Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.10.24
Radicalisme oui, libéralisme non. Les plus avisés d’entre vous ont pu se rendre compte que c’était là ma position. Non pour appartenir à un quelconque parti, cela ne m’intéresse pas, mais pour tenter de résumer près d’un demi-siècle de passion politique. Oh, naguère, à l’époque d’un Olivier Reverdin, qui fut mon professeur de grec, et du Journal de Genève, où j’ai fait mes premières années comme journaliste, existait sous nos latitudes un libéralisme de haut niveau, qui pouvait se réclamer d’un Benjamin Constant, ou d’un Tocqueville. Mais ce vent mauvais, détestable, qui souffle sur notre Europe continentale depuis la chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989), et ce prétendu « triomphe du capitalisme », qui ne laisserait le champ à nulle alternative ! Oui, ce libéralisme ultra, exclusivement financier, mondialiste, déraciné des nations, je le combats depuis le début. Depuis 1989.
Oh, bien sûr, il reste quelques admirables défenseurs du libéralisme philosophique, responsable, à commencer par l’excellent conseiller national Cyril Aellen, mais la masse des ultras est majoritaire. Elle a souillé le libéralisme, elle n’en a retenu que l’aspiration au profit immédiat, elle en a oublié la dimension de responsabilité individuelle, de libre-arbitre (Freisinn), de défense des grandes valeurs de la Raison dialectique (Vernunft). Surtout, elle a laissé au vestiaire, avec une vulgarité sans pareil, l’essentiel du champ où doit, depuis la Révolution française, s’exercer la politique : l’Etat.
Les radicaux, eux, n’ont jamais oublié l’Etat. Les Fazy à Genève, les Druey en Pays de Vaud, les Barman en Valais, ont articulé toute leur action politique autour de l’Etat. Oh, surtout pas l’Etat tentaculaire des socialistes, avec des cohortes de fonctionnaires. Non, l’Etat fort, solide, efficace là où il doit l’être, économe de son propre fonctionnement, rigoureux à l’extrême dans la gestion des derniers publics. En écrivant ces lignes, je pense très fort à l’homme qui a le plus marqué mes quarante ans de journalisme, et que j’ai eu la chance de fréquenter dans mes années bernoises : Jean-Pascal Delamuraz. Il avait, puissamment, le sens de l’Etat.
Entre radicaux et libéraux, je veux dire les libéraux tels qu’ils ont tourné depuis plus de trois décennies, nulle fusion n’est possible. Dès lors, à Genève par exemple, ne nous étonnons pas de voir des radicaux émigrer sous d’autres bannières, moins prestigieuses que le PLR, mais plus adaptées, selon eux, à leurs exigences politiques. Si vous observez attentivement la vie des Communes, vous saisirez le phénomène. Le radicalisme, le grand mouvement historique qui a fait la Suisse moderne, est d’essence populaire, « cassoulet » disait même Pascal Couchepin. Il est tissé de petits entrepreneurs, d’indépendants, de commerçants, qui sont assurément pour la liberté d’entreprendre, c’est même leur raison de vivre. Mais qui inscrivent leur horizon d’attente dans la quête d’un Etat fort. Et non dans la primauté des actionnaires sur les forces de production. Ai-je été assez clair ?
Pascal Décaillet