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  • Je n'écris pas pour mes pairs

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.06.19

     

    Je suis fier d’écrire pour ce journal, qui s’efforce de parler aux gens de ce qui les concerne. Logement, propreté de l’espace public, nuisances, pollution sonore, mobilité, bouchons, vie quotidienne des plus démunis, levée des ordures, santé, primes maladie, alimentation, chantiers, pouvoir d’achat, impôts, crèches, écoles, retraites, EMS, etc. Et je me dis que commenter la vie publique, à Genève comme ailleurs, c’est simplement vivre au milieu de ses contemporains, prendre quelques notes, croquer quelques situations, livrer quelques analyses ou humeurs, qui n’engagent que soi, sans en faire une histoire universelle, ni planétaire. J’encourage d’ailleurs chacun d’entre nous à tenir son journal. S’il veut le faire publiquement, les réseaux sociaux le permettent. Que chacun se lance, il n’y a rien à perdre !

     

    Je ne crois plus du tout à la barrière entre journalistes et profanes. Les nouveaux outils de communication ont prodigieusement accéléré la mise en commun du domaine de l’expression : chacun peut écrire, commenter l’actualité, défendre et illustrer ses idées, faire part de ses lectures, pousser un coup de gueule ou un cri du cœur, nul besoin d’être journaliste pour cela. Oh, bien sûr, il y a encore toute l’armada corporatiste du métier pour vous affirmer le contraire, vous dire que c’est une fonction très compliquée, avec plein de règles, vérifier les sources, etc. Je veux bien. Mais j’y vois avant tout un prodigieux réflexe de prostration défensive, s’agripper sur son pré-carré, prendre de grands airs, justifier d’antiques privilèges : ceux d’être les seuls, on se demande bien pourquoi, à avoir le droit à l’expression publique.

     

    J’apprécie justement GHI, parce que ce journal n’affiche aucune prétention à la morale universelle. Il partage des informations, ou des commentaires, vibre au pouls de ses lecteurs, ne prétend pas leur délivrer, d’en haut, la lumière du monde. Trop de journalistes, hélas, n’écrivent, dans leur horizon d’attente mentale, que pour leurs pairs. Leur inquiétude première est de savoir comment leurs confrères, ou consœurs, vont apprécier leur article. « Que vont-ils penser de moi, que vont-ils en dire en séance de débriefing ? ». Cette attitude-là, c’est le début de la fin. De même qu’un cuisinier travaille pour ceux qui vont goûter ses mets, ou un médecin pour ses patients, celui qui écrit un article ne doit avoir pour seul souci que de s’adresser au plus grand nombre. Les réactions des autres journalistes n’ont strictement aucune importance. On écrit pour tous, pas pour ses seuls semblables.

     

    Quant à cette magnifique profession, que j’exerce depuis 33 ans, et à laquelle j’ai tant donné de mes forces, elle se meurt. Dans vingt ans, trente ans, que restera-t-il du modèle de communication mis en place à l’époque de Balzac, avec des équipes rédactionnelles qui produisent un journal ? La profession disparaît, mais la prise de parole, ou de plume, dans l’intérêt public, se démocratise et devient universelle. Qui, pour s’en plaindre, si ce n’est quelques corporatistes rabougris ? Excellente semaine !

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Mme Merkel, Présidente de la Commission ? Une folie !

     

    Sur le vif - Mardi 18.06.19 - 15.01h

     

    Imaginer, ne serait-ce qu'une seule seconde, que Mme Merkel puisse devenir Présidente de la Commission européenne, et de surcroît estimer cela souhaitable, relève de l'inconscience quant à la nature des humains, des nations qui composent notre continent, et du jeu d'apparences et de réalités derrière le conglomérat appelé "Union européenne".

    Sans la France ni l'Allemagne, il n'y aurait certes jamais eu de construction européenne, après la guerre. Ces deux pays, les plus forts de la partie centrale du continent, sont assurément les piliers de l'Europe. Sans leur réconciliation, sans de Gaulle et Adenauer, puis d'autres couples, comme Schmidt-Giscard, ou Kohl-Mitterrand, rien n'aurait pu se faire.

    Il ne s'agit donc pas de rejeter l'idée d'une Présidente allemande de la Commission, sous le seul prétexte qu'elle serait allemande. Delors, après tout, était bien français.

    Le problème, ça n'est pas l'identité germanique de Mme Merkel, ni même son identité première, d'ailleurs, qui est prussienne, mais je vous emmène déjà là sur d'autres voies, plus internes aux équilibres historiques entre les Allemagnes. Il n'existe pas de malédiction allemande sur l'Europe, pas plus que de malédiction française, ni aucune autre d'ailleurs. Il ne saurait exister de génétique obscure qui conduirait le destin des nations.

    Le problème, c'est Mme Merkel elle-même. Depuis le 22 novembre 2005, donc depuis plus de treize ans (on touche au record de longévité d'Adenauer), elle est Chancelière fédérale de l'Allemagne. Pendant treize ans, elle a orienté une politique, exercé des choix, joué à fond de son influence sur l'Europe. Nous n'avons donc pas particulièrement affaire à une petite nouvelle.

    Quelle Chancelière, en matière européenne, fut Angela Merkel ? La réponse est très simple : dans l'immédiat sillage d'Helmut Kohl (et Schröder n'avait pas beaucoup dérogé), elle a profondément accru l'influence allemande sur le continent. Détruite en 1945, redevenu géant économique très vite (milieu des années 50), l'Allemagne a mis du temps à se reconstituer, en Europe, comme géant politique.

    Avec la chute du Mur (1989), l’absorption gloutonne de la DDR par Kohl (1990), la carte germanique jouée pendant dix ans dans les guerres balkaniques (1990-2000), l'extension à l'Est, la prédation des entreprises allemandes sur l'Europe centrale et orientale, la prise de position de Mme Merkel sur la question ukrainienne, plus rien en Europe ne se fait sans l'Allemagne. Et combien de fois, jusque dans l'affaire grecque, la Chancelière ne s'est-elle pas déjà comportée, avec une arrogance inouïe, comme patronne de l'Europe, ce que j'appelle souvent une "Chancelière d'Empire" ?

    Et c'est à cette femme-là, qui n'a cessé de jouer la carte nationale allemande sous paravent européen, de défendre les intérêts stratégiques, économiques, fondamentaux de l'Allemagne, sous couvert de multilatéralisme continental, qu'il faudrait confier les rênes de la Commission ? Dangereux, non parce qu'elle est Allemande. Mais parce qu'elle est elle-même. Mme Merkel est Mme Merkel, cette Chancelière au jeu caché, qui pendant treize ans, feignant l'Europe, a si bien présidé à la renaissance de la puissance allemande sur le continent.

    Et quand on pense qu'un Macron, Président de la République française, successeur de quarante rois et de toutes les fiertés républicaines, garant de l'indépendance et de la souveraineté de son pays, vient allègrement, avec cette candeur sucrée des inconscients, imaginer l'hypothèse de Mme Merkel à la tête de la Commission de Bruxelles. Mais cet homme, décidément, serait-il dénué du plus élémentaire des arrière-pays historiques ?

    Encore trois ans de répit pour l'Ancien Monde.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Hommes-grenouilles polonais

     

    Sur le vif - Mardi 18.06.19 - 09.12h

     

    L'attaque des deux pétroliers par les Iraniens est aussi crédible que l'agression de citoyens allemands par des gardes-frontière polonais, le 1er septembre 1939.

    Vous reprendrez bien une petite fiole de Colin Powell ? Et, pour le dessert, quelques armes de destruction massive ?

    Allez, faisons avancer le dossier. Et reconnaissons enfin que ces pétroliers, en mer d'Oman, ont été attaqués, à la nage, par des gardes-frontière polonais. Ils avaient, comme d'habitude, un peu trop bu. Et voulaient s'essayer à marcher sur les eaux.

     

    Pascal Décaillet