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  • Le crabe, sur la vase

     

    Sur le vif - Mardi 07.02.17 - 05.35h

     

    En politique, ceux qui veulent faire neuf, ou rénovateur, ceux qui prétendent "dépasser le clivage droite-gauche", "faire de la politique autrement", bref tous ces ensorceleurs de la modernité, ces candidats Pepsodent aux dents éclatantes, sont ceux qui vieillissent le plus vite. D'un coup. Comme dans les films d'épouvante.

     

    Pourquoi ? Parce que l'Histoire est tragique. Parce que la lutte des classes, ça existe, la guerre, l'immuable noirceur des passions. Nier cela, au nom d'une modernité présentée comme immaculée, délivrée des antiques malédictions qui nous habitent tous, c'est duper les gens.

     

    L'archaïsme, au contraire, ne cherche pas à tromper. Impopulaire en première lecture, il charrie avec lui la solidité d'une permanence. Il assume l'Histoire, les contradictions, le sang versé, le sacrifice collectif. Il ne cherche pas, sous le moindre prétexte, à diluer des frontières, si porteuses de sens, pour d'improbables conglomérats ectoplasmiques.

     

    Pour évoluer, le monde a besoin de revenants. C'est un paradoxe, oui. Comme la démarche du crabe, sur la vase encore humide.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Les sujets "de société" et le déclin de la presse romande

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    Sur le vif - Dimanche 05.02.17 - 18.29h
     
     
    Dans mon édito d'hier sur la presse romande, "ce qui la tue", j'ai dit un mot de l'importance délirante prise, depuis des décennies, par les sujets "société". J'ai dit aussi le rôle joué par l'idéologie de Mai 68 dans cette tendance. Nous sommes là dans un thème très important pour moi, fondateur de tant de mes combats.
     
     
    Mon problème avec Mai 68 n'a jamais été de type "droite-gauche" : à bien des égards, sur le rapport à l'Etat, à la nation, à la sécurité sociale, à la santé publique, à la solidarité et la cohésion nationales, je suis sans doute plus à gauche que bien des soixante-huitards. Combien d'entre eux, d'ailleurs, libertaires pour lancer le pavé, ne sont-ils pas devenus libéraux, voire ultra, la quarantaine surgie, qui coïncidait avec les années de Veau d'Or, et d'argent facile ? Pendant ce temps, très seul dans la presse romande, je combattais la dérive spéculative et financière, rappelais la philosophie de Léon XIII, d'Emmanuel Mounier et de la Revue Esprit, insistais pour que l'économie demeurât au service de l'humain, de son épanouissement, non le contraire.
     
     
    Non. Mon problème avec Mai 68 est qu'ils n'ont cessé de mettre en avant, non des sujets politiques, mais des sujets "de société". Or, ces sujets-là ne n'intéressent pas. Ils ne m'ont jamais intéressé. Prenez mes textes, je ne m'exprime pas sur eux. Je suis plutôt un homme passionné par l'Histoire, ou plutôt chaque Histoire spécifique à chaque nation, principalement la France, l'Allemagne, la Suisse, les Balkans, mais d'autres aussi. J'ai lu des milliers de biographies historiques, beaucoup plus que de romans. C'est ainsi.
     
     
    Et puis, j'aime la langue. La poésie. La musique, plus que tout. Et puis, observer la nature.
     
    Mais je n'ai aucun avis particulier sur les questions "de société" qui agitent tant l'espace public depuis Mai 68, et la presse romande depuis les années 80, et surtout les années 90, où ces sujets ont explosé dans les médias. Apparition des "pages société", puis de "cahiers société", et même de "magazines société". Cette presse-là ne m'intéresse pas. Elle n'est pas ma tradition personnelle.
     
     
    Je ne nie en aucune manière à cette presse le droit d'exister. Mais je dis qu'elle a pris trop de place, que les sujets "magazine", dans les années cossues des rédactions (qui sont bien finies !), relevant du luxe et non de la nécessité, ont pris un tel empire que certains en ont oublié les fondamentaux du journalisme : traiter l'actualité au jour le jour, avec la rigueur d'un métronome et l'ascèse infatigable, interroger le politique avec une distance critique, décrypter sans concession les mécanismes du pouvoir, proposer sans relâche une mise en contexte historique, une lecture diachronique, analyser plutôt que moraliser. Informer plutôt que distraire.
     
     
    Sur cette inflation des questions de société dans la presse, j'aurai l'occasion de revenir. Nous sommes là dans l'une des causes du déclin de nos journaux, en Suisse romande. On ne peut tout de même pas tout mettre sur la férocité des méchants éditeurs, de Berlin ou d'ailleurs.
     
     
    Pascal Décaillet
     
     
     
     

  • La poire, le rot, le fromage

     

    Sur le vif - Dimanche 05.02.17 - 14.44h

     

    C'est une lourde erreur de considérer les humoristes, les caricaturistes, comme étant a priori des figures de contre-pouvoir. En Suisse romande, ils sont tout le contraire. L'immense majorité d'entre eux ne font qu'adopter la POSTURE de la rébellion, la sale tronche du bouffon, pour en fait s'insérer parfaitement dans le monde des puissants. Qui les paye, comme fous du roi. Tant qu'on amuse la Cour, on éloignera les révoltes. Les voilà donc majors de table, nos braves "humoristes", mercenaires de galas, amuseurs de galeries, entre le rot, la poire et le fromage.

     

    Deux dessinateurs de presse, absolument géniaux, Mix et Burki, nous ont quittés juste avant Noël. Je ne suis pas sûr que leurs survivants aient le même génie de la dérision. La même application à tous du trait d'humour. Car enfin, nos "humoristes", aujourd'hui, à toujours attaquer dans la même direction, apparaissent plutôt comme les Croisés d'une cause. Au service de la morale. Des militants, en somme.

     

    Janissaires de cocktails, ils font exploser de rire les rombières, dérident la charité du bourgeois, titillent puissants, décideurs et possédants. Lesquels, calcinés par l'alibi, se montrent bien peu regardants sur les syllabes avalées, le phrasé beaucoup trop rapide, le calcul d'un rire toutes les dix-sept secondes, caisse enregistreuse à l'appui, cette importation new-yorkaise qui suinte le profit, plutôt que l'exercice d'une quelconque dérision réelle.

     

    Bref, nos humoristes, je les aime bien. A un détail près, sans importance : la plupart d'entre eux ne me font simplement pas rire.

     

    Pascal Décaillet