Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.02.25
La robotisation ? Mais nous y sommes déjà, en plein ! Seuls, face à nos écrans. Seuls pour accéder à un journal, version électronique, auquel nous sommes abonnés. Seuls pour nos opérations bancaires. Seuls pour en découdre avec nos assurances maladie. Seuls face aux impôts. Seuls face aux services de l’Etat. Seuls avec nos codes, les codes pour accéder à nos codes, les codes pour modifier nos codes. Il faut non seulement un ordinateur, mais impérativement un téléphone portable, pour les messages de confirmation. Seuls dans ce triptyque, le grand écran de l’ordi, le petit du téléphone, et nous, dans l’ordre robotisé de notre solitude.
Prenez la version électronique d’un journal. Il faut un code pour le lire sur l’ordinateur, mais ça ne suffit pas, il faut en plus un téléphone portable, pour recevoir le code de confirmation, qui faut reporter sur le premier écran. Tout ça, pour quoi ? Pour accéder à la lecture d’un journal ! Dont vous payez régulièrement l’abonnement ! Et si vous perdez votre téléphone ? Et si votre ordi tombe en panne ? Plus rien ! A poil ! Perdus, dans un monde qui vous aura exclu de ses réseaux de communication, faute d’outils nécessaires. Il vous restera l’air pour respirer, l’eau, le pain, le vin, la beauté du monde. Certes. Mais l’être humain est un animal social, il a besoin de communiquer, il n’a pas besoin de tous ces barrages dressés par une modernité qui, soudain, se retourne contre lui, lui complique la vie à l’extrême, l’angoisse. La vie mérite mieux que ça, non ?
Notre société, nos politiques, ont un impératif devoir. Simplifier la vie des gens. Simplifier l’administration. Simplifier les rapports avec les grands corps de l’Etat. Réinstaller, de toute urgence, des permanences téléphoniques, avec, au bout du fil, des personnes humaines, parlant à d’autres humains. Et pas après un quart d’heure d’attente, musique de merde à n’en plus finir, si au moins on nous balançait les derniers Quatuors de Beethoven ! Nos politiques doivent légiférer. Imposer cette présence humaine à toute autorité administrative, bancaire, à la Poste, à Swisscom, aux CFF, aux Caisses d’assurance maladie. Cesser de faire de nous des personnages de telles nouvelles noires de Kafka, perdus face à la puissance de la machine. Si le politique sert à quelque chose, c’est à cette œuvre d’affranchissement qu’il doit se consacrer.
Et les associations de consommateurs, face à ce scandale, elles foutent quoi ? Elles s’intéressent encore à la vraie vie des gens ? A la solitude des personnes âgées, complètement paumées, pour tant d’entre elles, face à cette complexification des actes de leur vie quotidienne ? On a peut-être autre chose à faire, dans l’hiver de son âge, après avoir bossé toute sa vie, contribué à façonner la prospérité du pays, que devenir cinglés face à une armada de codes de confirmation, et jamais un numéro à appeler, et si jamais on en trouve un, se taper un quart d’heure de musique mielleuse. On en a marre ! Le politique, de toute urgence, doit se saisir de ce scandale. Et simplifier la vie des gens.
Pascal Décaillet