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Séguin, hussard en éruption – Hommage

 

 

Sur le vif - Jeudi 07.01.10 - 10.20h

 

Gaulliste historique, gaulliste social, pied-noir de Tunisie, républicain passionné, formidable tempérament, bouillonnant, colérique, explosif, culture inouïe, aimant la France et ses frontières naturelles, « celles de Richelieu », sceptique face au supranational, ennemi de Maastricht face à François Mitterrand en 1992, tel était Philippe Séguin, dont j’apprends à l’instant, avec pas mal de tristesse, la disparition, à l’âge de 66 ans. Je l’avais vu une fois seulement, c’était à Paris, début juillet 1986. Il était un grand commis, un très grand serviteur de l’Etat, d’ailleurs encore Premier président de la Cour des comptes au moment de son décès.

Philippe Séguin, c’était l’anti-pisse-froid. Là où d’aucuns ne se signalent que par la glace (fût-elle, au mieux, bleutée) des démonstrations cérébrales, il était, lui, un volcan. La braise, la lave, le feu : on dira, avec Nino Ferrer, le Sud. Naissance à Tunis en 1943, dans ce protectorat qui avait été, depuis 1882, celui de Jules Ferry. Décès du père un an plus tard, mort pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale : l’enfant Philippe, à six ans et demi, reçoit la médaille militaire pour cet homme qui sera le héros de sa vie. Etudes brillantes, principalement littéraires, grandes écoles, ENA (promotion Robespierre), député, maire d’Epinal, plusieurs fois ministre, toujours de manière marquante, président de l’Assemblée nationale : carrière d’exception.

Philippe Séguin avait un point commun avec Jean-Pierre Chevènement, mais avec infiniment plus de chaleur que l’ancien maire de Belfort : lorsqu’il parlait, on avait l’impression de voir convoquer par le verbe, disons depuis deux siècles, l’Histoire de France. On pouvait le suivre ou non, partager ou non ses convictions, il n’en faisait pas moins défiler dans nos consciences le long cortège, depuis Valmy, de la continuité républicaine. Héritier de ce gaullisme social qui avait été celui de Vallon et de Capitant, et au fond aussi de Chaban, Séguin ne plaçait en aucune manière l’argent au-dessus de tout. Lecteur de Péguy, de Barrès, mais aussi de la Revue Esprit, il avait un autre horizon d’attente que la simple ploutocratie orléaniste qui donne un peu l’impression, ces jours, de s’être installée à l’Elysée.

Et puis, lâchons le mot, Séguin était un peu fou. Briseur de porcelaines dans ses colères, en pétard permanent avec la moitié du monde, l’autre n’étant qu’en sursis, au fond très solitaire (il n’a jamais été, comme Mitterrand ou Chirac, le rassembleur d’un grand parti), il était une individualité brillante, en constante éruption. C’est cela que j’aimais, parce que c’est cela que j’aime chez les êtres, tout simplement.

Je garderai de cet homme un souvenir de bronze et de soleil, quelque chose comme l’airain des monuments aux morts, complexes, entrelacés, torturés de l’intérieur : quelque chose de fort, comme un cri républicain, qui ressemble à la France.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

 

 

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