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  • Brumaire ? – Non! Seulement le MCG…


     

    Sur le vif - Samedi 06.12.08 - 19.25h

     

    Non, Monsieur le Président du Grand Conseil, les trois hommes que vous avez exclus de votre séance hier soir ne sont pas des enfants, comme vous venez de le déclarer avec un paternalisme papillon à Forums (ce soir, 18.05h), ce sont des élus du peuple. Turbulents peut-être, pas très bien élevés, plutôt saucisse foraine que tisane de salon, hâbleurs, bretteurs, grassouillets dans la pesée des syllabes, tout cela j’en conviens. Mais ce sont des élus.

     

    Le contrat qui les amène dans l’enceinte que vous présidez leur vient, comme le vôtre, comme celui de Monsieur Brunier, directement du suffrage universel. Les empêcher de siéger est sans doute possible (je ne doute pas que le règlement ait prévu la chose), mais ne doit être décrété que dans des circonstances d’une extrême gravité. Très franchement, étiez-vous, hier soir, dans ce cas de figure ? Le colonel Tejero avait-il fait son entrée dans le sanctuaire ? Quelques improbables grognards brumairiens commençaient-ils à poindre dans les Pas perdus ? Lucien Bonaparte s’apprêtait-il à vous neutraliser ?

     

    Quid, au juste ? L’un des députés MCG s’en prend de façon un peu virile, certes inélégante, à un confrère de gauche, ou à l’épouse de ce dernier. Le ton monte, le verbe devient braise. Et alors ? N’est-ce pas dans l’essence des parlements que de laisser une certaine latitude aux échanges un peu vifs ? Le passionné d’Histoire que vous êtes a-t-il lu les comptes-rendus des débats sous la Troisième République ? Sous Panama, l’Affaire Dreyfus, Stavisky ? Traiter Monsieur Beer de bonnet d’âne ? La belle affaire ! Toute la presse genevoise, la veille encore, filait et dévidait l’animale métaphore, presque naturelle en cette période de l’Avent.

     

    Monsieur Leyvraz, le chef de file historique de votre parti, Christoph Blocher (que vous admirez), n’est-il pas précisément l’homme qui a su réhabiliter, quitte à se faire haïr, une certaine verdeur dans la prise de parole publique, un discours affectif et imagé, blessant par ci, lacérant par là, transperçant de flèches parfois. L’avez-vous déjà entendu, en zurichois, à L’Albisguetli ? MM Stauffer, Golay et Rappaz, en comparaison, c’est encore Madame de Sévigné, ou la Carte du Tendre, l’amour courtois, les génuflexions rosacées devant l’être aimé.

     

    Et puis quoi ? Un parlement doit-il n’être que pesées de laboratoires, rapports de minorité, motions d’ordre, juristeries consensuelles ? Où est-il écrit qu’il faille y parler dans le seul dessein d’y faire bailler aux corneilles ? Le monde de M. Stauffer et celui de M. Brunier sont, bel et bien, aux antipodes. Pourquoi cet antagonisme ne se traduirait-il pas par quelques éclats de voix, des attaques, des piques, des éclairs et des coups de tonnerre ? Imaginer qu’un texte lu dans l’enceinte ait pu être écrit par un autre, cela, franchement, relève-t-il du renvoi de séance ? A cette question, je réponds non.

     

    Vous avez eu, hier soir, Monsieur Leyvrat, la main trop lourde dans la sanction. Puissiez-vous au moins, par cohérence, appliquer le règlement avec la même rigueur lorsque les écarts viendront des partis des notables. Gauche caviar ou droite cassoulet, gauche Brunier ou centre dodu, plus assis que nos forains et nos mauvais garçons, davantage dans le système, champions toutes catégories dans l’art de se tenir par la barbichette sans esquisser le moindre rictus. Ah, les braves gens !

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Une question de style, vraiment ?

     

     

      Un style qui ne passe pas, incompatible avec nos institutions, avec l’esprit suisse. C’était, il y a un an, l’argument-choc des opposants à la réélection de Christoph Blocher. L’homme se comportait mal, avait été très méchant avec les juges, ne respectait pas la séparation des pouvoirs, et c’était pour tout cela que, malgré les 29% de voix aux élections, on l’éjectait. Dont acte. Une question de style, nous disait-on.

      Un an après, voici le ticket Blocher-Maurer. Et le chœur des âmes, les mêmes, pour commencer à trouver que Maurer non plus, ça ne va pas. Ce deuxième candidat, pourtant, cet alter ego en forme de Canada Dry, ne s’est pas particulièrement frotté au Tribunal fédéral, ni au procureur de la Confédération, n’a jamais squatté d’autre charge que celles où les urnes – ou les instances de son parti  - l’avaient porté. Une vie plus calme que celle de son chef historique, moins aventureuse, moins de risques, moins de folie, un peu moins d’indifférence à la férocité des haines. Dans Marivaux, là où on échange les masques, l’un aurait été le maître, l’autre le valet.

      Ueli Maurer : des envolées moins tribunitiennes que son mentor, voix moins grave, verbe moins éclatant, menton moins saillant, rire moins sardonique. Un peu moins à l’aise dans les ronds de sciure des luttes à la culotte, les cantines de fêtes fédérales, ou dans les fiévreuses délices de l’Alpe, où s’encornent passionnément les bestiaux. Maurer, c’est l’homme d’une époque moins épique. Après le temps des héros, celui des hommes.

      Mais même cet homme-là, il paraît qu’on n’en veut pas. On voudrait un UDC moins dur. On voudrait un UDC moins opposé à l’Europe : s’il avait la délicatesse (malgré le vote écrasant de son parti, samedi, à Dietikon), de voter oui aux bilatérales le 8 février 2009, voilà qui étofferait avantageusement son dossier. On voudrait un UDC au verbe moins champêtre, rude affaire pour ce pauvre M. Maurer, qui n’est que paysan.

      On voudrait un UDC plus présentable dans les salons, mocassins cirés, costume trois pièces, montre au gilet. On voudrait un UDC sensible au climat, et pas seulement pour protéger ses têtes de bétail. Un UDC Kyoto. Et comme M. Maurer, ce préhistorique UDC né du monstre comme dans la plus archaïque des théogonies, n’arrive désespérément pas à convenir à ces exigences, on prépare déjà un ersatz de l’ersatz. Qui pourrait s’appeler Urs Schwaller. Ah, comme tout serait plus simple si la politique n’était confiée qu’à des notaires et des notables, entre soi cooptés, sans ces détestables signaux, tous les quatre ans, de cet intrus qui s’appelle le peuple.

     

    Pascal Décaillet