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Aldo Ciccolini : l'éternité d'un passeur

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Dimanche 01.02.15 - 18.28h

 

La musique : « C’est un jeu supérieur, qui met en mouvement tout ce que nous sommes », confiait le 15 septembre dernier Aldo Ciccolini à un intervieweur inattendu dans ce rôle, le jeune pianiste et chef d’orchestre Ayrton Desimpalaere. L’interviewé, juste avant un concert en Belgique, avait 89 ans, le poseur de questions en avait soixante-cinq de moins. Saisissant moment, ces seize minutes d’entretien, où l’un des plus grands pianistes du vingtième siècle nous murmure d’une voix courte, essoufflée, saccadée, quelques paroles essentielles sur l’intimité du lien qu’il entretient avec son art.

 

La chaîne Mezzo, ce soir, déprogrammera-t-elle La Symphonie fantastique de Berlioz pour une soirée d’hommage à Ciccolini ? Mezzo, qui a tant fait pour porter à nous les concerts de « l’homme en blanc », souvent dans le répertoire romantique du dix-neuvième, auquel il serait pourtant bien imprudent de le confiner. Né à Naples le Jour de l’Assomption, 15 août 1925, mort ce matin à Asnières-sur-Seine, Ciccolini n’aura vécu, de l’aube de son enfance jusqu’à son ultime souffle, que pour la musique. « Sans elle, je ne conçois pas la vie », lâche-t-il dans le même entretien. Il grandit dans l’Italie fasciste, la quitte dès l’après-guerre pour la France, accumule les prix, devient professeur au Conservatoire à l’âge de 22 ans. Trois ans plus tard commence sa carrière internationale, à New York.

 

Je ne m’étendrai pas ici sur l’étendue des auteurs dont il ne se voulait que le « passeur ». Soulignons bien sûr tout ce qu’il a entrepris pour la musique française, à commencer par Erik Satie, mais aussi Debussy, Ravel, Saint-Saëns, et tant d’autres moins connus. « La partition, je l’étudie des mois » avant le concert. A 89 ans, il déclarait simplement travailler « plus en profondeur » que dans sa jeunesse. Ainsi était « l’homme en blanc » des soirées de Mezzo, illuminant nos vies, de l’intégrale des sonates de Beethoven à Liszt (Années de Pèlerinage, interprétation inoubliable) ou Massenet, en passant par Albeniz, Schumann, Chopin ou Grieg.

 

Né dans une famille musicale, Ciccolini avait promis à son père de consacrer sa vie à la musique. Il l’a fait, au-delà de toute espérance, avec une qualité d’âme, une virtuosité difficilement comparables. Il nous reste son œuvre discographique, de nombreux concerts filmés. Mercredi dernier encore, le regardant sur Mezzo, je recommandais à un ami d’en faire autant. J’ignorais que j’aurais, quatre jours plus tard, l’occasion d’en reparler. Ce soir, seule demeure l’intensité silencieuse d’un mystère : l’incroyable, l’indéchiffrable, l’indicible nature du lien entre le « passeur » et l’œuvre, entre les longs mois de rumination de la partition et le moment du concert. Comme une venue au monde, imprévue, recommencée. Comme la vie qui va. Dans son éternel défi à la mort.

 

Pascal Décaillet

 

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