Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 14

  • Hainard comme Cagney, le sale type

     

     

    Sur le vif - Samedi 05.06.10 - 15.27h

     

    user1367_1173088472.jpg

    Il y a, dans l’affaire Hainard, quelque chose qui ne va pas.

     

    Encore une fois, je ne connais pas le détail de cette affaire, ni M. Hainard personnellement, et suis bien éloigné, ces temps, de la vie politique neuchâteloise. Mais il y a, depuis le début, quelque chose qui ne va pas. Qui sent mauvais. Et qui ressemble à une exécution.

     

    Il y a quelques semaines encore, personne, à part à Neuchâtel, ne connaissait le nom de Frédéric Hainard. Pas plus que les Neuchâtelois n’ont entendu parler d’Isabel Rochat ou de Michèle Künzler. C’est ainsi. Les verticalités juxtaposées de nos existences cantonales.

     

    Et puis, d’un jour à l’autre, patatrac ! La Suisse romande entière, par papier orangé ou ondes publiques, découvre que sévit, du côté de Neuchâtel, un ignoble individu, incarnation du péché. Le sale type, à l’état pur. Immédiatement, sans la moindre forme de procès, on l’appelle « Le Sheriff », on l’affuble systématiquement de ce nom, « Hainard le Sheriff », comme « Achille aux pieds légers » ou « Ulysse aux milles ruses ». L’étiquette est collée, exit Frédéric, va pour le Sheriff. On le déleste de son identité, on en fait une figure. D’ailleurs, très vite, exit Hainard, on se contente de dire « Le Sheriff ».


    Et puis, on le montre. On balance sa photo. Tous les matins. Wanted ! Le Sheriff mis à prix, c’est classique dans les plus grands westerns, où il est si excitant que les fonctions de bien et de mal s’inversent. Comme ressort narratif, c’est génial : les gens adorent ça. Comme il faut bien un peu de biscuit, on accumule les témoignages. On fouille sa vie publique. On passe au crible sa vie privée. Il y a un film de 1938, un chef-d’œuvre de Michael Curtiz, « Angels with dirty faces », où l’éblouissant James Cagney incarne le mal absolu. Frédéric Hainard est jeté en pâture, jour après jour, comme un homme à la face sale. Il est le Cagney de l’histoire, le sale type.

     

    Paradoxalement, plus on crée et peaufine cette figure du mal, moins le public n’est informé de la nature exacte des griefs qu’on adresse à cet abominable personnage. L’image du sale type s’impose, avec une telle puissance de dévastation qu’elle éclipse toute analyse dialectique sur le fond du dossier. Il aura, par exemple, fallu attendre aujourd’hui, samedi 5 juin 2010, 12.35h, pour apprendre que de nombreux fonctionnaires anonymes du Département Hainard défendaient leur chef, le « sale type », parce qu’il avait eu le courage de s’en prendre à des dysfonctionnements internes, au reste bien antérieurs à son entrée en fonction. Le moins qu’on puisse dire est que cette « révélation » aurait pu arriver plus tôt.

     

    Reste à savoir à qui profite l’affaire Hainard. Qui instrumentalise qui. Qui, dans ce canton, n’en peut plus de ne pas digérer le récent succès d’un monde libéral-radical qu’on aurait préféré expédier ad patres, au rayon Histoire. Il sera intéressant, un jour, de s’interroger sur l’équilibre avec lequel on a récolté les « témoignages » contre Hainard. Ce jour-là, l’intéressé sera-t-il encore dans la vie politique. Ou aura-t-il craqué ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Constituante Kaputt !

     

    Kaputt, la Constituante. À terre. Raide. Caca. Bouge plus une oreille. Elle a mouru, c’est sûr ; ne demeure que le râle geignard des pleureuses, la remembrance de ce qui fut fantasmé et n’advint jamais. Constituante, oh, nanisme ! Tant de semences au vent jetées, sans jamais le moindre fruit. Prends-en de la graine, passant, va dire à Sparte qu’ils sont tous morts pour rien, mais que ça n’est pas grave. Parce qu’à l’exception de Jean-François Mabut, du soussigné et d’une octantaine d’hallucinés, tout le monde s’en contrefout. 82 passionnés sur 450.000 habitants, c’est encore un peu juste pour calciner les foules d’un irrépressible désir.

     

    Oui, ce fut un méga-rêve en circuit fermé. Oui, ce furent nos Mégaras, nos jardins d’Hamilcar, nos Petits Lirés, nos codes savants, nos clins d’œil barbaresques, avec cinquante étoiles comme cinquante Etats, cinquante sénateurs. Ce furent nos aubes, nos hivers, la conjugaison de nos plaisirs solitaires. Mais la droite, à en croire la Pampa, a sifflé la fin du rêve. La droite n’était qu’un veilleur mélancolique qui tournait sa ronde. Et qui avait entendu du bruit. Ils n’étaient même pas Thiers, même pas Versaillais. Juste des passants. Fatigués du bruit.

     

    Alors, adieu sénateur, adieu cinglante Espagne, adieu Murat le Magnifique, souvenir d’Eylau et des charges de cavalerie dans la nuit bleue, glacée, la nuit de la mort, la vraie, violente, celle du fracas des armes. Adieu l’Empereur, adieu la France, adieu le Soli de Fiume, adieu lecteur vaudois qui lit ce texte sur le site de 24 Heures et se demande si je suis devenu fou. Adieu radio, Conservatoires, filles en fleur, adieu trios de rêves dans la pâleur de l’aube. Adieu, Constituante ! Nous allons maintenant, comme dans la chanson de Jonasz, reprendre le cours de nos vies.

     

    « Constituante Kaputt », m’a glissé à l’oreille Alberto Velasco, ce matin 07.06h, alors qu’Apolline, Thaïs (« qui fut sa cousine germaine ») et Zoé, 10, 12 et 12 ans, escortées de leur délicieuse professeur, nous enchantaient de leur musique. Il a dit « Kaputt », et le fracas germanique de ces deux syllabes, sans rien dans sa voix qui laissât perler l’hispanisme de ses tripes, et j’ai compris. Il a dit « Kaputt », et j’ai vu la mort.

     

    Puis, Ubu est arrivé. Et tous, nous sommes allées boire un café.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Les droits, les droits, toujours les droits

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 04.06.10

     

    Droit au logement. Droit à respirer un air pur. Droit à ceci, droit à cela, ils n’en peuvent plus, la frange de gauche de la Constituante genevoise, de décréter les « droits » les plus multiples. Chargés, comme naguère le Jura, Fribourg, Vaud, de réinventer une Charte fondamentale pour leur canton, certains élus de cette étrange assemblée se sont transmués en hallucinés de la position déclamatoire, n’ayant pour toute sécrétion salivaire que la requête tétanisée de « droits ». Des droits, des droits, toujours des droits. Jamais de devoirs. Toujours prendre. Jamais donner de soi. Et Kennedy ? Et sa fameuse phrase, si belle, ils en ont entendu parler ?

     

    Etrange conception du monde, tout de même. Singulière idée de la mission de l’humain sur cette terre. Nous serions ici bas, non pour façonner notre destin, mais attendre du Ciel qu’il veuille bien nous concéder des « droits » n’ayant été inventés que dans l’onanisme collectif de quelques surexcités rêvant d’une société meilleure. Les droits, les droits, toujours les droits ! Il faudrait coucher sur le papier tous les rêves de douceur du monde, mobilité douce, développement durable, paix sur la terre, toutes choses assurément fort honorables mais n’engageant que la part de désir et de projection de ceux qui les fantasment. Autrement dit, pas grand-chose.

     

    Et puis, surtout, cette idéologie. Recevoir, toujours recevoir. Il y aurait un Etat protecteur, un cocon, et l’assurance que les « droits » décrétés seraient respectés. Alors que tout, dans la vie, de la naissance à la mort, est affaire de combat. Bien sûr qu’il faut les droits de l’homme, là oui, bien sûr que cette conquête des Lumières et de la Révolution française demeure un but constant à atteindre. Mais jamais acquis. Toujours à réinventer. Pendant que j’écris ces lignes, hélas, partout dans le monde, on les bafoue, ces droits, on torture, on tue. Pour les défendre, ces droits, il faut se battre, et non les décréter du haut de ses sandales, tout installé dans sa tranquillité.

     

    La vérité, c’est que la vie est dure. Nul progrès n’est acquis. La barbarie, à tout moment, peut revenir. Oui, il faut lutter pour la civilisation. Mais par des actes. Et non par des postures déclamatoires. Aussi ridicules que totalement vaines.

     

    Pascal Décaillet