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  • Tornare : la leçon d'un homme en colère

     

    Sur le vif - Samedi 23.06.12 - 11.01h

     

    Dix minutes de bonheur. La leçon du vieux combattant au débutant. Mohamed Ali, qui danse, pique et vole face à un jeune boxeur, première année, encore un peu chétif. Dieu sait si j'apprécie Romain de Sainte Marie, qui est d'ailleurs resté parfaitement calme (c'est une force) pendant l'engueulade, mais là, que voulez-vous, le show ce fut Manuel, la torpille, le feu de la révolte, tous les raisins de toutes les colères. C'était hier soir, à Forum.

     

    Tornare au sommet de sa forme. Il crie ce que tout le monde pense. Parti de clans, d'apparatchiks, syndicat d'aveugles, empêtré dans l'archaïsme du discours, pétrifié dans d'ancestrales idéologies. Copinages, et ça n'est que le prénom. Hier soir, Tornare avait de son côté la révolte et l'humour, le rythme (il n'a pas laissé souffler son adversaire une seule seconde), le rebondissement, la surprise .Nous n'étions plus à Genève ni Lausanne, nous étions sur le ring face à Sonny Liston, ou Floyd Patterson, nous étions au huitième round de Kinshasa, 1974, Foreman au tapis, le titre retrouvé, la jeunesse réinventée. Nous étions sur la Meuse, mai 40, finie la Drôle de Guerre, vous voulez du mouvement, on va vous en donner.

     

    Ce fut une éclatante démonstration. Tout le monde a compris que l'adversaire du vieux lion n'était pas le jeune, sympathique et prometteur président du parti socialiste genevois (juste convoqué, le jour même de son mariage, à titre de punching-ball), mais bien le ban et l'arrière-ban de l'Appareil, la vipérine cléricature des féodaux, ceux que Tornare, meilleure locomotive électorale de Suisse romande avec Christophe Darbellay, a toujours eus contre lui. En 2009, en 2012. À coup sûr, en 2013, il les retrouvera, ces chers camarades qui entretiennent la machine à perdre avec la fièvre méticuleuse des passionnés de train électrique.

     

    Oui, Tornare, hier soir, ce fut la bête humaine. Gabin, sur sa loco, clope au bec (sorry, Dr Rielle, c'est dans le film), visage fouetté par le vent du destin. Plus rien à perdre, Manu. Marre, super-marre de cette équipe de branquignols (je cite sa pensée, of course, vous n'allez tout de même pas imaginer que je la prendrais pour mienne), alors cette fois on se fout des conséquences, on vide son sac, on fond sur l'adversaire, on calcine, on pulvérise. Le napalm.

     

    Déjà, Papy Moustache s'étrangle. Déjà, l'Appareil prépare la riposte. Déjà, l'étau se prépare pour enserrer le traître. Déjà le bûcher, pour l'exécution publique, s'apprête à se dresser. Peu importe. Hier, l'homme a dit sa colère. Elle fut saine et brûlante, la leçon, magistrale. Elle ne sera évidemment pas entendue. Déjà, les Clercs font le siège du jeune président pour exiger sanctions et réprimandes. Déjà, l'Appareil se reforme pour secréter son éternel venin. Mais nous eûmes le bonheur, hier soir, d'entendre (miracle de la radio), pour ma part c'était en cheminant au milieu des herbes fraîchement coupées, la plus belle chose depuis Achille et le siège de Troie : la lumineuse colère d'un homme.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Maudet : l'enfer, c'est les autres

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 22.06.12



    Un surdoué. De la trempe des Darbellay, Pierre-Yves Maillard ou Nantermod. Un tout précoce, tombé dans la potion. Un homme véritablement habité par le démon politique. Il ne pense qu'à ça, ne vit que pour ça, mène ses campagnes comme des Blitzkrieg, construit son réseau depuis des années, voit loin, avec toujours deux ou trois longueurs d'avance. Oui, Pierre Maudet, élu ce dimanche 17 juin, à 34 ans, au Conseil d'Etat genevois, déjà ancien Maire de Genève à l'âge où certains pataugent encore, est un phénomène.

    Je fus, il y a une douzaine d'années, l'un des premiers à le repérer. A Forum, je lui ai souvent donné la parole, soit pour des sujets genevois, soit pour des thèmes nationaux, dans lesquels il n'hésitait pas à mordre à pleines dents. Peu à peu, la Suisse romande découvrait ce gamin genevois, capitaine à l'armée à peu près à l'âge de Bonaparte, venant donner son avis à peu près sur tout, étrillant les responsables de la Défense, qu'il tient pour des résidus du paléolithique, redécoupant les frontières cantonales, nous annonçant notre entrée imminente dans l'Union européenne, réduisant l'armée à vingt mille personnes. Tout cela, Dieu merci, dans sa tête : disons qu'il a beaucoup réfléchi à haute voix.

    Mais le gamin a mûri. Tout en ferraillant dans la vie municipale genevoise, il apprend les langues nationales, y compris l'italien pour sa première déclaration devant les Chambres, le jour où il sera conseiller fédéral, ne manque aucun prétexte (y compris bidon) pour se pointer à Berne, histoire d'entretenir les relations, nourrit le réseau avec de futurs conseillers fédéraux (je ne suis pas prêt d'oublier un repas, aux Pâquis, il y a quelques années, avec lui et Alain Berset, on y sentait l'avenir à chaque verre trinqué), bref Maudet a génialement construit son destin. Ajoutez à cela une vaste culture politique, notamment sur le radicalisme, de celles qu'on ne trouve que du côté de Martigny ou Fully. Canal historique sans être sectaire, radical sans nous assommer avec la laïcité, à vrai dire très souple. Oui, disons souple.

    Qu'il ait gagné, le 17 juin, est simplement époustouflant. Personne ne le voyait vainqueur. La masse critique de la gauche, prétendument unie, semblait offrir la victoire à la socialiste Anne Emery-Torracinta. Eh bien non, le MCG Eric Stauffer fit un excellent résultat, consolidant sa tête de pont dans les communes suburbaines (Vernier, Meyrin, Onex, Lancy), mais le vainqueur, et avec une avance que personne n'explique, ce fut bien Maudet. Une victoire qui restera dans les livres d'Histoire. Sa bataille de Cannes, à lui.

    Voilà l'homme au pied du mur. Un torrent d'idées et de projets. Une intelligence. Mais rejoignant, pour seize mois, un sextuor à bout de souffle, l'une des équipes les moins bonnes depuis la guerre. Être génial tout seul, en Suisse, ne sert pas à grand-chose : dans ce pays plus qu'ailleurs, pour toute tête qui dépasse, l'enfer, c'est les autres.



    Pascal Décaillet

     

  • Salika, pour nous réveiller

     

    Sur le vif - Jeudi 21.06.12 - 17.06h

     

    Oublions un instant les couleurs politiques. Oublions qu'elle est de gauche, et sans l'ombre d'un doute. Ne regardons que ce qu'elle est : une conseillère municipale particulièrement compétente et assidue, ne lâchant jamais son os ; une femme brillante et cultivée, d'une conversation rare ; de loin la meilleure oratrice de la classe politique genevoise, Me Halpérin s'étant retiré, Jean Vincent ayant quitté ce monde depuis longtemps, Démosthène n'ayant pas fait à nos rivages l'honneur d'une visite.

     

    Ne regardons que ce qu'elle est. Je vais vous dire : citoyen en Ville de Genève, qu'ils soient quatre ou cinq de gauche, ça m'est assez égal. Bien sûr, l'extrême finesse d'un Adrien Genecand se frottant au Quatuor d'Alexandrie des camarades, ne manquerait ni de sel, ni de piment. Mais à part la saveur ce mélange-là, pour ma part, les éphèbes encravatés de la droite bien bourgeoise et bien présentable, tout comme il faut, juste pour figurer face aux Tétrarques, très peu pour moi. Autant qu'ils soient cinq, tiens pourquoi pas six ! Tellement à gauche qu'on y perdrait le Nord.

     

    La candidature de Salika Wenger est celle d'une militante infatigable, nourrie d'Histoire et de références, sachant lire, écrire et parler, illuminée du feu de ces rivages du Sud qui furent ceux d'Augustin et de Camus. Pour ma part, je considère cette candidature comme salutaire, verticale, réveillante. Je voterai pour Adrien Genecand, ou pour Salika. Ou j'irai à la pêche.

     

    Pascal Décaillet