Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 10

  • La philosophe et la passion du suicide

     

    Sur le vif - Mercredi 06.10.10 - 08.21h

     

    Le philosophe doit-il à tout prix s’occuper de politique ? La question est vieille comme la philosophie, vieille comme la politique, qui sont d’ailleurs nées ensemble, quelque part dans l’Athènes des cinquième et quatrième siècles avant Jésus Christ, avec ces textes de Platon, puis d’Aristote qui nous illuminent tant, encore aujourd’hui.

     

    La question mérite d’ailleurs d’être affinée. Il faudrait demander : « Le philosophe, lorsqu’il se mêle de politique, doit-il garder la pureté cristalline de son approche ? ». C’est à cela que beaucoup de Suisses romands ont dû penser, il y a un instant, en écoutant la philosophe Marie-Claire Caloz-Tschopp répondre aux questions de mon confrère Simon Matthey-Doret sur l’initiative UDC du 28 novembre prochain concernant l’expulsion des criminels étrangers.

     

    Car hélas, aussi brillante soit Mme Caloz-Tschopp, aussi puissante et fraternelle sa prise de parole (oui, une qualité de langage qui détonne en Suisse romande), sa fuite continuelle du sujet au profit de grands principes ne pourra, à son corps défendant, qu’alimenter la partie adverse.

     

    En refusant d’empoigner le thème précis sur lequel le peuple suisse devra bien se prononcer le 28 novembre (une initiative et un contre-projet), en bottant constamment en touche sur les vrais « grands criminels qui font peur, les banquiers », l’éminente philosophe nous a délivré une véritable caricature, un sommet de déni. Elle a, clairement, donné des points à l’UDC.

     

    Ça n’est pas que les Suisses adorent les banquiers, surtout par les temps qui courent et après les excès du capitalisme financier. Mais il se trouve que la question sécuritaire, au jour le jour, notamment en milieu urbain, existe. Il ne s’agit certes pas de l’exacerber. Mais pas, non plus, de la nier, avec cette détestable et méprisante notion de « sentiment d’insécurité » que nous sort la gauche depuis des années. Allez dire à quelqu’un qui s’est fait agresser : « Ca n’est qu’un sentiment subjectif, mon ami, rien de grave ».

     

    En résumé, une grande voix, ce matin, quelque chose de très fort dans l’incandescence du verbe, mais une fausse route. Car les questions du 28 novembre, il faudra bien les traiter. Ne les prendre que de haut, avec cette altitude dégagée de l’intellectuel, pourrait bien réserver aux adversaires la même surprise qu’avec les minarets. Oui, Madame la philosophe, dans une interview radio comme dans une dissertation de votre discipline, la première des choses à faire est de traiter le sujet. La marge, c’est bien. La page, c’est mieux.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • MM Longet et Mizrahi, l'adieu aux larmes

     

    Sur le vif - Mardi 05.10.10 - 15.39h

     

    Avec MM Longet et Mizrahi, l’actuelle direction du parti socialiste genevois fait davantage songer à un chœur de pleureuses antiques qu’à une équipe qui veut gagner. Dans l’affaire de la Constituante, j’ai lu avec intérêt la réponse de M. Mizrahi à mes précédents blogs, et n’y trouve hélas que la confirmation de ce ton plaintif et victimaire dans lequel cette famille politique, qui fut naguère celle de Chavanne et du Grobet des grands jours, se complaît aujourd’hui. Je parle bien ici de l’actuelle direction du parti, et non des militants, ni des élus.

     

    MM Longet et Mizrahi, hommes au demeurant respectables, ne se comportent pas, en l’espèce, de façon républicaine. En République, on respecte les majorités, aussi malsaines soient-elles, comme a pu l’être l’alliance UDC-PS qui vient de jeter aux orties, à Berne, la 11ème révision de l’AVS. En République, on laisse travailler une Assemblée démocratiquement élue, quitte à lui renvoyer sa copie un certain dimanche de votation populaire. En République, on cherche à obtenir des majorités, on s’incline lorsqu’on perd, on ne vient pas parler de dissolution dès que ça vous dérange.

     

    Sur un point, je suis en accord total avec M. Mizrahi : « La seule majorité qui compte en démocratie est celle du peuple », écrit-il dans son éloge lacrymal de la défaite. Oui, celle du peuple. Le peuple, qui dira oui ou non à la Constituante. Lui seul aura le droit de trancher. Et non quelque censeur aux buissons de rose, perdu dans l’extase des larmes et la sainte jouissance de l’adieu.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • La Constituante et l’Empire du Bien

     

    Sur le vif - Mardi 05.10.10 - 08.59h

     

    Le vrai drame de ceux qui veulent arrêter la Constituante parce que les résultats intermédiaires ne leur plaisent pas, c’est leur acte de foi, dogmatique, dans l’avènement de l’Empire du Bien. Il faudrait que toute Charte fondamentale, à tout prix, entonne la liturgie incantatoire de tout un fatras de « droits », droit au logement, droit des fonctionnaires à être députés, droit à ceci, droit à cela, univers où le citoyen serait remplacé par l’ayant-droit. On pourrait se réveiller, heureux, en fin de matinée, en bêlant : « J’ai droit à ma grasse matinée ! ».

     

    Ils croient aussi, ces gens-là, René Longet en tête, que tous les futurs matins du monde seront nécessairement chanteurs, et de ce chant-là qu’ils ont rêvé, parce qu’il serait inéluctable. Leur catéchisme, c’est le progrès, enfin leur définition du progrès, celle de leur chapelle à eux. Et comme ce progrès DOIT advenir, sous le seul prétexte qu’ils l’ont annoncé, rien ne doit s’y opposer, même pas ce petit obstacle passager qui s’appelle démocratie, majorité d’une Assemblée souverainement élue pour accoucher d’un projet.

     

    Ce qu’ils refusent de voir, ces gens-là, René Longet en tête, c’est que la société suisse a profondément changé. Et même aussi la société genevoise. Et que les fameux lendemains qui chantent pourraient bien s’avérer beaucoup plus conservateurs qu’ils ne l’imaginent. Ils peuvent hausser les épaules tant qu’ils veulent, se dire que les 29% de l’UDC aux élections fédérales d’octobre 2007 ne sont qu’une parenthèse, et que tout rentrera dans l’ordre, LEUR ORDRE A EUX.

     

    Ils peuvent se dire cela, si ça les rassure, ou encore que les 17% du MCG, le 11 octobre 2009 à Genève, ne seraient qu’un accident passager. Que la victoire de la droite, ce même jour, serait purement fortuite et provisoire. Ils se ferment tant les yeux qu’ils ne voient pas le succès probable de l’initiative de l’UDC du 28 novembre prochain. Pendant que certains font de la politique, eux font de la morale. C’est cela, le syndrome René Longet, au demeurant le meilleur des hommes.

     

    Dans un papier publié ce matin dans la Tribune de Genève, mon excellent confrère Claude Torracinta, qui défend Longet tout en voulant sauver la Constituante, appelle les membres de cette Assemblée à « revenir à des réformes raisonnables ». « Raisonnables », cela signifie conformes aux lunettes roses de René Longet ? Il y aurait donc d’un côté la Raison (Vernunft), celle des grands idéaux socialistes et du douillet confort des « droits ». Et de l’autre, la barbarie de ceux qui pensent autrement ? Barbarie, ou infidélité ? Alternance, ou mécréance ? Droit chemin, ou hérésie ?

     

    Pascal Décaillet