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La Suisse a besoin de Christophe Darbellay

 

Sur le vif - Jeudi 21.07.11 - 12.27h

 

C'est toujours comme ça : il suffit que la presse dominicale alémanique (en l'occurrence, d'inspiration radicale) esquisse un zéphyr d'éternuement pour qu'une armada de suiveurs nous offrent un festival de coryza des consciences. Dernier exemple en date : les prétendues rumeurs sur un retrait de Christophe Darbellay, après les élections fédérales. Sur la nature, et surtout les origines, y compris Catacombesques, de ces rumeurs, lire l'excellent papier d'Yves Petitgnat, dans le Temps de ce matin.

 

Mais l'essentiel n'est pas là. Il n'est pas dans le charivari interne d'une démocratie chrétienne suisse où dagues acérées et chevalières empoisonnées ont toujours fait partie, bien avant le sabre, ne parlons pas du goupillon, de l'attirail de base. C'est vrai en Valais. C'est aussi vrai chez les âmes pures de Suisse centrale. C'est très vrai en Ville de Genève. C'est éclatant de vérité, notamment ces temps, du côté de Fribourg. Je n'en dirai pas plus.

 

Oui, Christophe Darbellay a des ennemis à l'interne. Quel chef n'en a pas ? Oui, son talent, son aisance dans les médias, l'aura de sa personne, tout cela suscite la jalousie. C'est la vie. Ça fait partie de la politique, du jeu. Jusque-là, rien de grave. Rien, sauf l'essentiel. Et l'essentiel, c'est quoi ? Mais enfin, ouvrez les yeux : l'essentiel, c'est que ce Flandrin des glaciers, taquineur de chamois, homme d'altière solitude sur le plus escarpé des sentiers, est de loin, et sans comparaison, le meilleur étendard de son parti, donc de l'une des composantes historiques de la droite suisse, pour les années qui viennent.

 

À part Doris Leuthard, juste avant lui, vous souvenez-vous du moindre président du PDC suisse ces dernières décennies ? Oui : Carlo Schmid. Mais à part ce génial Appenzellois, dont la place aurait dû être au Conseil fédéral, qui ? La grande armée des taxis vides, qui s'arrêtent devant le Palais fédérale, et dont personne ne sort ! Une bande de tièdes ! Et là, tout à coup, depuis 2006, un type qui existe. Un Valaisan qui porte le verbe, brandit le fanion, croit en la politique, se jette en avant. Parfaitement à l'aise à Arena, Forum, Infrarouge, Genève à chaud, au Grand Oral, mais tout autant en inalpes et désalpes, fêtes fédérales et cantonales, festivals de fanfares, foires agricoles, comices, cochonnailles d'automne : bref une incroyable envie de vivre. C'est sans doute cela qui rend jaloux.

 

J'ai eu, avec Christophe Darbellay, un désaccord majeur, qui demeure, mais sur lequel nous avons eu une explication : le coup du 12 décembre 2007 contre Christoph Blocher. Pronunciamiento que le Valaisan n'a pas fini de payer, peut-être même les salves de ces jours sont-elles une partie de la facture. Pour moi, il fallait que la droite suisse soit unie, je l'ai considérée en l'espèce comme trahie, les lecteurs connaissent depuis quatre ans mon point de vue. Mais à part ce point de litige, et quoi qu'on puisse penser des revirements, il y a chez Christophe Darbellay un très heureux, un très rare mélange de tradition et d'ouverture, de terroir et d'universel, de fermeté et d'humanisme. Bref, le Valaisan réussit l'une des chimies les plus complexes, depuis 1891, de la politique suisse : incarner, dans sa diversité, ses contrastes, ses contradictions mêmes, le charme pluriel de la démocratie chrétienne.

 

Le pari, d'avance, n'était pas gagné. Des jaunes aux noirs, des urbains de la Ville de Genève aux paysans de Suisse centrale ou des vallées latérales du Valais, de la Doctrine sociale de l'Eglise aux raideurs quasi théocratiques de certains hameaux, il est vaste, il est riche, il est fertile, le terreau de cette grande famille politique née de la résistance, dans les douleurs du Kulturkampf, à l'omnipuissance radicale des années 1848-1891. Cette synthèse, par la richesse et la flamboyance de sa personne, Christophe Darbellay l'incarne mieux que tout autre. Sa famille politique a besoin de lui. La Suisse aussi. Sauf à se défier, pour les siècles des siècles, de toute tête qui dépasse, tout verbe qui fait mouche, de toute personne qui, par son incroyable envie de vie et d'aventure, nous délivre un instant des aigres, des pisse-froid, des éteignoirs, des souris grises. De ces ronds-de-cuir qui, pour peu que le chanvre soit sous la main, donnent juste envie de se pendre.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

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