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La mort de Ferrat : tristesse et émotion

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Sur le vif - Samedi 13.03.10 - 17h

 

C’est avec une immense émotion – comme sans doute de nombreux lecteurs de ce blog – que j’apprends la mort de Jean Ferrat. L’une des plus belles voix de la chanson française, l’homme sans qui, adolescent, je n’aurais jamais lu Aragon, l’une des portes ouvertes de ma jeunesse à la poésie. Certaines chansons de lui, combien de fois les ai-je écoutées ? Cent mille ? Peut-être, oui.

 

Avec Ariane Dayer, en avril 1999, il nous avait reçus chez lui, à Antraigues, dans cette Ardèche où il avait élu domicile depuis tant d’années, le pays de la Montagne. Nous avions découvert un homme d’une immense douceur, presque timide. Il avait évoqué ses soirées avec Ferré, Brel, il nous avait offert du Sancerre, c’était un moment magique, hors du temps.

 

Dans la télévision française de mon enfance, on ne voyait presque jamais Ferrat. Il faudra attendre les années septante, dont un immortel Grand Echiquier de Jacques Chancel, pour tomber sous le charme de ce chanteur un peu gauche sur scène, ne sachant trop que faire de ses bras (il en parle dans l’une de ses chansons), mais à la voix d’or. « Votre voix, c’est un reflet de l’âme ? », m’étais-je risqué à Antraigues : « Non, juste un organe, un instrument », s’était-il contenté de répondre.

 

On aime on non le style de Ferrat, son néo-classicisme, les violonades de certaines orchestrations, il n’est reste pas moins qu’il a su rendre populaire la poésie. Aragon, il l’a mis au service de tous. Des milliers d’adolescents de mon âge ont d’abord écouté Ferrat, et ensuite seulement acheté, chez NRF, « Le Fou d’Elsa », ou « La Diane française ». Je ne dis pas que cette poésie-là est aujourd’hui celle que je préfère, mais elle fut l’accompagnatrice de tant d’émois, associée à tant de personnes précises, à qui je pense en ce moment même, en écrivant ces lignes.

 

Fils de déporté (qui n’en est jamais revenu), Jean Ferrat était communiste. Il voulait chanter pour tous, sans distinction de classe sociale ni de niveau culturel. Compagnon de route de ce parti communiste français qui avait été celui de tant de fusillés et dont il est impossible de ne pas admirer le rôle dans la Résistance. En nous quittant, aujourd’hui, à l’âge de 79 ans, il laisse derrière lui une œuvre magnifique, l’une des très belles de la chanson française de l’après-guerre. Longtemps, très longtemps encore, nous aimerons à perdre la raison. Cent mille fois encore, j’écouterai, dans sa voix, l’hommage d’Aragon à Desnos, « Robert le Diable » :

 

« Tu avais en ces jours ces accents de gageure
Que j'entends retentir à travers les années
Poète de vingt ans d'avance assassiné
Et que vengeaient déjà le blasphème et l'injure ».


Longtemps, très longtemps encore, nous continuerons d’écouter Jean Ferrat. Avec Brel, avec Ferré, avec Barbara, c’est aujourd’hui, ce samedi 13 mars 2010, comme une part de nous-mêmes qui s’en va.

 

Pascal Décaillet

 

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