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  • Retour de l'Etat

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.10.24

     

    Un domaine, plus que tout autre, illustre le retour galopant des Suisses au besoin d’Etat : la santé. Jeudi 26 septembre, c’était la traditionnelle ritournelle, désespérante, des hausses de primes. Jamais, depuis la création de la Loi sur l’assurance maladie (LAMal), au milieu des années 1990, le système suisse des soins n’a coûté aussi cher. L’envolée constante des primes n’est que le reflet de ce phénomène, c’est à lui qu’il faut s’en prendre.

     

    J’ai suivi à l’époque, au Parlement fédéral, les travaux ayant donné naissance à la LAMal. Déjà, je dénonçais un paradoxe qui apparaissait comme un péché originel : d’un côté on voulait une assurance obligatoire, ce qui est très bien, et de l’autre il fallait que chaque Suisse s’affilie à une Caisse en concurrence féroce avec les autres. D’un côté, l’intérêt commun. De l’’autre, ce fameux libéralisme sauvage qui fait tant de mal, depuis plus de trois décennies.

     

    Dire que ce système est un échec relève de l’euphémisme. Laisser-aller, absence de transparence, course au profit, le résultat est catastrophique. Nous devons maintenant, à Genève comme en Suisse, prendre au sérieux les modèles collectifs, où l’Etat ait son rôle à jouer. Je ne prône pas ici le travaillisme britannique de l’immédiat après-guerre. Mais une chose est certaine : la page du libéralisme déraciné doit être, sans attendre, tournée.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Radicalisme oui, libéralisme non !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.10.24

     

    Radicalisme oui, libéralisme non. Les plus avisés d’entre vous ont pu se rendre compte que c’était là ma position. Non pour appartenir à un quelconque parti, cela ne m’intéresse pas, mais pour tenter de résumer près d’un demi-siècle de passion politique. Oh, naguère, à l’époque d’un Olivier Reverdin, qui fut mon professeur de grec, et du Journal de Genève, où j’ai fait mes premières années comme journaliste, existait sous nos latitudes un libéralisme de haut niveau, qui pouvait se réclamer d’un Benjamin Constant, ou d’un Tocqueville. Mais ce vent mauvais, détestable, qui souffle sur notre Europe continentale depuis la chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989), et ce prétendu « triomphe du capitalisme », qui ne laisserait le champ à nulle alternative ! Oui, ce libéralisme ultra, exclusivement financier, mondialiste, déraciné des nations, je le combats depuis le début. Depuis 1989.

     

    Oh, bien sûr, il reste quelques admirables défenseurs du libéralisme philosophique, responsable, à commencer par l’excellent conseiller national Cyril Aellen, mais la masse des ultras est majoritaire. Elle a souillé le libéralisme, elle n’en a retenu que l’aspiration au profit immédiat, elle en a oublié la dimension de responsabilité individuelle, de libre-arbitre (Freisinn), de défense des grandes valeurs de la Raison dialectique (Vernunft). Surtout, elle a laissé au vestiaire, avec une vulgarité sans pareil, l’essentiel du champ où doit, depuis la Révolution française, s’exercer la politique : l’Etat.

     

    Les radicaux, eux, n’ont jamais oublié l’Etat. Les Fazy à Genève, les Druey en Pays de Vaud, les Barman en Valais, ont articulé toute leur action politique autour de l’Etat. Oh, surtout pas l’Etat tentaculaire des socialistes, avec des cohortes de fonctionnaires. Non, l’Etat fort, solide, efficace là où il doit l’être, économe de son propre fonctionnement, rigoureux à l’extrême dans la gestion des derniers publics. En écrivant ces lignes, je pense très fort à l’homme qui a le plus marqué mes quarante ans de journalisme, et que j’ai eu la chance de fréquenter dans mes années bernoises : Jean-Pascal Delamuraz. Il avait, puissamment, le sens de l’Etat.

     

    Entre radicaux et libéraux, je veux dire les libéraux tels qu’ils ont tourné depuis plus de trois décennies, nulle fusion n’est possible. Dès lors, à Genève par exemple, ne nous étonnons pas de voir des radicaux émigrer sous d’autres bannières, moins prestigieuses que le PLR, mais plus adaptées, selon eux, à leurs exigences politiques. Si vous observez attentivement la vie des Communes, vous saisirez le phénomène. Le radicalisme, le grand mouvement historique qui a fait la Suisse moderne, est d’essence populaire, « cassoulet » disait même Pascal Couchepin. Il est tissé de petits entrepreneurs, d’indépendants, de commerçants, qui sont assurément pour la liberté d’entreprendre, c’est même leur raison de vivre. Mais qui inscrivent leur horizon d’attente dans la quête d’un Etat fort. Et non dans la primauté des actionnaires sur les forces de production. Ai-je été assez clair ?

     

    Pascal Décaillet

  • Michel Barnier : exigence et clarté, face aux gueulards

     
     
    Sur le vif - Mardi 01.10.24 - 15.22h
     
     
    Un homme qui cite Charles de Gaulle et Pierre Mendès France, les deux plus grandes figures de la politique française au vingtième siècle, dans les vingt premières de son Discours de politique générale, ne peut que recevoir la confirmation de mon estime, déjà exprimée ici à plusieurs reprises.
     
    Oui, Michel Barnier est l'homme de la situation. Face à la vulgarité des beuglements des députés LFI, il demeure parfaitement calme. Il est cet homme d'un autre temps, pondéré, maître de lui, courtois avec une représentation nationale qui, au Palais-Bourbon, est chez elle.
     
    Elle est chez elle, c'est sûr, mais une partie des élus, celle que j'ai citée, se comporte comme dans la rue. Ces gens-là ont le droit de défendre leurs idées, même férocement. Mais par leur comportement de meute, ayant décidé avant même la séance de se farcir le nouveau Premier-ministre, ils s'ostracisent eux-mêmes. C'est leur heure de gloire, celle des éternels gueulards, factieux à souhait, ces mêmes qui, tout l'été, exigeaient Matignon, et faisaient défiler dans la France, comme une marraine de Comices agricoles, leur candidate autoproclamée, alors que le Président est souverain pour le choix du Premier ministre.
     
    En écrivant ces lignes, j'entends les propositions, notamment budgétaires, de M. Barnier. Mais j'entends surtout la parfaite clarté de sa voix, l'exigence de vérité, la volonté de passer avec la France un contrat de confiance. Alors oui, je pense au plus courageux Discours de politique générale tenu dans l'après-guerre : celui du 18 juin 1954, en pleine déroute des troupes françaises en Indochine. L'homme qui le prononçait avait tracé un chemin de rigueur et de clarté. Il s'était donné un mois pour résoudre la question indochinoise. Un mois plus tard, jour pour jour, à Genève, il avait tenu parole. Ce Président du Conseil, le seul homme d'Etat de la Quatrième République, s'appelait Pierre Mendès France.
     
     
    Pascal Décaillet