Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mercredi 30.04.14
Dimanche dernier, devant mon téléviseur, je me suis quand même dit que quatre papes, ça commençait à faire beaucoup. Certes, deux d’entre eux étaient défunts, et je n’ai rien à dire contre leur canonisation. Certes, le pape émérite était bien légitimé à être là. Certes, le pape François a parfaitement mené les choses. Mais tout de même, quatre papes, c’est trop. Parce que l’idée d’un pape, voyez-vous, c’est justement qu’il soit unique. C’est là le label du catholicisme, celui qui est d’ailleurs reproché à l’Eglise de Rome. Un seul chef, pour conduire et incarner cette Assemblée invisible qu’on appelle l’Eglise.
Et puis, ces papes qui se canonisent entre eux, il y a quelque chose qui me gêne. Non que cela ne soit pas mérité, loin de là. Mais enfin, dans cette autocélébration, il y a un aspect circulaire, donc fermé, qui n’est pas le meilleur signe. D’autant que si on se met à canoniser un pape sur deux, non seulement ce sera trop, l’idée de sainteté perdra de son crédit, mais il y a un côté injuste pour « le pape impair », celui qui n’a pas l’heur d’être sanctifié. En l’espèce, celui qui était entre les deux saints de dimanche, c’était (si l’on excepte la trop courte période de Jean-Paul 1er), le pape Paul VI, que j’ai personnellement aimé, vu de très près à Genève en juin 1969, et dont j’apprécierais qu’une docte autorité romaine m’explique en quoi il serait « moins saint » que les deux qui l’entourent.
Alors, désolé, mais dans ce Dimanche des Quatre Papes, j’ai surtout vu une immense et géniale opération de propagande, au sens premier, non péjoratif, entendez la nécessité de propager, faire connaître, rien de mal en soi. Et voyez-vous, moi catholique (je le resterai toujours), j’ai pensé que mes frères protestants, plus attachés à l’exégèse du texte qu’à l’image ou l’icône, n’avaient, dans leur retenue, pas entièrement tort. Je me suis pris à rêver, concernant Jean-Paul II, qu’une personne sur dix-mille ayant assisté à la cérémonie de dimanche prît la peine de lire, par exemple, sa lumineuse Encyclique « Laborem exercens ». Dans laquelle, 90 ans après le « Rerum Novarum » de Léon XIII, il redéfinit en 1981 le nécessaire humanisme du monde du travail. Alors non, chers lecteurs, l’Oncle Décaillet ne passe pas au protestantisme. Mais il a besoin de sens. De textes. Et de lumière. Comme nous tous, je crois.
Pascal Décaillet