Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 08.11.10
Jamais ils n’avaient été aussi heureux. Aux lèvres, l’écume. Devant toute la Suisse romande, descendre Stauffer. Comme on terrasse l’immonde. Comme l’extase devant ce premier chamois qui s’en vient gésir vous vos pieds de jeune chasseur. A la Soupe, hier, le climat était à l’exécution. L’hallali.
Etriller Stauffer, c’est bien. A condition qu’on équarrisse aussi tous les autres, à la même enseigne. Ce que fait, par exemple, un Thierry Meury, également vachard avec tous. Mais pour certains autres, la mise à mort est sélective et orientée. Le bourgeois qui a le vrai pouvoir, celui du pognon et des prébendes, on l’épargne. Le gueulard genevois, on l’éviscère. On se croit contre-pouvoir, on est juste marchepied.
Et hop, quelques références aux années brunes, et on se prend déjà pour Brecht ou Thomas Mann. Comme Manuel Tornare, incroyablement décevant, jeudi matin, à Radio Cité, dans un débat face au député Bertschy sur les thèses de l’UDC en matière scolaire. Dès qu’on est à court d’arguments, on brandit Hitler et les années 30. Tellement facile !
Il fut un temps où les humoristes transgressaient. Aujourd’hui, ils engraissent. Ils bouffent, collier au cou, la potée du pouvoir en place, avec lequel ils n’ont plus ni procès, ni engueulades. Ils ne sont plus ni sonores, ni trébuchants. Ils sont en place. Impavides. Comme le bourgeois.
Pascal Décaillet