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  • Genève : un léger parfum de surpopulation

     

    Sur le vif - Vendredi 13.02.15 - 16.02h

     

    C’est mon confrère Jean-François Mabut qui relève les toutes dernières statistiques : la population genevoise a augmenté de 8334 personnes l’an dernier, plus de 1,8%, un record. C’est le taux de croissance le plus élevé depuis les années soixante, que j’ai connues enfant : elles étaient celles du baby-boom, de l’arrivée massive de travailleurs immigrés, de cités satellites qui poussaient comme des champignons, et avec elles les écoles d’André Chavanne. Aujourd’hui, Genève flirte avec le demi-million de résidents, assurément dépassé si l’on inclut, notamment, les sans-papiers. Officiellement, 482'545 résidents déclarés. Un chiffre encore, dont je doute qu’il soit comparable dans n’importe quelle agglomération sur le continent européen : le canton de Genève compte 41,3% d’étrangers. La Ville, davantage. Ces chiffres ne comptabilisent pas les mouvements pendulaires, soit les dizaines de milliers de passages quotidiens de la frontière, pour venir travailler sur Genève, puis repartir le soir.

     

    A-t-on le droit de s’interroger sur cette explosion démographique sans se faire immédiatement taxer de xénophobe ? Est-il encore permis de considérer comme enjeu majeur la régulation de la croissance démographique dans notre canton ? Ose-t-on encore émettre des doutes sur la pertinence du volontarisme immigrationniste de nos autorités, notamment depuis l’entrée en vigueur, en 2002, de la libre circulation des personnes ? Ou alors, faut-il accepter les grands principes de M. Longchamp en enfouissant la tête sous le sable, et en attendant qu’un jour, par aventure, cette croissance veuille bien se calmer ?

     

    Car les statistiques sont claires : depuis des années, ce sont bien les « migrants » qui font monter la courbe. On en pensera ce qu’on en voudra, ce sont les chiffres, c’est un fait. Et c’est surtout, le résultat d’une politique : celle de M. Longchamp et de son idéologie cristallisant comme un dogme la notion de libre circulation. Qu’il faille des échanges, nous sommes tous d’accord : il ne s’est jamais agi une seconde de fermer les frontières. Qu’il faille accueillir l’Autre, le reconnaître pleinement, se garder de tout dénigrement, d’accord aussi. Mais on a le droit, et sans doute aussi le devoir, de poser la question, calmement, respectueusement, de l’avenir démographique d’un canton dont chacun sait qu’il est tout, sauf extensible. Quant à nos frontières, n’en déplaise à M. Longchamp et à son discours de Saint-Pierre, il ne s’agit pas, tel Richelieu dans le conflit avec l’Espagne et avant la Paix des Pyrénées, d’envisager celles qui nous seraient « naturelles » (oh, le dangereux concept, bonjour la Vistule et le Niémen), mais de respecter celles qui sont en vigueur aujourd’hui. On pourrait imaginer que le respect des frontières de la Suisse fasse partie du cahier des charges du Président du Conseil d’Etat genevois.

     

    Poser la question démographique, ça n’est pas rejeter l’Autre. Loin de là. C’est envisager l’avenir avec d’autres critères que la simple application dogmatique de la libre circulation. Par exemple, la qualité de vie dans le canton, le respect de l’environnement, celui de notre sol et de notre hydrographie, et jusqu’à l’aménagement du paysage, lequel ne doit pas relever du hasard, ni de l’entassement, mais d’une volonté d’urbanisme  humaine, imaginative, au service de la population résidente. Le 9 février 2014, le peuple et les cantons n’ont aucunement dit non à l’altérité, aucunement rejeté la mixité. Ils ont juste demandé qu’on se calme un peu. Et que l’on régule. Pas la fermeture des frontières : la ré-gu-la-tion ! Genève est un canton suisse. Elle devra aussi prendre sa part dans la mise en œuvre de cette volonté populaire.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Préférence nationale

     

    Sur le vif - Jeudi 12.02.15 - 15.31h

     

    Nous l’avons écrit hier ici même, le Conseil fédéral commence enfin à aller dans le bon sens en mettant en consultation les premiers contingents exigés par le souverain le 9 février 2014. Entre cette décision et ce qu’il faudra négocier avec Bruxelles, la voie sera très étroite. Mais il n’y a pas que la diplomatie. Il n’y a pas que l’extérieur. Il n’y a pas que notre image. Il y a l’essentiel, qui est de l’ordre de la politique intérieure : après des années d’immigrationnisme, des années de libre circulation dont on aimerait bien savoir à qui elle a profité en priorité, des années où un certain patronat a exagérément profité de l’ouverture des frontières (pour des bénéfices bien timidement redistribués), c’est dans une nouvelle ère que la politique économique suisse doit entrer.

     

    De grâce, qu’on ne vienne pas nous parler d’une ère de la fermeture : il ne s’est jamais agi de fermer les frontières. Mais une ère de retour à une certaine régulation, oui. Disons, le curseur déplacé dans ce sens. Une ère de valorisation du marché intérieur. Une attention beaucoup plus soutenue aux demandeurs d’emplois suisses, ou tout au moins résidents. Une main tendue aux plus faibles, aux plus délaissés de notre communauté nationale. Une vraie collaboration, enfin, avec les offices cantonaux de placement, pour éradiquer le chômage. Cela, principalement dans un canton comme Genève : trop de chômeurs (record suisse), trop de personnes à l’assistance. Dans le même temps, des dizaines de milliers de passages quotidiens de la frontière. Faut-il être grand clerc pour déceler que quelque chose ne va pas ?

     

    Fallait-il vraiment qu’un nouveau parti, sur la scène depuis une décennie, fût si longtemps le seul à le dénoncer, tandis que MM Longchamp & Cie persistaient dans leur dogme de la libre circulation à tout prix, avec leur Grand Genève, leur arrogance, leur sanctification de l’immigration? Fallait-il que le PLR suisse, main dans la main avec le grand patronat (cf. campagne du 9 février 2014), s’obstinât, à n’en plus finir, à nous chanter les louanges de l’ouverture des frontières, le Tessin étant exsangue, de nombreux Genevois délaissés, des milliers de résidents au chômage, l’emploi donné à des personnes venues de l’étranger ? Non, il fallait une réaction venue d’en bas, elle était inévitable : ce fut le 9 février 2014.

     

    Aujourd’hui, en dégageant absolument ces deux mots de la paternité et du contexte sémantique de ceux qui, Outre-Jura, furent les premiers à les énoncer, en demeurant dans le total respect des personnes et des peuples, il n’est pas inopportun de parler, en matière d’emploi, de préférence nationale. Cela n’a strictement rien d’incongru : l’écrasante majorité des pays de la planète la prônent et l’appliquent ! Rien de plus normal, pour n’importe quelle communauté humaine ayant établi des règles au sein d’un espace délimité, que de songer en priorité à la prospérité des siens. Il n’y a là nulle xénophobie, nul rejet de l’Autre en tant que tel. Vous avez déjà essayé d’aller travailler en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis ? La Suisse a le droit, comme n’importe quel pays au monde, de contrôler ses flux migratoires. Et de favoriser ses résidents sur le marché de l’emploi.

     

    Seulement voilà, il y a le grand patronat. J’insiste, « le grand », et encore pas tous. Mais enfin, il y a certains milieux, dans ce pays, chez qui on aimerait que l’idée de patriotisme économique recommence à signifier quelque chose. Eh oui, l’économie, sa vitalité, ses prises de risques, son inventivité, sa puissance combative, tout cela au service de l’humain. Au service, avant tout, des hommes et des femmes qui sont là. Et non au seul service du profit et des actionnaires. Point n’est besoin d’être de gauche pour aspirer à cela ! Mais soucieux du corps social, oui. Attaché aux grands équilibres qui permettent à la société suisse de vivre bien, dans le respect mutuel, en mettant l’accent sur la qualité du développement commun. La Suisse est un tout petit pays. Une petite fleur fragile. Il faut la cultiver avec douceur. Le respect du terreau y compte pour beaucoup. C’est notre tâche à tous, citoyenne, fière et fraternelle.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Contingents : le Conseil fédéral sur la bonne voie

     

    Sur le vif - Mercredi 11.02.15 - 18.58h

     

    Il ne s’agit pas ici de spéculer sur l’agenda secret, ni d’éventuelles spéculations cachées du Conseil fédéral, dans les relations entre la Suisse et l’Union européenne. Il s’agit juste de prendre acte de l’avant-projet de loi, mis en consultation aujourd’hui à Berne, pour donner suite à la décision du peuple et des cantons, le 9 février 2014. Eh bien il faut être juste : ce texte va dans le bon sens. Un an après la décision du souverain, le gouvernement nous apporte enfin du concret. Il veut généraliser les contingents d’étrangers à partir de quatre mois de séjour.

     

    Cette disposition est conforme à l’esprit de l’initiative acceptée il y a un an. Le gouvernement dit oui aux contingents. Et il continue de dire oui aux bilatérales. Et c’est dans le choc sémantique de ce paradoxe qu’il devra négocier avec Bruxelles. Ce sera dur, très serré. Mais au moins, en politique intérieure, le Conseil fédéral est en phase avec la volonté populaire. C’est de loin le plus important, bien avant le fait de contenter ou non M. Juncker.

     

    Car la première urgence était là : calmer le front intérieur. Montrer à l’opinion publique que le gouvernement de ce pays écoute le suffrage universel, lorsqu’il exprime par voie d’initiative. Le Conseil fédéral aura mis le temps, mais aujourd’hui, il commence enfin à le faire. Brouillé avec son peuple autant qu’avec Bruxelles, il a établi une saine hiérarchie, la seule tenable, dans la priorité des réconciliations : il est le gouvernement du peuple suisse, il doit écouter les citoyennes et citoyens de ce pays en toute première instance, et c’est dans l’esprit défini par le souverain qu’il doit s’en aller négocier avec l’Union européenne. Plaire à M. Juncker sans avoir l’appui du peuple suisse, c’est entrer dans une logique de baiser de Judas qui ne ferait qu’affaiblir encore le crédit du gouvernement suisse. Il convient donc, dans cet espace éditorial où nous n’avons pas toujours été tendre avec le Conseil fédéral, de saluer aujourd’hui un texte qui va, selon nous, dans le bon sens.

     

    En regard de cette décision d’aujourd’hui, les gesticulations conjointes et complices, ce week-end, de MM Longchamp et Ruetschi pour nous intimer l’ordre de revoter, apparaissent rétrospectivement d’autant plus graves. Quelle sorte de pression le président du Conseil d’Etat genevois, qui devait bien être au parfum de l’avant-projet bernois, a-t-il, in extremis, tenté d’instiller dans les consciences ? Sans doute prépare-t-il déjà la réponse genevoise à la consultation fédérale, avec mille et une demandes d’exceptions sur le principe des contingents, justifiées par la nature frontalière de notre canton. M. Leuba, il y a quelques minutes à Forum, allait déjà dans ce sens. Nous en saurons plus bientôt.

     

    Pour l’heure, la Suisse officielle, par la voix de son gouvernement, veut ancrer dans la loi le principe des contingents. Ce dernier ayant été voulu par une majorité du peuple et des cantons, dans une consultation parfaitement régulière et conforme à notre ordre constitutionnel, la démarche du Conseil fédéral est la seule qui vaille. L’affaire est loin d’être terminée, mais ce soir nous le disons : le Conseil fédéral, pour une fois, est sur la bonne voie.

     

    Pascal Décaillet