Sur le vif - Mercredi 11.02.15 - 18.58h
Il ne s’agit pas ici de spéculer sur l’agenda secret, ni d’éventuelles spéculations cachées du Conseil fédéral, dans les relations entre la Suisse et l’Union européenne. Il s’agit juste de prendre acte de l’avant-projet de loi, mis en consultation aujourd’hui à Berne, pour donner suite à la décision du peuple et des cantons, le 9 février 2014. Eh bien il faut être juste : ce texte va dans le bon sens. Un an après la décision du souverain, le gouvernement nous apporte enfin du concret. Il veut généraliser les contingents d’étrangers à partir de quatre mois de séjour.
Cette disposition est conforme à l’esprit de l’initiative acceptée il y a un an. Le gouvernement dit oui aux contingents. Et il continue de dire oui aux bilatérales. Et c’est dans le choc sémantique de ce paradoxe qu’il devra négocier avec Bruxelles. Ce sera dur, très serré. Mais au moins, en politique intérieure, le Conseil fédéral est en phase avec la volonté populaire. C’est de loin le plus important, bien avant le fait de contenter ou non M. Juncker.
Car la première urgence était là : calmer le front intérieur. Montrer à l’opinion publique que le gouvernement de ce pays écoute le suffrage universel, lorsqu’il exprime par voie d’initiative. Le Conseil fédéral aura mis le temps, mais aujourd’hui, il commence enfin à le faire. Brouillé avec son peuple autant qu’avec Bruxelles, il a établi une saine hiérarchie, la seule tenable, dans la priorité des réconciliations : il est le gouvernement du peuple suisse, il doit écouter les citoyennes et citoyens de ce pays en toute première instance, et c’est dans l’esprit défini par le souverain qu’il doit s’en aller négocier avec l’Union européenne. Plaire à M. Juncker sans avoir l’appui du peuple suisse, c’est entrer dans une logique de baiser de Judas qui ne ferait qu’affaiblir encore le crédit du gouvernement suisse. Il convient donc, dans cet espace éditorial où nous n’avons pas toujours été tendre avec le Conseil fédéral, de saluer aujourd’hui un texte qui va, selon nous, dans le bon sens.
En regard de cette décision d’aujourd’hui, les gesticulations conjointes et complices, ce week-end, de MM Longchamp et Ruetschi pour nous intimer l’ordre de revoter, apparaissent rétrospectivement d’autant plus graves. Quelle sorte de pression le président du Conseil d’Etat genevois, qui devait bien être au parfum de l’avant-projet bernois, a-t-il, in extremis, tenté d’instiller dans les consciences ? Sans doute prépare-t-il déjà la réponse genevoise à la consultation fédérale, avec mille et une demandes d’exceptions sur le principe des contingents, justifiées par la nature frontalière de notre canton. M. Leuba, il y a quelques minutes à Forum, allait déjà dans ce sens. Nous en saurons plus bientôt.
Pour l’heure, la Suisse officielle, par la voix de son gouvernement, veut ancrer dans la loi le principe des contingents. Ce dernier ayant été voulu par une majorité du peuple et des cantons, dans une consultation parfaitement régulière et conforme à notre ordre constitutionnel, la démarche du Conseil fédéral est la seule qui vaille. L’affaire est loin d’être terminée, mais ce soir nous le disons : le Conseil fédéral, pour une fois, est sur la bonne voie.
Pascal Décaillet