Sur le vif - Lundi 08.11.10 - 17.21h
Bien qu’il y existe, selon Claudel, des maisons pour cela, Manuel Tornare se veut un homme de tolérance. Bon prince, ouvert, humeur enjouée, gai comme un pinson. Le premier, parlant de tout et de rien, de ses chers camarades comme de ses quatre collègues, il se révèle grinçant, tonitruant, sulfureux, moqueur, vinaigré dans le choix de la pique et de la dague. Et c’est très bien ainsi.
Très bien, sauf s’il se trouve, à son tour, en situation d’être attaqué. Alors, aussi vite qu’il en faut à la palombe pour se transformer en milan, les griffes de l’homme se mettent à jaillir. Et il saisit son téléphone, Manuel, et il trame, et il ourdit, et il jacasse de venimeux propos. Et là, d’un coup, finie la tolérance. Envolée. Adieu Gide, Claudel, adieu salons mondains, place à l’ire vengeresse. Princière. Acidulée.
Et il croit qu’avec la presse, il peut faire valser têtes et bustes ainsi qu’en son empire municipal, ici un courtisan, là un laquais, partout le grand miroir de la servilité. Et si, par mégarde, il n’a pas eu accès à tous les libelles que d’odieux plumitifs ont cru bon de rédiger à son endroit, alors il a droit à de hautes âmes, directement de la Tour Baudet, pour les lui signaler. Entre malmenés, on s’entraide.
Le problème, c’est que la presse est libre. Et ne le demeurera que tant qu’elle se battra. Pour sa dimension critique. Contre l’esprit de cour. Contre le sirupeux empire des cocktails. Elle ne s’use, cette liberté-là, que lorsqu’on ne s’en sert pas. Que cela plaise au prince. Ou que cela lui déplaise.
Pascal Décaillet