Sur le vif - Mardi 20.09.22 - 15.19h
Depuis l'adolescence, je défends la nation. Je ne l'idéalise pas. Je ne la déifie pas. Je ne réclame pour elle ni culte, ni liturgie. J'exprime, avec les outils de la raison, ce qui m'amène, lecteur de Michelet, Péguy, Barrès, Maurras, Emmanuel Mounier, Fichte, à placer l'idée nationale au centre de ma réflexion politique.
Il ne s'agit pas d'organiser des cortèges avec des flambeaux : j'ai dit, nulle liturgie. Ni d'exprimer - cela serait contraire à toutes mes valeurs - une quelconque préférence dans l'ordre de l'ethnie, ou d'une quelconque appartenance communautaire. Non, la nation, c'est justement ce qui dépasse cela.
Il ne s'agit pas, non plus, d'abreuver nos sillons. Je suis citoyen suisse, d'origine valaisanne aussi loin que remontent mes arbres généalogiques, paternels et maternels, je vis à Genève où je me sens fort bien, je suis donc suisse depuis 207 ans, et auparavant, avant 1815, j'aurais été, tout simplement, Valaisan. Cette ascendance, la profonde conscience que j'en ai, ne m'incline, croyez-moi, à aucun sentiment belliciste, aucune espèce de rejet, aucune envie de prendre les armes, si ce n'est pour défendre notre Suisse.
Mais je crois en la nation. Mes sources, vous les connaissez. La France révolutionnaire, celle des Soldats de l'An II, pas celle de la Terreur. L'Allemagne des années 1770 à 1820, Sturm und Drang, débuts du Romantisme, découverte et réinterprétation des textes grecs, naissance de l'idée de nation chez le philosophe Fichte, avec ses conférences en plein Berlin occupé par les Français (décembre 1807), Discours à la Nation allemande, redécouverte des mots allemands par les Frères Grimm. J'ai beaucoup écrit sur tout cela, s'il vous arrive de me lire : c'est la période de l'Histoire allemande qui m'occupe le plus.
Je dis que l'idée nationale est moderne. Partout en Europe, elle revient. Les peuples retrouvent le besoin de s'inscrire dans un périmètre, un horizon d'attente, intellectuel et spirituel, linguistique aussi, une communauté de mémoire, un rapport avec les ancêtres, les oeuvres, les écrits, les musiques. La nation, loin de se résumer à des défilés militaires (ça, c'est l'image caricaturale que cherchent à donner ses ennemis), c'est une commune macération de tout cela. C'est lent, c'est puissant, c'est prenant, ça vient d'en bas, ça surgit des racines, de la terre, ça n'a rien de céleste, rien d’intellectuel, rien de démonstratif, rien de la perfection d'une Horlogerie, la grande chimère des Lumières. La nation est fille aînée de l'instinct.
Partout, l'idée nationale revient. En France. En Italie (prochain test grandeur nature, ce dimanche 25 septembre). Dans les pays d'Europe centrale et orientale. Contrairement à ce que vous radotent les libéraux-libertaires, ou les dogmatique de gauche, ce ne sont pas les années trente qui reviennent. D'ailleurs, rien ne revient. L'idée nationale est moderne. Tournée vers l'avenir.
La nation inventera, dans les différents pays, en fonction du génie propre de chacun, de son Histoire, de sa relation aux grands mythes, aux récits, des solutions pour affronter les défis de demain. Elle étonnera par sa capacité inventive, son courage à défendre les petits contre les géants, son audace à ne pas se décoiffer, ni s'incliner, devant le premier émissaire du pouvoir mondialisé, celui qui nivelle, celui qui rabaisse, celui qui corrompt, celui qui humilie les peuples.
La nation est moderne. Elle rassemble, à l'intérieur d'un périmètre. Face aux ogres de puissance, face au pouvoir de l'Argent spéculé, elle fixe des limites. Elle définit son espace de liberté. Elle est une piste d’affranchissement, pour nos sociétés humaines.
Pascal Décaillet