Commentaire publié dans GHI . Mercredi 04.02.15
Pierre Maudet règne sur la police genevoise. Mais a-t-il la confiance des policiers ? La question n’est pas anodine. Être statutairement le chef est une chose, gagner les cœurs en se faisant respecter par la base en est une autre. Oh certes, la police n’est pas un monolithe : le chef du Département y compte sans doute de nombreux partisans. Mais une chose est sûre : il s’y est taillé aussi, en moins de trois ans, de très solides inimitiés. Et pas seulement le rugissant Christian Antonietti, le chef du syndicat des policiers (UPCP), qui semble avoir érigé l’anti-Maudet en combat personnel. Non, il y a une grogne contre le chef du Département. Reste à savoir quelle est son envergure.
Une clef d’explication, assurément, sera le vote du peuple sur la loi sur la police, le 8 mars. Scrutin majeur, test de confiance pour le conseiller d’Etat. Plus s’égrènent les jours, plus cette votation prend des allures de plébiscite (ou de rejet) du magistrat, dans la confiance qu’on lui prête pour continuer à tenir ce rôle central et régalien. Oh, Pierre Maudet a toutes les chances de très bien s’en sortir : il est populaire, le mieux élu du Conseil d’Etat, la majorité politique soutient sa loi du 8 mars, la grève de l’habillement de l’été 2014 reste en travers de la gorge de la population. Et puis, franchement, tout le monde désire une police qui fonctionne. Et on voit mal, aujourd’hui, dans la classe politique genevoise, qui d’autre que Pierre Maudet pourrait présider politiquement à ses destinées.
Le 8 mars, les Genevois ne voteront pas sur le fond de la loi. L’objet est trop complexe, manque totalement d’unité de matière, mélangeant les questions de structure, de représentation syndicale et de droits plus ou moins acquis. Malgré tous nos efforts de clarification, dans les débats, le vote du 8 mars sera pour ou contre Maudet. Pour ou contre sa personne. Toute l’Entente (PLR et PDC) est derrière lui, car une défaite dans un dicastère aussi amiral que celui de la sécurité serait fatale pour la suite de la législature. Le magistrat est donc bien placé pour gagner. Mais rien n’est sûr. Et surtout, vainqueur ou non le 8 mars, l’éternel jeune premier de la politique genevoise devra, tout en se faisant respecter, atténuer certaines de ses tonalités face à la base. Il y a des choses qui ne passent pas.
Par exemple, le respect des droits syndicaux. On pense ce qu’on voudra de la grève du zèle, avec distribution de chocolats, qu’envisageaient les policiers genevois au matin du 29 janvier, journée de débrayage de la fonction publique, l’envoi d’officiers dans les postes pour s’y opposer hiérarchiquement ne constituait pas un signal d’intelligence de la part du chef. Ne revenons pas sur l’absolu verrouillage de l’information, déjà mentionné dans ces colonnes, ni sur le flicage de gendarmes, depuis le Japon, coupables d’avoir commis le grand crime d’un « like » sur un réseau social, sur un site par ailleurs anodin. On se dit tout de même que l’enfant terrible de la politique genevoise, ce fils de Fouché et de Cambacérès, mérite mieux, dans ses occupations, que ce genre de Nipponeries. On a envie de lui dire : « Tu es le chef, c’est bien. Nul ne le conteste. Mais garde-toi de la dérive autoritaire. Elle pourrait profondément t’affaiblir. Genève n’en sortirait pas gagnante ».
Pascal Décaillet