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Ces libéraux qui vont tuer la droite

 

Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.09.22

 

Le marché, le marché, le marché. L’incantation, dès le début années 1990, il y a trente ans donc, des ultra-libéraux. Cette petite coterie d’inspiration anglo-saxonne, ne jurant que par la réussite individuelle, le pouvoir de l’argent, la primauté de la finance sur l’économie, la jouissance ludique de la spéculation boursière. D’inspiration reaganienne, thatchérienne, allant puiser dans les moins avouables pulsions de ces deux traditions, ces petits marquis, à la fois libertaires et boursicoteurs, se sont mis, il y a trente ans, à nous faire la leçon. Ignares de l’Histoire, de sa dimension tragique, ils considéraient la chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989) comme l’ouverture d’une nouvelle ère, la fin de l’Histoire justement, le triomphe du capitalisme dans sa pire version, qui n'est certainement pas rhénane, mais londonienne ou new-yorkaise. Eux-mêmes se définissaient comme cosmopolites, citoyens du monde, dégagés des racines nationales, libérés des patries.

 

Aujourd’hui, la chansonnette de ces quelques drôles s’est certes un peu atténuée, tant ils ont accumulé les défaites, la crise de 2008 au premier rang d’entre elles. Mais tout de même, certains d’entre eux sont encore parmi nous. Je n’incrimine pas ici le libéralisme suisse romand, qui a donné aux Cantons de Genève, Vaud et Neuchâtel de grandes figures, comme mon ancien professeur Olivier Reverdin. Nous avons, à Genève, avec des gens comme Cyril Aellen, Bertrand Reich, et plein d’autres, des libéraux cultivés, humanistes, pétris des grandes valeurs qui ont forgé nos sociétés d’Europe continentale. La Réforme n’est pas la moindre. Ni la pensée des Lumières, avec ce qu’elle charrie de responsabilité individuelle, et de réflexion personnelle sur le monde. Non, bien sûr, je parle, dans ma charge, des ultras, les déracinés, les incultes, les anti-Etat par principe, les tétanisés du profit facile, immédiat.

 

Car ces zigomars, si le reste de la droite les laisse faire, vont finir par la tuer. Le champ de leurs dégâts, en trois décennies, est considérable. La gauche, en face, a profité de réduire à leurs seuls excès l’image même de toute la droite. Elle a piraté le monopole du discours sur l’Etat, la solidarité. Et l’UDC, de l’autre côté, a capté pour elle le monopole des thèmes de la patrie, la nation, la souveraineté, l’indépendance. Le parti radical, le grand parti qui a fait la Suisse moderne, a collé le mot « libéral » à son blason, il n’est pas sûr qu’il en sorte gagnant. Car les ultras, les surexcités de la privatisation, ont tout dévasté sur leur passage. Ils ont ruiné l’image de la droite suisse. Ils ont fait oublier à quel point cette dernière était plurielle, passionnante, souvent très attachée à l’Etat, au service public, à la patrie, à la souveraineté de notre pays. La seule chose qu’on a vu à droite, pendant trente ans, c’était les cinglés du marché. Jusqu’à Berne, ils ont fait des dégâts. Il appartient aujourd’hui à la droite suisse de faire le ménage dans ses rangs, rétablir le sens de l’Etat, la primauté du politique. Sinon, c’est la droite elle-même qui disparaîtra.

 

Pascal Décaillet

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