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L'Allemagne en récession : la nouvelle la plus importante de l'année

 
Sur le vif - Jeudi 25.05.23 - 13.00h
 
 
L'Allemagne entre officiellement en récession. C'est la nouvelle du jour, et la nouvelle la plus importante de l'année, pour qui sait lire les mouvements tectoniques des structures lourdes, plutôt qu'aller chaque fois s'écraser, comme un éphémère, sur le premier appel de phares des sujets à la mode, sociétaux, anecdotiques, sans intérêt pour le destin collectif.
 
L'Allemagne. Quatrième puissance économique du monde. Un destin époustouflant, depuis qu'il a été relancé, entre 1740 et 1786, par l'immense Frédéric II de Prusse, l'homme qui a relevé l'idée allemande en Europe, un siècle après la destruction totale de la Guerre de Trente Ans (1618-1648). Lire Simplicius Simplicissimus, de Hans Jakob Christoffel von Grimmelshausen (1668), un roman terrible, sous ses apparences picaresques. L'Année Zéro des Allemagnes, trois siècles avant 1945, et là, sans Plan Marshall pour aider à la reconstruction. Oui, la seconde partie du 17ème siècle allemand, et le début du 18ème encore, furent épouvantables, pourquoi les profs d'Histoire n'enseignent jamais cela ?
 
L'Allemagne. Une vitalité économique, et Dieu merci encore industrielle, sans comparaison en Europe. Ces usines allemandes, il faut aller les voir, les visiter. Depuis la Révolution industrielle, elles ont fait l'Allemagne moderne, le charbon, l'acier, la houille, l'aluminium, la métallurgie, la chimie, l'industrie automobile.
 
L'Allemagne. Notre premier partenaire commercial, depuis toujours. Quels que soient les régimes en Allemagne, la Suisse DOIT maintenir des relations étroites, il en va de sa propre survie.
 
L'Allemagne, en récession. Depuis la République de Weimar, le mot terrorise les Allemands. Leurs grands-parents ont connu l'extrême pauvreté, voire la misère, c'était dans deux périodes bien précises comprises entre 1919 et 1933. La récession, l'inflation, sont des hantises pour l'inconscient collectif allemand.
 
Bien sûr, nous n'en sommes pas là, de loin pas ! Mais je vous recommande à tous d'aller visiter les Allemagnes, je le fais moi-même tous les ans. Allez, par exemple, dans les Länder de l'ex-DDR, la Thuringe, la Saxe, la Saxe-Anhalt, le Brandebourg, le Mecklenburg-Vorpommern. Vous y découvrirez très vite, en plus de richesses culturelles incomparables, une réalité sociale infiniment plus modeste, pour l'écrasante majorité des habitants, que l'image d'opulence que nous avons de l'Allemagne. La récession, l'inflation, ce sont ces Allemands-là qui vont en souffrir le plus. Un jour ou l'autre, ce ne sera pas sans conséquences politiques.
 
Ces strates-là de la population, il n'est pas certain que les dépenses colossales consenties par le pouvoir, sous pression américaine, pour soutenir un bellicisme importé de Washington, les enchantent particulièrement. Seulement, il ne faut pas en parler, c'est tabou. Tout ce qui touche au parapluie atlantiste est tabou. Tout ce qui touche au rôle des Américains, depuis 1945, sur sol allemand, est tabou.
 
Mais les tabous, comme les humains, naissent, vivent, et un jour meurent. Il faut envisager ce qui leur succédera. Pour cela, fuir tout conformisme, surtout dans l'ordre de l'inféodation aux Américains. Et, nourris des profondeurs exceptionnelles de l'Histoire allemande, être capable mentalement d'imaginer d'autres scénarios, d'autres avenirs, pour ce pays fascinant sur le continent européen. Le pays de Luther et de Beethoven. Le pays de Brahms et de Wagner. Le pays de Brecht. Le pays de Thomas Mann. Le pays de la langue en fusion, dans sa diversité dialectale. Le pays où la puissance de la musique précède jusqu'à l'idée même de l'existence.
 
 
Pascal Décaillet

Commentaires

  • En plus de Simplicissimus, ou en parallèle, il vaut la peine de lire La guerre de Trente Ans, de Henry Bogdan. Un livre parmi d'autres sur la guerre de Trente Ans. Très instructif sur les virements et revirements qui surviennent lorsque les plaques tectoniques de l'histoire redeviennent mouvantes, et que les intérêts de soutenir une cause (ou pas) varient au fil du temps. Les acteurs étatiques (nationaux et régionaux) de cette guerre existent encore aujourd'hui. Et le Saint Empire aussi (pas encore, mais de nouveau).

  • Et comme par hasard, nous lisons aujourd'hui, dans la NZZ, une réflexion sur un possible Bayxit - une vélléité indépendantiste de la Bavière, le Freistaat étant de moins en moins représenté au niveau fédéral, et qui a l'impression de payer pour les autres.

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