Il y a les livres qui vous informent, ceux qui vous forment, ceux qui vous façonnent, et ceux, tellement plus rares, dont la braise, au-dedans de vous, demeure. Pour ma part, de nombreux poètes, à commencer par Rimbaud. En une dame, une petite dame toute frêle emportée à 34 ans par la tuberculose, Simone Weil.
Chaleur, lumière, vigilance au profond de l’obscur, état de veille, verticale tension de l’esprit, je crois qu’on peut dire tétanisation. Et ce livre, donc, parmi les autres mais au-delà des autres, « La Pesanteur et la Grâce ». A lire, à dévorer, à caresser des yeux et de l’esprit, à embrasser de joie. A s’y agripper, parfois, aussi, de désespérance, tant le doute s’y mêle à la foi, le présent à l’absence, le vide à la plénitude. Un livre sur Dieu ou sur l’absence de Dieu, je n’ai jamais su.
Bachelière à 15 ans, agrégée de philosophie à 22, ouvrière volontaire en usine, née juive pour mourir chrétienne, sauvage rétive à l’institution ecclésiale, Simone Weil aurait eu cent ans aujourd’hui. A ceux qui ne l’ont pas lue, je dis : « Lisez la Pesanteur et la Grâce », j’ai presque envie d’ajouter : « S’il vous plaît ».
Philosophe ? Oui, bien sûr. Mais allégée du poids de la démonstration. Poète ? Par l’éclat de certaines formules, le choc des contraires. Philosophe et poète, au fond, à l’image des présocratiques. « De même, écrit-elle justement dans la Pesanteur et la Grâce, il faut aimer beaucoup la vie pour aimer encore davantage la mort ».
Simone Weil, vous êtes là. Vous nous accompagnez.
Pascal Décaillet