Commentaire publié dans GHI - Mercredi 13.11.24
Notre petite Suisse, pays souverain au cœur de l’Europe, est entourée de voisins qui, en comparaison, sont des géants. Il y a la France, pays que nous aimons, mais qui est en plein déclin d’influence. Sa dette hallucinante la plombe. Ses industries ont été délocalisées. Sa puissance stratégique, anéantie il y a 84 ans, puis ressuscitée par des rêves et des chimères, n’est plus déterminante. Il y a l’Italie, que nous aimons tant. Et puis, autrement importante dans l’échiquier du continent, il y a l’Allemagne. Première puissance économique d’Europe, quatrième du monde. L’Allemagne, réduite en cendres par la Guerre de Trente Ans (1618-1648), ayant végété jusqu’au très grand roi de Prusse Frédéric II (1740-1786), puis bâti patiemment une exceptionnelle puissance industrielle, grâce au charbon, à la sidérurgie, à la métallurgie, c’est le pays qui ne cesse, depuis la seconde partie du dix-huitième siècle, de progresser en Europe. A nouveau détruite totalement en 1945 ? Oui, mais immédiatement prête à se reconstruire ! Elle l’a fait, à l’Est comme à l’Ouest, en un temps record. Les énergies étaient déjà là. C’étaient les mêmes, vous comprenez ? Les mêmes ! Les Alliés ont détruit les villes allemandes, pas le moral des Allemands.
L’Allemagne, aujourd’hui, donne des signes de fatigue. Ils sont passagers, mais bien réels. Baisse de productivité industrielle, effondrement de l’industrie automobile, à commencer par son fleuron, Volkswagen, symbole de la vitalité allemande depuis les années trente. Mais aussi, crise politique, avec l’échec de la coalition « Ampel » (rouge, vert, orange), ce bric et ce broc incluant des partis trop différents, juste alliés pour tenter d’enrayer l’ascension de l’AfD. Incapacité d’Olaf Scholz, Chancelier social-démocrate, ce grand parti qui avait été celui de Willy Brandt, à s’affirmer. Une ministre des Affaires étrangères incompétente, idéologue, en réalité vassale des Américains dans l’affaire ukrainienne. Bref, une passe difficile. Mais ne vous faites aucun souci : l’Allemagne s’en relèvera. Se relever, elle n’a fait que cela, toute son existence, depuis au moins 1648 : « Auferstanden aus Ruinen, und der Zukunft zugewandt », premiers mots de l’hymne de la DDR, « Ressuscités des ruines, et tournés vers l’avenir », ces sept mots résument toute la continuité du destin allemand. Mourir, pour renaître.
Nous, Suisses, ferions bien de nous intéresser de très près à l’Allemagne. Elle est notre premier partenaire économique et commercial, cela en continuité depuis le dix-neuvième, tous régimes confondus, je dis bien tous. Elle a une structure politique décentralisée, très proche de la nôtre, alors que nos amis français sont sur une autre galaxie, jacobine et autoritaire. Elle va jouer un rôle absolument capital dans l’Europe en devenir. Économiquement, stratégiquement, culturellement, elle va s’accentuer comme le pays qui compte en Europe. Nul, en Suisse, n’a intérêt à un déclin économique de l’Allemagne. L’Allemagne, c’est notre voisin. L’Allemagne, c’est nous.
Pascal Décaillet