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  • Pierre le Grand, et Pierre tout court

     

    Sur le vif - Jeudi 26.02.15 - 17.09h

     

    Bien sûr, Pierre Ruetschi, en édito de la TG ce matin, défend la loi sur la police. Parce que c’est une loi Maudet. Et que Pierre Ruetschi a toujours, au millimètre près, défendu MM Maudet et Longchamp. De façon systématique, implacable, depuis des années. Il a toujours défendu, avec ardeur, le pouvoir en place, pour lequel il semble éprouver une fascination naturelle, viscérale. Laissons ce pouvoir changer de couleur, cela finira bien par arriver un jour, et je gage que M. Ruetschi, faisant preuve d’admirables capacités d’adaptation, le défendra, ce nouveau pouvoir-là.

     

    C’est son droit. Chacun d’entre nous a le droit d’être pour ou contre la loi sur la police, et de plaider publiquement sa cause. Comme individu, et même comme rédacteur en chef de la Tribune de Genève : chaque journal est libre d’afficher ses opinions. Aucun problème avec cela. D’autant moins que sur l’objet qui nous intéresse, la voix du oui mérite d’être entendue. Le problème, ça n’est donc pas la loi sur la police : exprimons-nous, tous, et le 8 mars le corps électoral tranchera. Non, le problème, c’est la systématique. La répétition. L’accumulation. Toujours, le premier quotidien à Genève s’aligne sur le PLR. Sur MM Maudet et Longchamp. Je dis bien « le quotidien TG », et non « Pierre Ruetschi » : lorsque le rédacteur en chef s’exprime dans l’éditorial, il engage son journal.

     

    Et encore cela, c’est son droit ! Disons juste, comme je l’avais noté l’autre jour, qu’il faudrait une têtière, ou un sous-titre : « La Tribune de Genève, organe du PLR ». Il n’y aurait à cela aucune honte : la NZZ, par exemple, assume depuis la fin du dix-huitième siècle, avec une constance et une rigueur remarquables, son statut de voix du Freisinn, le radicalisme suisse, et c’est un journal dont je crois bien n’avoir jamais manqué un numéro depuis trois décennies. Et cette têtière, je serais le premier à m’en féliciter : je suis un passionné, depuis plus de quarante ans, de la presse d’opinion, je collectionne les journaux, j’ai travaillé sur la presse à l’époque de l’Affaire Dreyfus, tout cela est mon monde, mon univers, et vive la gauche, et vive la droite, pourvu qu’elles soient assumées, que la couleur soit annoncée.

     

    Le problème avec la TG, c’est qu’elle est – peut-être à tort – perçue par le public comme un journal ouvert, œcuménique, rassembleur, équilibré. Et là, avec la systématique pro-PLR, pro-Maudet et pro-Longchamp, de la ligne éditoriale de Pierre Ruetschi, il y a quelque chose qui ne va pas. Il faut choisir : soit on s’affiche comme un journal d’opinion, soit on joue la carte du « gentil journal neutre, ouvert à tous, reflet de la population ». Mais il y a un moment où jouer sur les deux tableaux devient difficile.

     

    Parce que là, dans le cas de la loi sur la police, c’est plus qu’une prise de position. C’est un véritable décuplement en puissance de l’argumentaire Maudet, certaines expressions semblant littéralement inspirées par celui qu’un nombre croissant de policiers appellent « Pierre le Grand » : « Il est plus que temps de changer de régime et de recadrer une corporation dont le professionnalisme ainsi que l’engagement sont réels… quand elle n’est pas en mode revendication ». Princières syllabes. On dirait la Grande Russie, avec ses Palais d’été et d’hiver. Celle des grands romans du dix-neuvième, aussi, avec ses maîtres et ses valets. En ce jour de la Saint Nestor, rendons hommage à ces derniers : grâce à eux, la vie est plus nette, plus propre. Le pouvoir, plus visible. A travers la vitre. Ou mieux : sans vitre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Thomas Bläsi, salutaire emmerdeur

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.02.15

     

    A quoi sert un parlementaire ? A deux choses : faire des lois, et contrôler l’action du gouvernement et de l’administration. Oui, un député sert à cela, qui n’est certes pas rien, et à nulle autre chose. Il n’a absolument pas le monopole du débat politique (qui nous appartient à nous tous, les citoyens), encore moins celui de l’expression publique, il doit juste faire des lois et contrôler l’exécutif. Cette seconde fonction, hélas, beaucoup ne l’assument pas, trop heureux de faire partie du « même monde » que les conseillers d’Etat. Cette ignorance de l’une de leurs missions fondamentales est catastrophique, dévastatrice pour le crédit du Parlement, elle renforce dans le public l’idée du « tous copains ». Mais heureusement, il y a des exceptions. Parmi elles, un nouveau député, depuis l’automne 2013, qui prend incroyablement à cœur sa tâche de contrôle : Thomas Bläsi.

     

    De qui s’agit-il ? D’un député UDC de 43 ans, pharmacien, président de la Commission de la Santé du Grand Conseil, qui multiplie, depuis quelques mois, les motions, interpellations, questions écrites, et autres voies d’investigation parlementaires, visant à obtenir des explications du gouvernement, principalement sur sa gestion des affaires de santé. Le nouveau député est tout simplement infatigable, au point qu’il commence très sérieusement à exaspérer le ministre de la Santé, le conseiller d’Etat Mauro Poggia. Ce dernier vient pourtant du MCG, parti « allié » avec l’UDC, au sein de ce qu’on appelle depuis l’automne 2013 « la Nouvelle Force », qui constitue près d’un tiers de l’électorat. On aurait pu imaginer que Thomas Bläsi attaque des ministres de gauche ou de l’Entente : non, il s’acharne sur un « allié » MCG. Est-il fou ? Que lui prend-il ? Quelle étrange mouche tropicale l’a-t-elle piqué ?

     

    La vérité, c’est que Thomas Bläsi fait simplement son boulot de député. Comme Jean Romain, pendant des années, face au DIP, Bläsi, toujours sur le ton de la plus parfaite courtoisie, toujours en absolue connaissance des dossiers qu’il empoigne, jamais agressif, se contente de relever des faits et de demander des explications. C’est exactement le rôle d’un parlementaire, sa mission face au gouvernement. C’est lui qui a été à l’origine de la demande d’une commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Adeline. Lui qui a soulevé le « traitement de faveur » de la division privée des HUG par rapport aux cliniques privées, sujet qui a rendu fou de rage le ministre Poggia. Lui qui a dénoncé le projet de grande pharmacie dans le nouveau bâtiment des lits des HUG. Lui qui vient de déposer une motion concernant les dysfonctionnements au Service de dermatologie des HUG. Et ça n’est pas fini : d’autres motions, concernant le traitement d’autres parties du corps, vont suivre.

     

    Pour Mauro Poggia, de quoi perdre patience. On imagine volontiers le conseiller d'Etat MCG passant ses nerfs, dans son bureau, en visant avec des fléchettes une cible aux allures de Thomas Bläsi. On se représente volontiers l’intrépide pharmacien, petit-fils de l’aide de camp de Charles de Gaulle, dans le rôle de « L’Emmerdeur », magnifiquement incarné naguère par Jacques Brel. On attend la prochaine motion. Et, à couvert, les prochaines foudres de Mauro Poggia.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Bonfanti.com


    Sur le vif - Vendredi 20.02.15 - 13.16h

     

    A deux semaines du verdict populaire sur la loi sur la police (LPol), Pierre Maudet perd les pédales. Il envoie sur le front la cheffe de la police genevoise, Monica Bonfanti. Laquelle, dûment interviewée par deux journalistes de la Tribune de Genève, dont Pierre Ruetschi himself, tout en rappelant son impossibilité de faire campagne en tant que cadre supérieur, s’en vient fondre et fuser au cœur de la mêlée, vêtue de son uniforme et d’un soupçon de probité candide, dépourvue de lin blanc.

     

    Opération de propagande. Télécommandée par Pierre Maudet. Opération-choc. Opération inadmissible, quand on pense à l’armada des sanctions dont sont menacés les membres d’active de la police genevoise qui auraient le malheur, ne fût-ce que par un clic « j’aime », d’effleurer la campagne du 8 mars. S’il y a devoir de réserve, il doit s’appliquer à toute la police en uniforme. Du moins gradé des gendarmes à la cheffe du corps de police, sans exception.

     

    Quant à l’argument « Je ne fais pas de politique, je me contente d’expliquer », il ne faut quand même pas nous prendre pour des abrutis. Le commandant de corps, chef des troupes aériennes suisses, m’avait fait le même coup lorsque j’étais allé l’interviewer dans son bureau de Berne, au printemps 1993, en vue de la votation du 6 juin sur les FA-18. Le coup de « l’expert qui explique » est en réalité une très vienne antienne dont s’affublent, sur ordre d’un ministre en plein combat politique, les hauts fonctionnaires. Personne n’est dupe. Madame Bonfanti, faites votre propagande si cela vous chante, mais de grâce ne nous prenez pas pour des idiots.

     

    Dans cette affaire, il est très clair que les propos de la cheffe de la police s’inscrivent dans une campagne politique très précise, et ma foi fort bien orchestrée, décidée par le ministre lui-même, homme d’intelligence et de communication. Car enfin, l’autre solution – que nous n’osons imaginer – serait que Mme Bonfanti fût sortie de sa réserve sans blanc-seing ministériel, et là…

     

    A noter d’ailleurs que les propos de Mme Bonfanti, dans la TG, sont loin d’être inintéressants. Et constituent un argumentaire solide en faveur du oui. Car dans cette loi sur la police, il y a de bons arguments des deux côtés. Mais, comme nous l’avons déjà écrit ici, le corps électoral ne se prononcera sans doute pas sur le fond, trop complexe et hétéroclite. Mais pour ou contre Pierre Maudet. Cet aspect plébiscitaire ayant été voulu par le ministre lui-même, qui connaît sa popularité et souhaite en jouer dans cette campagne, il sera d’autant plus permis aux observateurs de la vie politique de décrypter ces intentions sans concessions. Sans la moindre haine,, d’ailleurs, ni le moindre rejet personnel d’un conseiller d’Etat aux multiples qualités. Mais sans être dupe de ses méthodes, ni de sa construction de la communication. Chacun fait son travail. Chacun s’exprime. Nous sommes en démocratie.

     

    Pascal Décaillet