Sur le vif - Vendredi 12.01.24 - 10.45h
Depuis des décennies, je vous parle de l'Allemagne, le pays d'Europe que je connais le mieux, et où j'ai passé le plus de temps, depuis l'enfance. Je connais à fond toutes les Allemagnes. Il n'est aucun Land où je n'aie séjourné, parfois longuement. Avec une prédilection pour la partie orientale de ce pays, cette ex-DDR qui, pour toutes sortes de raisons, très personnelles autant qu'affectives ou intellectuelles, littéraires aussi, accompagne ma vie depuis toujours.
J'ai entrepris de rédiger une Histoire de l'Allemagne en 144 épisodes, de 1522 (traduction de la Bible en allemand par Luther, acte fondateur de la langue allemande moderne) à nos jours. Sur les 144 prévus, 36 épisodes sont déjà publiés. J'ai choisi une démarche non-chronologique, tant mon esprit, constamment préoccupé d'Histoire allemande, fait le lien entre les éléments apparemment les plus disparates, mais il est évident que, le jour où je réunirai le tout, je rétablirai l'ordre des années. Je ne me suis donné aucune limite de temps, c'est une oeuvre qui accompagne ma vie, mais croyez-moi, je la conduirai à terme. J'ai besoin de plusieurs années, encore.
Mes passions : l'Histoire politique, bien sûr, elle est complexe, plurielle, exige patience et immersion. Mais tout autant, l'Histoire littéraire, poétique. Plus encore, l'Histoire de la langue allemande, de Martin Luther à Bertolt Brecht (ou Heiner Müller), en passant par les géniaux Frères Grimm, auxquels j'ai déjà consacré une étude. Plus que tout, l'Histoire musicale, celle qui m'occupe et me fascine le plus, l'évolution des langages et des instruments dans la musique allemande (ou autrichienne), les liens de cette musique avec les textes, les grands couples que sont Richard Strauss et Hugo von Hofmannsthal, Wedekind et Alban Berg, Brecht et Kurt Weill.
Et puis l'Histoire industrielle, c'est lié à mon père, avec qui, enfant, je visitais des usines. L'Histoire de la Ville allemande, son invention au Moyen Âge, sa destruction totale en 1648, puis à nouveau en 1945. Je passe mon temps, sur un réseau, à étudier des dizaines de milliers de photos de villes allemandes, depuis la fin du 19ème jusqu'à aujourd'hui, en passant par le grand anéantissement de 1945.
Toute cette démarche m'accompagne. C'est une vie en soi, à l'intérieur de ma vie. Et peut-être, au fond, est-ce l'essentiel de ma vie elle-même : celle qui exige patience et recherche, nuances, chemin vers la complexité, chemin vers la langue, chemin vers la musique.
Mais comme le dit mon ami Jean-François Duchosal, la vie est un chemin. Et mes décennies d'études sur les Allemagnes sont sans doute, au sens où l'entend Franz Liszt, mes Années de Pèlerinage.
Pascal Décaillet