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  • Jacques Deillon : naissance d’un talent

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    Il n’a eu que deux lucarnes très étroites pour exister, il en a tiré le maximum. Deux apparitions, c’est par exemple Elvire dans le Dom Juan de Molière. Tirer parti de la brièveté pour éblouir. Habiller en intensité la fulgurance de sa présence dans la lumière. Il s’appelle Jacques Deillon, je ne le connaissais pas jusqu’ici, il a 21 ans, il préside les Jeunes UDC à Fribourg.

     

    Je viens de visionner, à l’instant, le duel Pilet-Blocher sur Infrarouge, enfin disons le super show Pilet épicé de quelques apparitions de l’ancien conseiller fédéral. Avec, en vedette annexe, un Pierre Maudet dont on se demande pourquoi ça n’était pas à lui d’affronter Blocher, en invité principal. Avec, aussi, un sympathique Vert vaudois, très jeune aussi, Raphaël Mahaim, jeté en pâture au tribun zurichois comme on lance un morceau de tendre viande à un loup, au moment du goûter.

     

    Jacques Deillon, donc. Langage clair. Verbe rapide, parfaitement maîtrisé, sans dérapage. Pas peur de déplaire. Pas peur des ricanements d’arrogance de Pilet, vieille technique. Pas peur de l’interpeller directement. Les mots s’enchaînent, les idées aussi. Naissance d’un talent politique.

     

    Comment ne pas penser à la naissance de Pierre Maudet, « un jeune qui est déjà vieux », m’avait dit de lui un ancien conseiller d’Etat genevois perclus de jalousie. Maudet, oui, ce grand escogriffe un peu gauche, que nous avions été parmi les premiers à repérer.

     

    Une chose est sûre : on reparlera de Jacques Deillon, sur la scène politique de Suisse romande.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

  • Un maire en Suisse doit être suisse

     

    Non à l'émiettement de la citoyenneté

     

    Interrogé, il y a bien longtemps, dans « L’Heure de vérité » (c’était le temps où il y avait encore des émissions politiques à la télévision française), sur l’octroi du droit de vote aux étrangers dans les scrutins locaux, l’ancien Premier ministre Raymond Barre avait répondu sèchement : « Le droit de vote appartient aux citoyens français ».

     

    Il considérait, Barre, que les droits politiques étaient indissociables de la nationalité. C’est, chez nous, ce que pense l’UDC. Mais aussi, à Genève, une partie des libéraux, sans doute aussi des radicaux (le groupe qui les représente à la Constituante est-il représentatif ?), évidemment le MCG. Bref, tout un brave petit monde. Qui pourrait bien, un certain dimanche où le texte final sera soumis au vote, se coaliser dans le sens du non. Il aurait, par ailleurs, mille autre raisons de le faire.

     

    Il ne s’agit en aucun cas, ici, de méconnaître l’apport des étrangers (je déteste le snobisme sociologique du nouveau mot « migrants », ne parlons pas de « migrantes et migrants ») dans la construction de notre pays. À Genève, ils sont 38% et contribuent largement à la prospérité du canton. Plus encore : ils lui donnent une pluralité bienvenue qui fait de ce bout du lac un échantillon de la planète elle-même. C’est rare. Et c’est appréciable.

     

    Non, ce dont il s’agit, c’est la définition de l’appartenance républicaine. Il y a, dans ces octrois partiels, droit de vote par ici, d’éligibilité par là, une fois commune, une fois canton, comme un émiettement de ce principe indivisible qui s’appelle la citoyenneté. Sur le plan théorique, on nous dit que la commune est souveraine et n’a pas à calquer ses droits sur ceux de la nation. Je veux bien. Mais une ville en Suisse se trouve être aussi une ville suisse, immédiatement perçue comme telle par l’extérieur, qui se contrefout de notre système à trois étages. Le maire de Genève qui accueille un chef d’Etat incarne autant, sur le tarmac, le pays que la ville. Il incarne la Suisse, oui, tout le mystère et tout le charme de ce petit pays, son système politique, ses lois, son fédéralisme, sa démocratie directe. Et c’est au maire d’une ville suisse que le souverain étranger serre la main.

     

    Si un étranger de Suisse s’est à ce point intégré dans Genève qu’il est jugé digne d’en devenir le maire, alors on peut attendre de lui qu’il ait, parallèlement, poussé l’intégration jusqu’à demander une nationalité suisse qui ne lui serait d’ailleurs en aucun cas refusée. Et dont je conviens volontiers qu’elle doive être facilitée. Car enfin, il faut cesser de considérer Genève comme un monde en soi, une sorte de Monaco-sur-Rhône qui ne serait pas totalement partie prenante avec une Confédération dont elle partage intimement le destin depuis 195 ans.

     

    Car ce même étranger, si bien intégré qu’il parviendrait aux portes de la Mairie, il serait actif dans la vie politique ou associative depuis des années. Et il n’aurait jamais songé, pendant tout ce temps, à demander le passeport suisse ? Il accepterait la seule citoyenneté municipale genevoise, totalement intriquée dans le système de références et de représentations de la Confédération suisse, et n’aspirerait qu’à celle-là, insulaire, hors sol ? Il faudrait juste lui recommander d’ouvrir une petite centaine de nos livres d’Histoire, il en est d’excellents, pour qu’il comprenne ce qu’est la Suisse, comment elle s’est lentement construite, comment Genève s’y est rattachée à la chute de l’Empire, à quel point d’innombrables valeurs suisses nous habitent.

     

    Il ne s’agit pas ici de compétences. Bien sûr qu’un étranger peut diriger la Ville de Genève aussi bien qu’un Suisse, pourquoi pas mieux, cela n’est pas en cause. Mais il s’agit de la dignité indivisible d’une appartenance. Il s’agit aussi de se demander ce qui peut se passer dans la tête d’une personnalité politique étrangère, à Genève, active des années sur le plan municipal, et que n’aurait jamais traversé l’idée d’embrasser un destin plus global, qui s’appelle l’aventure suisse. Il y a des moments, dans la vie, où il faut choisir son appartenance.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Gérard Deshusses et le pays de Canaan

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    Sur le vif - Vendredi 11.06.10 - 19.09h

     

    C’est un petit homme au regard vif, en politique depuis longtemps, prof de français ayant laissé d’excellents souvenirs à ses anciens élèves. Et là, que brigue-t-il ? La place de Dieu ! Il n’a pas froid aux yeux, Gérard Deshusses, lui qui n’a qu’un seul défaut.

     

    Car dans moins d’un an, Dieu s’en va. « Fatigué de porter ses misères hautaines », guidé par son destin (et, accessoirement, mais ne le dites pas trop fort, par cette saloperie de tournus qui vous oblige, putain de merde, à casser l’Eternité après douze ans seulement, alors que le regretté Louis XIV a régné 72 ans), Manuel Tornare (que mille vierges le bénissent) tournera l’immaculée splendeur de ses talons vers d’autres horizons. Et Deshusses, qui guettait, aimerait bien le remplacer, lui le Doux, à côté de l’Amère. Deshusses, oui, qui n’a qu’un seul défaut.

     

    Car il est cultivé, charmant, travailleur, respecte l’aigu lorsqu’il dit « débat », n’use de l’épicène que pour faire carrière, sait que le fond de l’homme est noir et violent, que la colère est sainte, le meurtre sublime. Et son esprit va vite. Tant de qualités, fourmillantes, primesautières, pour un seul défaut.

     

    Sur sa route pour l’investiture aux côtés de la Régente, il trouvera un bon docteur Moustache endormeur de méfiances, un sympathique prof de théâtre, et sans doute le pays de Canaan, laissé en déshérence par Dieu, au moment de son départ. En vérité je vous le dis, frères lecteurs, il est digne de les combattre. Lui le preux, le fulgurant. Lui, cultivé, lettré, qui n’a qu’un seul défaut. Le même que Dieu d’ailleurs : mais pourquoi donc est-il socialiste ?

     

    Pascal Décaillet