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  • Didier Burkhalter : les mots de trop

     
    Sur le vif - Mardi 14.01.14 - 09.27h

     

    « Le Conseil fédéral ne fait pas campagne, nous expliquons les enjeux ». Invité ce matin de la RSR, le président de la Confédération, répondant à une question parfaitement légitime de mon confrère Simon Matthey-Doret, a osé. Il a eu le culot, à 07.40h, de nous faire le coup de la campagne neutre et explicative, vieille légende éculée depuis des décennies, depuis le Delamuraz du 6 décembre 1992, depuis l’Ogi de la campagne pour les tunnels alpins (1992 aussi). Il a eu le culot de nous dire cela, un matin de grande écoute de janvier 2014, et nous, citoyens, devrions demeurer sans réagir !

     

    Soyons clairs. Le président de la Confédération n’est pas un eunuque. Il a parfaitement le droit, comme ses six collègues, d’entrer dans l’arène lors d’une campagne de votation. Delamuraz l’a fait, il a tout donné, jusqu’à une partie de sa santé, il a sillonné la Suisse d’un bout à l’autre pour convaincre ses compatriotes de dire oui à l’Espace économique européen. Ne parlons pas d’Ogi, la même année, qui s’est transformé en infatigable commis-voyageur du Gothard et du Lötschberg, et il a gagné. Je ne vois, pour ma part, aucun inconvénient à ce que le Conseil fédéral, face à une initiative qui finalement remet en cause sa politique, fasse campagne pour défendre son point de vue.

     

    Et vous faites campagne, M. Burkhalter. Plus que tout autre. Dès le le premier jour de l’année, dans vos vœux, vous avez annoncé la couleur. A l’émission Infrarouge, qui vous a servi la soupe pendant plus d’une heure, vous avez mené bataille. Ce matin encore, à la RSR, vous étiez le porte-flambeau du non à l’initiative contre l’immigration de masse. Je ne vous en veux pas de vous battre pour une cause à laquelle vous croyez, c’est pour moi l’une des fonctions les plus nobles de l’être humain. Mais je vous en veux infiniment de le nier, de vous draper dans cette pseudo neutralité explicative. Même les prêtres en chaire de la ma jeunesse, au moment de l’exégèse du texte biblique, ne nous cachaient pas que l’explication allait dans le sens d’une propagation de la foi. Ils le savaient, nous le savions, il n’y avait nulle duperie.

     

    Vous êtes, M. Burkhalter, le chef du camp du non. Le chef d’un camp qui a pour lui le grand patronat, avec ses moyens titanesques, l’immense majorité de la classe politique suisse, le quasi-totalité des médias, à part la Weltwoche, votre serviteur et quelques autres. Vous avez décidé, au napalm, de gagner cette votation. C’est votre droit. N’ayant jamais reproché à Jean-Pascal Delamuraz, dont j’ai suivi la campagne de 1992 au jour le jour, d’entrer dans l’arène, je ne vous adresserai nul grief pour cela. Mais de grâce, Monsieur le Président, ne prenez pas les auditeurs de la RSR pour des idiots. Vous faites campagne, vous êtes un combattant, un belligérant dans cette affaire. Soyez gentils, ne nous faites plus jamais, d’ici au 9 février, le coup de la gentille explication objective et asexuée. Nous avons, vous et moi, fait pas mal d'armée. Nous savons que les couleurs doivent être affichées. Nul combattant ne se camoufle, en armes, dans l'ambulance à croix rouge.

     

    Pascal Décaillet

     

  • 9 février : et si la gauche votait oui ?

     

    Sur le vif - Samedi 11.01.14 - 17.22h

     

    Quelle Suisse la gauche veut-elle pour les deux ou trois décennies qui nous attendent ? Face à la poussée migratoire sur le marché du travail, les forces qui se veulent « progressistes », vont-elles défendre les travailleurs de notre pays ou se cramponner à un discours de type moral, totalement déplacé face à l’enjeu du scrutin ? Certains socialistes, certains Verts même (allez, rêvons) tenteront-ils de comprendre pourquoi leurs camarades de parti, au Tessin, soutiennent l’initiative « contre l’immigration de masse », sur laquelle nous votons le 9 février ? Ou se contenteront-ils de traiter de retardés leurs collègues du Sud des Alpes ?

     

    La gauche de ce pays va-t-elle, comme un seul homme, sous le seul prétexte que l’initiative vient de l’UDC, donc frappée du sceau de la malédiction, se conduire en alliée d’un libre-échangisme pur et dur qu’elle a passé une bonne partie de son Histoire à combattre ? Ces questions ne sont pas résolues. Elles ne le seront que dans quatre semaines et un jour. Mais recèlent l’une des inconnues d’évolution de l’opinion publique d’ici le 9 février. L’autre, à droite, ce sera la réaction de l’électoral PLR de souche radicale et populaire aux propos, hier, de leur président national de parti, l'Argovien Philipp Müller. Car la quasi-unanimité, tout à l’heure à Schwanden (GL) de l’Assemblée des délégués ne reflète pas nécessairement le sentiment profond de la base. Soucieux d’unité de matière, nous y reviendrons.

     

    Mais la gauche ! Que va-t-elle voter, dans le secret de l’urne ? Hier soir à Forum, invité parmi d’autres à commenter le dernier en date des ineffables sondages Gfs-SSR, Christian Levrat, le patron du parti socialiste suisse, a utilisé à deux reprises l’expression « retour à la Suisse des baraques » pour stigmatiser le principe de contingents contenu dans le texte. Terminologie dûment préméditée pour créer, chez ceux (comme votre serviteur) assez âgés pour en avoir la mémoire, l’épouvante face au retour de l’époque des saisonniers, logés parfois près des chantiers, ne bénéficiant pas du regroupement familial, ne rejoignant leurs familles que trois mois par an. Cette Suisse-là, je l’ai connue, mon père était ingénieur, il était d’ailleurs fermement opposé à l’initiative Schwarzenbach de juin 1970. Mais, de la part de M. Levrat, quel amalgame ! En l’écoutant hier, je me demandais qui, dans ce pays, tentait de faire peur à qui, et avec quelles ficelles. Tant qu’on y était, on aurait pu remonter à Zola et aux grandes grèves du Nord.

     

    Une partie de la gauche nous brandit l’étendard de la xénophobie. C’est une imposture, que nous avons démontée dans notre texte précédent, paru dans le Nouvelliste et publié dans ce blog. Bien sûr que la Suisse a besoin d’immigration. Bien sûr que la mixité nous a façonnés. Bien sûr que le mélange des langues et des cultures nous a enrichis. Mais où, je vous prie, dans le texte du 9 février, serait-il question d’y renoncer ? Carrefour au centre de l’Europe, la Suisse aura toujours affaire avec les étrangers, et c’est très bien ainsi. Pourquoi nous fait-on croire qu’il s’agirait de fermer le robinet, là où il est juste question d’en régler un peu la puissance. Ré-gu-la-tion !

     

    Vouloir ce contrôle, ça n’est en aucun cas rejeter l’Autre, ni entrer dans une phase de « repli », ni nous « recroqueviller », c’est réinstaurer le contrôle citoyen, donc la volonté politique, sur un flux aujourd’hui non maîtrisé. C’est prendre pari pour les années qui viennent, pour une Suisse toujours ouverte aux échanges, toujours accueillante, mais édictant juste, comme l’immense majorité de ses voisins, quelques règles pour éviter, d’ici dix ou vingt ans, une démographie étouffante. N’est-ce pas notre droit, notre devoir même, d’anticiper aujourd’hui les problèmes de demain ?

     

    Alors, hommes et femmes de gauche, comment allez-vous voter ? Juste sur un slogan moral déplacé, celui de « xénophobie », ou avec votre fibre de défense des places de travail pour les résidents de ce pays ? Le rôle historique de la gauche est-il de soutenir servilement les intérêts de libre échange absolu d’un grand patronat dont l’ambition citoyenne n’apparaît pas comme l’impératif premier ? Une fois qu’ils l’auront sauvée, leur libre circulation, au soir du 9 février, vous croyez qu’ils vont vous les donner, vos « mécanismes d’accompagnement » visant à corriger les excès ? Pour ma part, je crois qu’ils s’empresseront de retourner à leurs chères affaires. Et, pour certains d’entre eux, à leur sous-enchère salariale sans entraves. Et là, vous la gauche, vous aurez tout perdu. Vous n’aurez plus le crédit de votre base ouvrière, qui a d’ailleurs émigré vers d’autres horizons. Et vous n’aurez plus d’alliés pour renverser la situation. Vous pourrez demeurer le parti des bobos. Mais la puissance tellurique, jaillie d’en bas, de représentants des plus précaires, vous l’aurez perdue. A vous de voir. A vous de juger.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le droit de contrôler son immigration

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 10.01.14


     
    Voter oui à l’initiative « contre l’immigration de masse », le 9 février prochain, n’est en aucun cas être xénophobe. En aucun cas, rejeter l’étranger en tant que tel. En aucun cas, nier l’apport de l’immigration dans notre Histoire, notre économie, nos sciences, notre culture. Ceux qui tentent de culpabiliser le camp du oui en créant cet amalgame, nous mentent. Ceux qui essayent par tous les moyens de donner à ce scrutin une sorte de dimension morale, avec de grandes leçons et de grands prêches, comme s’il en allait du salut de nos âmes, nous trompent. Le 9 février, nous nous prononcerons sur un projet de régulation de l’immigration. On peut être pour. On peut être contre. Il n’y a là rien de métaphysique. Juste une technique de régulation. Sur laquelle devrait, en précision, porter le débat.


     
    Les chiffres sont là. Près de 80'000 personnes par année arrivent en Suisse depuis la libre circulation. C’est, bien sûr, plutôt bon signe pour notre économie. Mais avec un risque énorme de surchauffe. Et surtout, notre petit pays, huit millions d’habitants aujourd’hui (dont un quart d’étrangers, la proportion montant à 38% pour le canton de Genève, et 40% pour la Ville), n’est pas extensible à souhait. Le Plateau suisse souffre, déjà aujourd’hui, d’un urbanisme totalement désordonné, au point qu’en certains lieux on ne sait plus si on est en ville ou à la campagne. Nos infrastructures n’ont pas suivi, nos autoroutes sont trop étroites, les trains manquent, le logement abordable (dans des villes comme Genève) fait cruellement défaut. S’interroger sur l’opportunité d’une Suisse à onze, douze ou treize millions d’habitants n’a strictement rien à voir avec une quelconque xénophobie. C’est vouloir maîtriser, comme tous les pays qui nous entourent, un certain niveau de densité qui permette à la Suisse de demeurer un pays où il fait bon vivre.


     
    Pourquoi les opposants ne cessent-ils de dire que l’initiative veut stopper l’immigration ? Alors qu’elle ne vise qu’à la réguler. On peut discuter de cette régulation, mais pourquoi mentir ? Souhaitons que chaque citoyenne, chaque citoyen prenne juste quelques minutes pour lire le texte de l’initiative : cela vaut la peine. Nous ne votons pas, le 9 février, sur notre rapport ontologique à l’altérité, comme on tente de nous le faire croire, mais sur une proposition d’instauration de contrôle politique, voulue par le corps des citoyens, sur des flux qui semblent aujourd’hui nous dépasser. On est pour, on est contre, mais là se trouve l’enjeu. Entre une gauche qui veut nous faire croire que les Suisses sont xénophobes (ce qui est faux, révoltant même), et un patronat libéral, libertaire et dérégulateur ne s’intéressant ni à l’Etat, ni au bien commun, mais juste au profit, il y a un immense espace. Cet espace, c’est celui du peuple citoyen. Celui qui décide. Au-dessus des clans. Dans l’intérêt supérieur du pays.


     
    Pascal Décaillet