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  • Comment dit-on « lampiste » en genevois ?

     

    Sur le vif - Vendredi 22.07.11 - 15.07h

     

    Marc Fues, ancien directeur de la Banque Cantonale de Genève, condamné à 180 jours-amendes pour faux dans les titres. René Curti, son adjoint, à 120 jours. Dominique Ducret, l'ancien président, acquitté. Les deux réviseurs aussi. Ce verdict appelle les six commentaires suivants :

     

    1) Il est heureux que ce procès aboutisse à un épilogue.

     

    2) En chargeant MM Fues et Curti, c'est clairement l'échelon de commandement opérationnel, et lui seul, qui est reconnu coupable. On aurait plaisir à savoir pourquoi.

     

    3) En acquittant les échelons de contrôle (interne à l'entreprise, par la présidence du conseil d'administration, et externe par les réviseurs), les juges entendent-ils que ces échelons n'étaient pas au courant de ce qui s'est passé ? Si c'est le cas, ça n'est peut-être pas pénal, mais il faudra, à l'avenir, se passer de confier à ces Messieurs des responsabilités de gestion de cette envergure.

     

    4) L'Etat de Genève, celui des années 2010-2011, était-il vraiment habilité à jouer - et, à certains moments, surjouer - la « partie plaignante » ?

     

    5) L'échelon de contrôle politique, via les différents conseillers - et conseillères - d'Etat impliqués, au fil du temps, dans cette affaire, est-il définitivement à exonérer de toute responsabilité ?

     

     

    6) Comment dit-on « lampiste » en dialecte genevois ?

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • La Suisse a besoin de Christophe Darbellay

     

    Sur le vif - Jeudi 21.07.11 - 12.27h

     

    C'est toujours comme ça : il suffit que la presse dominicale alémanique (en l'occurrence, d'inspiration radicale) esquisse un zéphyr d'éternuement pour qu'une armada de suiveurs nous offrent un festival de coryza des consciences. Dernier exemple en date : les prétendues rumeurs sur un retrait de Christophe Darbellay, après les élections fédérales. Sur la nature, et surtout les origines, y compris Catacombesques, de ces rumeurs, lire l'excellent papier d'Yves Petitgnat, dans le Temps de ce matin.

     

    Mais l'essentiel n'est pas là. Il n'est pas dans le charivari interne d'une démocratie chrétienne suisse où dagues acérées et chevalières empoisonnées ont toujours fait partie, bien avant le sabre, ne parlons pas du goupillon, de l'attirail de base. C'est vrai en Valais. C'est aussi vrai chez les âmes pures de Suisse centrale. C'est très vrai en Ville de Genève. C'est éclatant de vérité, notamment ces temps, du côté de Fribourg. Je n'en dirai pas plus.

     

    Oui, Christophe Darbellay a des ennemis à l'interne. Quel chef n'en a pas ? Oui, son talent, son aisance dans les médias, l'aura de sa personne, tout cela suscite la jalousie. C'est la vie. Ça fait partie de la politique, du jeu. Jusque-là, rien de grave. Rien, sauf l'essentiel. Et l'essentiel, c'est quoi ? Mais enfin, ouvrez les yeux : l'essentiel, c'est que ce Flandrin des glaciers, taquineur de chamois, homme d'altière solitude sur le plus escarpé des sentiers, est de loin, et sans comparaison, le meilleur étendard de son parti, donc de l'une des composantes historiques de la droite suisse, pour les années qui viennent.

     

    À part Doris Leuthard, juste avant lui, vous souvenez-vous du moindre président du PDC suisse ces dernières décennies ? Oui : Carlo Schmid. Mais à part ce génial Appenzellois, dont la place aurait dû être au Conseil fédéral, qui ? La grande armée des taxis vides, qui s'arrêtent devant le Palais fédérale, et dont personne ne sort ! Une bande de tièdes ! Et là, tout à coup, depuis 2006, un type qui existe. Un Valaisan qui porte le verbe, brandit le fanion, croit en la politique, se jette en avant. Parfaitement à l'aise à Arena, Forum, Infrarouge, Genève à chaud, au Grand Oral, mais tout autant en inalpes et désalpes, fêtes fédérales et cantonales, festivals de fanfares, foires agricoles, comices, cochonnailles d'automne : bref une incroyable envie de vivre. C'est sans doute cela qui rend jaloux.

     

    J'ai eu, avec Christophe Darbellay, un désaccord majeur, qui demeure, mais sur lequel nous avons eu une explication : le coup du 12 décembre 2007 contre Christoph Blocher. Pronunciamiento que le Valaisan n'a pas fini de payer, peut-être même les salves de ces jours sont-elles une partie de la facture. Pour moi, il fallait que la droite suisse soit unie, je l'ai considérée en l'espèce comme trahie, les lecteurs connaissent depuis quatre ans mon point de vue. Mais à part ce point de litige, et quoi qu'on puisse penser des revirements, il y a chez Christophe Darbellay un très heureux, un très rare mélange de tradition et d'ouverture, de terroir et d'universel, de fermeté et d'humanisme. Bref, le Valaisan réussit l'une des chimies les plus complexes, depuis 1891, de la politique suisse : incarner, dans sa diversité, ses contrastes, ses contradictions mêmes, le charme pluriel de la démocratie chrétienne.

     

    Le pari, d'avance, n'était pas gagné. Des jaunes aux noirs, des urbains de la Ville de Genève aux paysans de Suisse centrale ou des vallées latérales du Valais, de la Doctrine sociale de l'Eglise aux raideurs quasi théocratiques de certains hameaux, il est vaste, il est riche, il est fertile, le terreau de cette grande famille politique née de la résistance, dans les douleurs du Kulturkampf, à l'omnipuissance radicale des années 1848-1891. Cette synthèse, par la richesse et la flamboyance de sa personne, Christophe Darbellay l'incarne mieux que tout autre. Sa famille politique a besoin de lui. La Suisse aussi. Sauf à se défier, pour les siècles des siècles, de toute tête qui dépasse, tout verbe qui fait mouche, de toute personne qui, par son incroyable envie de vie et d'aventure, nous délivre un instant des aigres, des pisse-froid, des éteignoirs, des souris grises. De ces ronds-de-cuir qui, pour peu que le chanvre soit sous la main, donnent juste envie de se pendre.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Une lecture toscane, l'été

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    Notes de lecture - Mercredi 20.07.11 - 12.50h

     

    L'action se déroule en Toscane, et, comme je suis un garçon perfectionniste, c'est en Toscane, perché au sommet d'une colline inspirée, que j'ai savouré, il y a quelques jours, le dernier livre de Dominique Fernandez. Ce roman est un bonheur. Il nous plonge dans une Italie perdue, celle de l'immédiat après-guerre. Il nous immerge dans une jeunesse, des codes, des conventions qui n'ont plus cours depuis longtemps. Il nous donne envie d'avoir vécu cela, nous qui sommes venus après. C'est un roman sur l'Italie, l'une des grandes passions de l'auteur qui en est un éminent spécialiste, agrégé, docteur ès lettres. Mais c'est aussi un texte sur la jeunesse perdue. Il y a toujours, dans la littérature italienne ou consacrée à l'Italie, quelques fragments d'ombre des Promessi Sposi, et le thème des fiançailles, ici chez Fernandez, se promettre à quelqu'un, cela semble aujourd'hui si lointain, domine le livre.

     

    Etudiants en langue et littérature italiennes (un choix rare, en France, dans les années qui ont suivi le fascisme), deux jeunes gens d'une vingtaine d'années, Octave et Robert (le narrateur), quittent Paris, en octobre 1951, pour un séjour studieux d'un an à Pise. Dans un automne qui, là-bas, ressemble encore à l'été, ils débarquent dans une Italie à peine sortie de la guerre, et surtout de l'épopée mussolinienne, coupée en deux (comme dans l'univers de Don Camillo) entre démocratie chrétienne au pouvoir, celle d'Alcide de Gasperi, et communisme. Il faut être l'un ou l'autre, il n'y a guère d'autre choix. L'Italie est belle, veut vivre, oublier les années difficiles, les deux garçons découvrent la liberté sur une vespa. Qui les amène, un beau jour, dans la propriété des Tibaldi, noblesse ruinée, fascistes dépossédés, où vit la belle Ivanka. Jeune fille à marier. Je ne vous en dis pas plus.

     

    Je ne parlerai pas de l'histoire d'amour, parce que je suis en train de finir « Belle du Seigneur », et que, côté puissance passionnelle, je suis trop imprégné d'Ariane et de Solal pour avoir encore à l'esprit les battements de cœur d'Octave, Robert et Ivanka. Mais je vous parlerais des heures de cette Italie-là, si finement restituée par Fernandez, cette rigueur dans le paraître, cette pudeur des sentiments, ce délicieux apartheid entre garçons et filles, ce monde perdu, à la fois archaïque et primesautier, poussiéreux, décati, et pourtant éclatant de lumière. La lumière de Toscane. Autant dire l'intensité du bonheur. Quand il surgit. Et déjà, quand il nous échappe.

     

    Pascal Décaillet

     

    *** "Pise 1951", par Dominique Fernandez, Grasset, janvier 2011, 327 pages.