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  • Le perchoir, les poids, les mesures

     

    Sur le vif - Vendredi 29.06.12 - 16.56h

     

    L'excellent député radical (je ne dis jamais PLR) Jacques Jeannerat, lors de la séance du Grand Conseil d'hier soir, s'est un peu échauffé face à la cheffe du groupe socialiste, Lydia Schneider Hausser. Il est vrai que cette dernière, la chaleur et la fatigue aidant, venait de déclarer qu'il fallait promouvoir, à Genève, les emplois non-qualifiés ! Bref, Jeannerat a vu rouge, mais alors vraiment rouge, de l'écarlate façon Miró, il a dû entrevoir faucilles et marteaux, Bolcheviks échevelés, chars soviétiques sur les Champs-Elysées : pas content, le directeur de la Chambre de commerce et d'industrie !

     

    Alors, c'est vrai, il a eu un mot un peu fort. Aux socialistes, il a reproché de fondre comme des « charognards » sur l'affaire Merck Serono, de la récupérer politiquement. « Charognards », ça n'est évidemment pas très gentil, mais enfin, jusqu'à nouvel ordre, ça n'est pas une insulte. C'est juste un prédateur qui se nourrit de cadavres. Le vautour, noble animal, qu'il m'est arrivé une seule fois d'observer en liberté, est un charognard. Il n'y avait donc guère de raison, da part du président, d'inviter l'orateur à « modérer ses propos ».

     

    Car enfin, un Parlement ne doit certes pas être une foire d'empoigne, et on peut bien admettre que le jet aquatique, aussi revigorant puisse-t-il se révéler par ces grandes chaleurs, y soit déplacé. Disons qu'on s'y explique par les mots plutôt que par les poings, par le verbe plutôt que par l'hydrothérapie faciale. Ça, oui. Mais une fois posé le primat des mots, faut-il encore y planter l'échelle du convenable ? A ce petit jeu-là, on finira par remplacer la joute parlementaire, où nécessairement parfois le ton monte, par la sérénité empesée du salon de thé. Cette pétrification des impulsions, qui ne profiterait qu'aux pisse-froid et aux ratiocineurs, ne rendrait assurément pas service au dialogue républicain, qui a droit, aussi, à la vigueur. Que l'insulte soit la limite, d'accord ; en l'espèce, hier soir, nous n'y étions pas.

     

    Mais il y a pire. Quelques minutes plus tard, le député UDC Bernhard Riedweg, dans un débat financier sur les politiques publiques, pose tout un chapelet d'excellentes questions, compétentes, argumentées, pertinentes. Questions auxquelles, d'ailleurs, et fort poliment, le ministre des Finances répond. Le hic, c'est qu'entre-temps, un député libéral (je ne dis jamais PLR), fatigué de porter sa hauteur patricienne, se croit obligé de faire à Riedweg la leçon, laissant entendre que ces questions n'avaient rien à faire là. Et il parle de « discours aux ânes », ou de « messe aux ânes ». Là, le président ne bronche pas.

     

    C'était notre chronique sur le fil du temps, les affinités électives, le monde étrange et merveilleux des poids et des mesures.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Jean-Jacques

     

    Jeudi 28.06.12 - 16.08h

     

    Passionné de textes et de livres, je ne le suis pas des commémorations. Ceux-là mêmes qui, aujourd'hui, chantent Rousseau, comment l'eussent-ils traité de son vivant ? Et Koltès, et Genet, et les premiers écrits de Gide, vous croyez qu'ils les auraient repérés ? Et les chroniques de Cingria, éparses, semées au vent, enfin rassemblées par un travail de titans, à l'Âge d'Homme ? Oui, je considère Jean-Jacques, avec Gide et Céline, comme l'un des styles les plus éblouissants de langue française. Non, je n'irai pas dans leurs officialités. Cela suinte trop la récupération. Le compost.

     

    Il n'y a qu'un seul hommage à rendre à un auteur : le lire. Ou lire l'exceptionnel Starobinski, l'homme qui a le mieux parlé de Rousseau. Ou aller voir ses manuscrits, à la Bodmer. Mon premier souvenir date de l'année de mes vingt-et-un ans, j'étais mal, j'ai ouvert les Confessions, dans la Pléiade, ne les ai au fond jamais refermées, ne m'en suis pas remis. Un homme parlait de lui. L'intimité d'un style. La puissance de captation de l'écriture. Il me parlait à moi, n'avait écrit ce livre que pour moi, je lisais des chapitre entiers à haute voix, j'ai dû déclamer mille fois la scène de la rupture avec Madame de Warens. En langue française, seul Gide, je veux dire avec une telle intensité, me fit cet effet.

     

    Je sais, c'est un génie universel, philosophe, pédagogue et musicien, et tant d'autres choses. Je ne veux retenir que l'écrivain et le botaniste. Pour moi, Jean-Jacques n'est pas cet homme mondial, planétaire dont parlaient déjà les révolutionnaires de 1789 et les amis d'Hegel. Il est celui qui, un jour, lorsque la nuit menaçait de l'emporter, m'a ouvert à la lumière. Pas les Lumières. Non, juste la brûlante intimité d'une minuscule.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pierre Maudet : excellente nouvelle

     

    Sur le vif - Mercredi 27.06.12 - 16.38h

     

    Aux premières lisières de la moiteur d'été, l'excellente nouvelle arrive, comme un électrochoc. Pierre Maudet reprend la police. C'est exactement ce que la population attendait. Pour cela qu'elle l'a élu. Et c'est, de la part du Conseil d'Etat, une décision habile et intelligente : sur le front le plus difficile, le plus exposé, c'est évidemment la relève la plus fraîche, la plus compétente, la plus motivée, qu'il faut envoyer. Nul besoin d'avoir lu Verdun ni la Somme pour le savoir.

     

    Réussira-t-il ? Il faut évidemment l'espérer. Nul, à Genève, n'aurait intérêt à un échec. Par son passé militaire, son grade de capitaine, l'homme est rompu aux fonctions régaliennes. Certains s'en plaindront, car il y aura de la rudesse bonapartiste avec cet homme-là, mais c'est un moindre mal : le nouveau ministre arrive dans un secteur où c'est l'autorité de l'Etat qui doit être rétablie. Oui, il faudra des signaux très clairs de primauté de l'autorité politique, élue, sur tout un caléidoscope de féodalités et de baronnies, dont le syndicat n'est pas le dernier.

     

    Pierre Maudet est condamné à réussir. Si c'est le cas, il sauve ce qu'il y a à sauver de l'actuel Conseil d'Etat, et peut transformer électoralement l'essai à l'automne 2013. En cas d'échec, en revanche, il perd tout. Et entraîne son camp dans la disgrâce. En cela, tout le pari de Maudet est courageux. Lui et les siens, pour seize mois, détiennent d'infinis pouvoirs dans la République. A eux d'en faire bon usage. Dans l'intérêt supérieur de la population. Et non celui de leur clan. Nous serons attentifs à cet aspect.

     

    Pascal Décaillet