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  • Les snobinards de la Piazza Grande

     

    Sur le vif - Dimanche 07.08.11 - 11.07h

     

    Amateur de cinéma, je n'ai rien contre le Festival de Locarno. Mais viscéralement, depuis une bonne vingtaine d'années, je ne supporte pas la manière dont la presse, année après année, nous en parle. Toujours la même image, toujours le même angle, toujours le même reflet. Toujours le même film, au fond. La sublimation du mondain. L'extase par l'ostentation du cocktail. On fait savoir, chaque mois d'août, aux sept millions de Suisses qui n'y vont pas et s'en foutent complètement, à quel point les quelques dizaines de snobinards qui s'y pavanent sont contents d'y être. C'est comme ces pages people, que j'ai toujours vomies, où l'on estime d'utilité publique de nous montrer des types en nœud papillon s'empiffrer de petits-fours, coupe de champagne à la main droite. La gauche étant généralement occupée à peloter les fesses d'une bien belle dame, généralement pas la leur.

     

    Locarno est un festival de films. On y présente une sélection de nouveautés, c'est très bien. Ces films, j'apprécierais assez qu'on nous en parle. Pas seulement raconter l'histoire, mais tenir un discours cinématographique un peu crédible, décortiquer la forme, parler du style, de l'image. Certains confrères le font encore, hommage à eux. Mais tout cela, au final, est totalement éclipsé par le kitsch et le mondain, les images du monde désertées par le moindre point de vue. Résultat : les braves sept millions qui n'y vont jamais n'ont que l'heur de contempler la grappe - éternellement la même - de ceux qui s'y pressent. On nous fait savoir qu'on s'amuse bien sur les bords du lac Majeur. C'est magnifique. Tant mieux pour eux.

     

    À cela s'ajoute le thème, incroyablement barbant pour le grand public, et pourtant repris chaque année, du mode de financement du cinéma suisse. Les pro- ou anti-Nicolas Bideau, la différence entre lui et son successeur, la colère des producteurs (antienne qui confine au pléonasme : ces gens-là ne sont jamais contents), le pari sur le nombre de visites en salle, toutes choses qui n'intéressent que le petit cercle de professionnels du cinéma, et ne méritent en aucun cas vingt minutes d'ouverture dans les grandes émissions d'information des médias publics. Qu'on nous parle des FILMS, bordel, qu'on donne la parole aux critiques de cinéma qui les ont visionnés pour nous. Mais de grâce, qu'on nous foute la paix avec la politique du cinéma, avec les buveurs de champagne sur la Piazza Grande, avec le foin des politiques de tout poil pour se montrer, à quelques semaines des élections fédérales.

     

    Au paradis du cinéma, cette sublime invention, qu'on nous propose un meilleur film que l'éternel recommencement, si triste, du mondain. Avec toujours les mêmes figurants. La même trame. Le même scénario. Le même vide. La même absence de grandeur et d'émotion. Série B, série Z. Néant. Non, pire : pour évoquer l'un des plus grands films de l'Histoire du cinéma, l'un de ceux, en tout cas, qui m'ont le plus bouleversé : Mépris.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pierre Weiss : la grêle après la vendange

     

    Sur le vif - Mardi 02.08.11 - 10.22h

     

    Je pourrais prendre pour moi, à la virgule près, les propos de Pierre Weiss dans son discours du 1er Août dans la commune d'Avusy (GE), de même que ses réponses au Temps, dans l'interview publiée ce matin. Le député genevois, également vice-président du PLR suisse, et candidat au National, y plaide pour un « Schengen + », application plus stricte de l'accord approuvé par le peuple suisse. Qui passerait, notamment, par un renforcement de l'effectif des gardes-frontière.

     

    Non, je n'ai rien à redire sur le fond. Je suis d'accord, comme sans doute une grande majorité de la population, avec Pierre Weiss. Le tout petit problème, c'est qu'il arrive beaucoup trop tard. Trop tard, pour être crédible quand on vient de ce parti-là. Trop tard, quand on s'appelle Pierre Weiss, et qu'on a passé les dernières années à prendre de haut, à Genève, les deux partis (MCG, UDC) qui tenaient, contre tous, ce discours. Trop tard, quand on vient d'un parti cantonal dont la ministre responsable de la sécurité peine à régler la situation, et à convaincre de son autorité. Oui, sur le thème de la frontière, Pierre Weiss a raison. Mais il arrive comme la grêle après la vendange. Malgré mon amitié pour cet excellent politicien, homme de valeurs et de fidélité, je me dois, ici, de le dire.

     

    Pendant des années, l'univers politique de Pierre Weiss (libéraux, mais aussi radicaux) a traité de façon incroyablement hautaine, à Genève, les partis de la marge non-gouvernementale qui pointaient du doigt l'insécurité transfrontalière, réclamaient une nouvelle orientation des missions des gardes-frontières (profession à laquelle je rends ici hommage), et surtout des hausses d'effectifs. Pendant des années, on leur disait qu'ils stigmatisaient. Maintenant, on se range à leurs idées. C'est très bien, et il faut toujours rendre hommage à ceux qui savent évoluer. Mais qu'ils ne viennent pas, à moins de trois mois des élections, s'approprier la paternité du thème. Ils n'en ont jamais eu le leadership : ils ne font que suivre.

     

    Ici même, il y a quelques mois, j'ai rendu hommage au Conseil d'Etat genevois, lorsqu'il a enfin énoncé la nécessité d'une préférence pour les résidents, lors du retour à l'emploi. Là aussi, je rends hommage à Pierre Weiss. Je lui dis simplement : « Pierre, c'est bien, mais ça n'est pas votre thème. Vous n'en êtes pas l'initiateur, pas le père. Juste le récupérateur, à l'approche de l'automne électoral ».

     

    Pascal Décaillet