenti, et assurément en respectant à fond les consignes sanitaires, ne doivent pas mentalement se sentir en congé. La survie des humains est évidemment primordiale. Mais celle de notre démocratie complexe, inventive, contradictoire, ne relève pas du luxe. Elle est la condition première d'une autre survie : celle de notre pays.

     

    Pascal Décaillet