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  • Candidats, un peu de culture sur vos partis, SVP !

     

    Sur le vif - Jeudi 28.07.11 - 12.42h

     

    Journaliste politique, j'ai toujours adoré les périodes électorales. Elles prêtent à la déraison, la démesure. Elles fermentent. Révèlent les caractères. Âgé de 45 ans au moment des législatives de mars 1978 (où tout le monde donnait la gauche gagnante, et voyait Mitterrand devenir Premier ministre de Giscard), le phénoménal Jacques Chirac a sauvé et la droite et Giscard (qu'il détestait déjà), en serrant un million de mains pendant la campagne ! Physiquement, ça fait mal : la main est un savant réseau de nerfs, de muscles et de cartilages qu'on ne peut pas impunément maltraiter. Bien que catholique, j'ai toujours détesté les carnavals. Mais j'ai toujours adoré les bonnes vieilles campagnes électorales républicaines. Elles ont le goût, incomparable, du cassoulet. J'aurais tellement aimé vivre celles des radicaux ou des socialistes, dans d'improbables villages du Sud-Ouest, sous la Troisième République. Ou les ultimes meetings de Mitterrand, toujours à Toulouse, l'avant-veille du second tour.

     

    Il y a quatre ans, septembre-octobre 2007, en direct sur le plateau de « Genève à chaud », sur Léman Bleu, j'ai reçu, l'un après l'autre, les 97 candidats genevois au Conseil national ! Ils avaient chacun quelques minutes pour convaincre, et devaient répondre, à la fin, à un petit quizz sur l'Histoire et les grandes orientations de philosophie politique de leur parti. Le meilleur, de très loin, à ce petit jeu fut l'UDC Eric Leyvraz, vigneron à Satigny, véritable encyclopédie, incollable. Le moins bon fut.....

     

    J'ai l'intention, cette année, de reconduire cette expérience du quizz. Pas seulement pour la petite note de détente (c'est un quizz souriant, of course) après le questionnement politique. Mais aussi parce que je suis sincèrement persuadé que ceux qui se lancent en politique, aujourd'hui, ne connaissent pas suffisamment l'Histoire politique suisse, celle de leur canton, celle de la Confédération. Ils peinent à citer les grands hommes, et pourtant nous en avons eus. Ils méconnaissent de façon crasse le dix-neuvième siècle, période constitutive de notre univers politique. Ils manquent d'arguments historiques et philosophiques. Donnent souvent l'impression d'être un peu là par hasard. Ou par accointement familial. Ou par copinage Facebook. Je les encourage donc, dès maintenant, à se renseigner sur l'Histoire de leurs partis, l'Histoire genevoise, ou vaudoise, ou valaisanne, l'Histoire suisse, qui est proprement passionnante. De remarquables ouvrages, ces dernières années, dépoussiérés de l'éternelle mythologie de Guillaume Tell, ont été consacrés à ces sujets. Pensons, par exemple, au boulot titanesque d'un Olivier Meuwly.

     

    Je le dis tout net : je ne supporte pas d'avoir face à moi un démocrate-chrétien ignorant du Kulturkampf, de Léon XIII, du Sillon, ou même de la Revue Esprit. Idem, un radical n'ayant jamais entendu parler de James Fazy, ou Druey, ou Joseph Barman. Ou n'ayant pas lu au moins quelques livres sur le radicalisme sous la Troisième République, la loi de 1905, l'Affaire Dreyfus, etc. Ou un libéral ignorant de Tocqueville. Ou un socialiste ne connaissant ni Jaurès, ni Blum, ni Mendès, ni Mitterrand, ni Olof Palme, ni Kreisky, ni Willy Brandt, ni notre admirable Tschudi, ni André Chavanne. Je parle ici des partis qui ont une Histoire. Je pourrais donc évidemment ajouter l'UDC, avec la grande figure agrarienne d'un Minger. Et puis ? Et puis, je crois bien que c'est tout.

     

    Pour parler net, j'en ai marre de l'inculture. J'aime, quand je parle avec un politique, laisser rouler la conversation sur d'autres choses, plus ancestrales, plus fondatrices, que le seul projet de loi du moment. J'aime pouvoir évoquer de grandes figures. Un jeune homme, récemment, m'a ébloui par son univers de références sur son propre parti : le PDC fribourgeois Emmanuel Kilchenmann. Mais il y en a aussi chez les socialistes (Grégoire Carasso), chez les radicaux (Murat Julian Alder, Philippe Nantermod, et plein d'autres). Je perçois moins cette épaisseur dans certains partis monothématiques, trop récents pour avoir une Histoire.

     

    Soyons clairs : il ne s'agit pas d'érudition. Il ne s'agit pas de singes savants. Il s'agit juste, quand on choisit, par exemple, d'adhérer à un parti dont l'étiquette est aussi lourde de références que « démocrate-chrétien » de savoir au moins, un minimum, d'où est issue cette mouvance en Suisse ou en Europe. Avoir tout de même un peu entendu parler du Zentrum bismarckien, ou d'Adenauer, ou de la Democrazia Cristiana d'après-guerre. Savoir qui furent Kurt Furgler ou Maurice Troillet. S'être un peu frotté aux 43 années d'opposition, et de rude combat, des catholiques conservateurs, en Suisse, entre 1848 et 1891. Il existe, pour cela, d'excellents livres. Nos Histoires cantonales, notamment, par quantité d'admirables mémoires et thèses, ont été puissamment revisitées, ces dernières années, par de jeunes chercheurs. Pourquoi les secrétariats des partis politiques, toutes tendances confondues, ne proposent-ils pas ce genre d'ouvrages à leurs jeunes (ou moins jeunes) adhérents ? Ces secrétariats, je le dis, sont aujourd'hui trop gestionnaires, pas assez agitateurs d'idées.

     

    Je ne propose pas des examens d'entrée dans les partis, il y aurait là comme un élitisme censitaire contraire à l'indispensable variété de représentation de la population. Mais enfin, si j'étais secrétaire de parti (ce qu'à Dieu, rassurez-vous, ne plaise), je peux vous dire que j'aurais, avec chaque postulant, un sacré entretien de départ sur ce qu'il a dans le ventre. Évidemment, nul aujourd'hui ne s'y prête, trop content de faire gonfler la liste des nouveaux adhérents.

     

    Les partis politiques sont, depuis la Révolution française, une noble et grande chose. Il est essentiel que les aspirations des uns et des autres puissent se fédérer en quelques grands courants, pas trop, sinon c'est l'atomisation, l'individualisation, la dilution des repères, des frontières. Or, la démocratie, ça n'est pas le « tous d'accord », encore moins le « tous copains ». Non, c'est la confrontation des idées. Par la dialectique. Par l'argument. Par la rencontre avec la population. La gauche, ça existe, elle a même donné, au vingtième siècle, certaines des plus grandes figures de l'Histoire européenne. La droite, idem. Le centre, j'ai un peu plus de peine à lui percevoir une identité propre. Mais enfin, que tous ces grands courants s'interpellent et se combattent, en connaissance de leurs valeurs respectives, de leurs Histoires, c'est cela la grandeur du combat politique. Les passerelles, c'est tout à la fin, une fois qu'on s'est battu. Les poser d'emblée comme nécessaires, c'est abdiquer ses valeurs avant même d'avoir livré bataille.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

  • Ficelles et manigances, épisode 2011

     

    Sur le vif - Mercredi 27.07.11 - 13.03h

     

    C'est de nouveau la charrue avant les bœufs ! Le peuple ne votera que dans trois mois (le dimanche 23 octobre) pour les élections fédérales, et déjà, ici et là, on trame, on ourdit, on vaticine, pour savoir s'il faut maintenir ou non, le 14 décembre (réélection complète du Conseil fédéral), Eveline Widmer-Schlumpf, dégommer ou non l'un des deux conseillers fédéraux du PLR. Dans un intéressant papier du Temps, ce matin, Bernard Wuthrich évoque ces ficelles et manigances.

     

    En Suisse, l'élection exécutive, hélas, procède du Parlement. Partisan, depuis toujours, de l'élection par le peuple, je le regrette, mais enfin c'est ainsi, et tant que le système n'est pas changé, il s'agit évidemment de le respecter. Pour l'heure, la composition du Conseil fédéral relève d'une bonne dose d'arithmétique. Là aussi, on souhaiterait un changement, de vraies plateformes politiques, avec un programme de législature, penchant à droite (tous, sauf les socialistes) ou à gauche (tous, sauf l'UDC), mais manifestement ça ne sera pas pour cette fois. Ca n'est jamais pour cette fois ! Donc, la cuisine mathématique demeurera. Donc, rien ne sert de spéculer sur la composition du Conseil fédéral, le 14 décembre prochain, sans avoir le rapport de forces législatif voulu par le peuple le 23 octobre. Que va-t-il voter ? Franchement, je n'en sais rien.

     

    Voilà pour le côté prématuré. Mais il y a pire. Si vraiment, comme l'articulent d'avertis commentateurs, certains chefs de parti en sont déjà à des projections d'apothicaires sur le maintien ou le renvoi de Mme Widmer-Schlumpf, l'exécution d'un PLR, c'est vraiment que la caste parlementaire, en Suisse, tient à se discréditer davantage encore. Le pronunciamiento du 12 décembre 2007 vibre encore dans bien des mémoires. Les erreurs de casting, lors des successions Couchepin puis Merz, aussi. Le coup de la souris grise qu'on porte au pouvoir, parce qu'elle incarne les subtilités de la technique parlementaire, certes un homme très bien, mais qu'avons-nous à faire des « hommes bien », s'ils ne communiquent pas quelque chose de fort à la population ? Dans l'autre cas, renvoyer chez elle Mme Keller-Sutter, la meilleure de tous, parce que sa tête dépasse, dévoile une peur du Parlement face à tout ce qui lui est étranger. Quatrième République, dans le pire sens du terme ! Que le Parlement fasse des lois, qu'il contrôle sévèrement le Conseil fédéral et l'administration, qu'il se montre sourcilleux face aux abus de pouvoir, tout cela oui, c'est sa mission, sa noblesse. Mais désolé, l'élection du gouvernement, cet archaïsme du milieu du dix-neuvième siècle, ne doit, à terme, plus être de son ressort.

     

    Alors, qui vaticine ? Les socialistes, je n'en sais rien. Les Verts, je n'en sais rien, ils essaient simplement de placer l'un des leurs au Conseil fédéral, ce qui est de bonne guerre. L'UDC, je n'en sais rien. Pour le reste, suivez mon regard. Contemplez ce centre-droit qui fit la Suisse, et aujourd'hui, ne fait plus grand-chose d'autre que tirer dans ses propres pattes. Mme Widmer-Schlumpf n'est pas nécessaire à la Suisse. Sa légitimité à son poste, issue de la combinazione du 12 décembre 2007, est pour le moins douteuse. À l'UDC, elle incarne la trahison. À gauche, elle incarne une politique parfois pire encore que celle de l'UDC. Quant aux deux conseillers fédéraux du PLR, on cherche en eux, avec beaucoup d'intérêt, un quelconque souffle d'Etat ou de grandeur. La  vraie politique, comme d'ailleurs dans n'importe quel pays du monde, lorsqu'on a affaire à un casting aussi peu convaincant, ne serait-elle celle du grand coup de sac ?

     

    Mais que les tenants de l'épicerie, du savant château de cartes où rien ne bouge, ne s'inquiètent pas. Le système actuel, aussi absurde soit-il, perdurera sans problème. Le jour où il s'effondrera, ce sera sans doute d'un coup. Par exemple, sous une pression venue de l'extérieur. Comme en 1848. Comme en 1919. Pour les grandes réformes, nous sommes, hélas, un pays de suiveurs.

     

    Pascal Décailet

     

     

     

     

     

     

  • Couchepin-Nantermod : le sage et le pur-sang

     

    Sur le vif - Mardi 26.07.11 - 19.01h

     

    Entre radicaux valaisans, on s'entraide. Très clairement, tout à l'heure, dans sa chronique sur la RSR, en dialogue avec Philippe Revaz, l'ancien conseiller fédéral a soutenu la croisade du surdoué de Morgins (devenue celle du PLR, mais avec résistances internes) contre le prix unique du livre. Couchepin, qui est pourtant un grand lecteur et qu'on ne soupçonnera pas de poujadisme culturel, voit, dans la forme « d'exception » que constituerait un tel prix unique en système libéral, une peur de la concurrence, mauvaise conseillère. Je crois pour ma part qu'il a raison.

     

    Au-delà de cette querelle, certes difficile à trancher, et où on trouve des deux côtés de bons arguments, on notera le petit coup de pouce, en pleine période électorale, à l'un des jeunes espoirs les plus énergiques, les plus déterminés, du PLR en Valais. Philippe Nantermod est né dans la marmite. La politique, c'est sa vie. Il a du courage, du verbe, des arguments, et surtout une formidable envie d'en découdre. Jamais il n'insulte. Avec les mots, il se bat. Un pur-sang dont on espère vivement voir très vite (pourquoi pas en cours de législature, voire... dès le début !) bénéficier le Conseil national.

     

    Pascal Décaillet