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Liberté - Page 902

  • Ne restons pas inertes !

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 18.11.15

     

    La France est atteinte. Meurtrie. Notre grand voisin souffre, et nous sommes en totale sympathie avec lui. Il souffre, et, comme toujours dans ces cas-là, montre une grande dignité dans l’adversité. Il y a le poids de l’Histoire, où le sang a tant coulé (prenez la Grande Guerre : en moyenne mille morts par jour pendant quatre ans, du 2 août au 11 novembre 1918, puis l’autre Guerre mondiale, les conflits coloniaux, leurs conséquences en Métropole, les horreurs de l’OAS), l’attachement aux valeurs de la République, l’impeccable tenue de tous, franchement la France, dans ces moments, nous donne une leçon.

     

    Et la Suisse ? Notre Histoire n’a évidemment rien de comparable à celle de nos voisins, nous n’avons pas eu d’épisode colonial, ni le même type d’immigration, ne sommes pas partie prenante à l’affaire syrienne, ce sont des différences majeures. Pour autant, rien ne nous garantit que notre territoire national ne devienne pas, un jour, pour une raison ou pour une autre, une cible. Notre structure de société, fondée sur un Etat de droit, la primauté des institutions, le respect des différences, celui des consciences, des religions, tout cela nous rapproche de la France. Il aura d’ailleurs fallu ces tragédies pour aiguiser notre conscience de cette proximité : depuis le soir du vendredi 13 novembre, nous les Suisses n’envisageons plus la France par ce qui nous sépare (démocratie directe, fédéralisme), mais bien par ce qui nous rapproche, et qui est, au fond, immense. Face à ceux qui planifient ces attentats, veulent détruire nos sociétés, nous faisons naturellement corps.

     

    Mais face au drame, la Suisse, à commencer par ses autorités, ne saurait se satisfaire d’émettre de la compassion. Une fois passées les minutes de silence, la coloration du jet d’eau, les messages de sympathie, nous devons très vite passer à une autre dimension : entreprendre toutes choses, oui tout ce qui est humainement possible, pour nous prémunir au maximum du pire. En sachant que même avec toutes les précautions du monde, l’horreur peut encore se produire. Nulle protection n’est absolue, nulle frontière n’est totalement étanche, tout au plus pouvons-nous augmenter au maximum le degré de précaution. Aujourd’hui, nous en sommes loin. Il faut donc agir, sans tarder. Notre ministre cantonal de la Sécurité, Pierre Maudet, qui était, samedi 14 novembre, entre 17h et 18h, sur le plateau de notre émission spéciale, est un homme compétent et responsable. Il est d’une génération capable, mentalement, de sculpter une autre image de l’ennemi que l’arrivée d’une colonne des chars en Suisse orientale, il est doté d’un sens aigu du renseignement, bref il mérite qu’on lui fasse confiance dans ces questions où notre sécurité est en jeu.

     

    Au niveau suisse, il s’agira d’augmenter drastiquement les contrôles aux frontières, donner à nos services de renseignements les moyens de leur action, mettre l’accent sur l’informatique et la cybercriminalité, augmenter les effectifs des gardes-frontière. Et, plus que tout, faire front, dans l’opinion publique, pour faciliter le travail des autorités. Nous n’avons rien à craindre, il ne s’agit pas de ficher une nouvelle fois la population. Mais de repérer, cibler, et neutraliser ceux qui, le jour venu, auraient hélas pour dessein de nous détruire. Face à ces enjeux-là, pas d’états d’âme. Il en va notre intégrité à tous, au sein d’un pays que nous aimons.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La Suisse doit se protéger. Elle en a le devoir.

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    Sur le vif - Dimanche 15.11.15 - 16.27h

     

    Vendredi soir à Paris, une nouvelle étape a été franchie : on ne cible plus une profession, un acte (caricaturiste), une communauté (juive), non, on commet des meurtres de masse, là où se presse naturellement la foule : une salle de spectacle, un match de football. Le signal est clair : on monte d’un degré dans l’ampleur de l’attaque, et d’ailleurs le nombre de morts est multiplié par dix, par rapport aux attentats de janvier. Alors, terrorisme ou « actes de guerre » ? Franchement, peu importe la nomenclature. Ce qui compte, c’est l’élévation d’un degré dans la conception des attentats, les moyens mis en œuvre, la logistique, la coordination, les transmissions. Le France a affaire à une série d’attaques stratégiquement pensées, avec des buts très clairs. Paniquer la population n’est pas le moindre d’entre eux.

     

    Seulement voilà. Il se trouve que la France est un grand pays, et une grande nation. Dans les moments difficiles, ceux où le corps du pays se retrouve meurtri, déchiré, nos voisins ont maintes fois montré, dans l’Histoire, qu’ils savaient faire front. Il y eut, vendredi soir, 129 morts. Il y en eut, entre 1914 et 1918, une moyenne de mille par jour pendant quatre ans, plusieurs milliers lors de pics d’horreur, comme l’offensive sanglante et finalement inutile de Nivelle, au Chemin des Dames. Il y eut la Seconde Guerre mondiale, six semaines d’absolu cauchemar entre le 10 mai et le 22 juin 1040, puis quatre années d’Occupation, les fusillés, les déportés, puis l’Epuration, puis deux guerres coloniales, l’Indochine et l’Algérie. Lors de ce dernier conflit, sur la fin, au moment des attentats de l’OAS, la peur, la mort, étaient partout. Oui, nos amis français savent que signifie la souffrance, le sang, le sacrifice. Et font preuve, depuis vendredi soir, comme en janvier dernier, d’une remarquable tenue dans l’adversité.

     

    Et la Suisse ? Sommes-nous exposés ? Nous ne sommes certes pas impliqués, comme la France, dans l’affaire syrienne. Mais notre type de société, fondé sur un Etat de droit, le respect mutuel, la cohabitation des différentes communautés et religions, est, dans les grandes lignes, le même que celui de la France. Rien ne nous garantit que nous ne pourrions pas, nous aussi, un jour, devenir des cibles. Face à cette éventualité, il appartient à nos pouvoirs publics d’entreprendre toutes choses pour réduire le risque au maximum. Pierre Maudet, hier dans notre émission spéciale, a tenu un discours compétent et responsable. Oui, « l’image de l’ennemi » (comme on me le disait toujours, naguère, dans mes 500 jours d’armée) a totalement changé. Oui, les efforts d’adaptation de toutes nos forces de sécurité, coordonnées, doivent s’adapter, plus vite encore, mieux encore, à cette nouvelle adversité. Non, la guerre de demain ne viendra pas d’une invasion de régiments de chars sur le Plateau, par l’entrée nord-est de Saint-Gall. Oui, elle surviendra autrement, de façon perverse, imprévisible, sporadique, comme seule une guérilla peut en avoir le secret.

     

    A cela s’ajoute le risque d’un ennemi de l’intérieur. Même si nous ne sommes ni dans les banlieues françaises, ni dans le communautarisme belge ou anglo-saxon. Face à ces menaces, il est très clair que les autorités suisses doivent disposer des moyens de leur action. La loi sur le renseignement, acceptée par le Parlement mais attaquée en référendum, constitue le socle minimum de ces moyens. Si les « services » d’un pays ne peuvent même pas procéder par écoutes téléphoniques lorsqu’il y a soupçon d’actes terroristes, alors autant fermer la boutique tout de suite. J’ai connu l’affaire des fiches, je l’ai vécue au début de mes années comme correspondant au Palais fédéral, je veux bien qu’elle ait constitué un traumatisme pour certains, mais là, la loi sur le renseignement n’a strictement rien à voir, elle doit impérativement être acceptée en votation.

     

    Reste la frontière. La revoilà ! Cette frontière que des rêveurs, des mondialistes, des utopistes globalisants ont tout fait pour abolir, voilà qu’elle resurgit naturellement, s’impose comme élément de protection de notre communauté nationale. Oui, il faut rétablir et renforcer les contrôles aux frontières, il faut le faire avec la plus grande rigueur. C’est l’un des éléments essentiels de notre dispositif de sécurité. Tout cela, il va falloir l’entreprendre sur une longue durée. Les dangers qui nous guettent ne vont pas s’évaporer par miracle à l’issue des douze jours d’état d’urgence de M. Hollande. Ils pèsent sur nous pour des mois, des années, que sais-je ? En termes de sécurité nationale, nous devons nous montrer fermes, unis, déterminés. Dans nos appréciations des événements, regardons les faits, le terrain tel qu’il est, n’écoutons pas trop les paroles.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Schmidt et l'Amérique : quelques lumières

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    Sur le vif - Mercredi 11.11.15 - 10.27h

     

    J'ai réfléchi cette nuit à la très grande proximité d'Helmut Schmidt avec le monde anglo-saxon, principalement les Etats-Unis. Connaissant très bien le personnage, ayant à peu près lu tout ce qu'il a écrit, je puis affirmer que cette proximité ne procède pas d'une quelconque obédience atlantiste, encore moins d'une béatitude pour le Nouveau Monde.

     

    Simplement, Schmidt, dans la droite ligne de Bismarck, construit l'Allemagne de son temps non à partir de rêves, mais des réalités qu'il a sous la main. Officier de DCA de la Wehrmacht, ayant combattu toute la guerre, dont une partie sur le front de l'Est, décoré de la Croix de Fer, tombé aux mains des Britanniques au moment où son pays est en ruines, et pour des décennies au ban des nations, il sait ce que reconstruire veut dire. Il a connu l'Allemagne, Année Zéro : il a connu le NEANT !

     

    Or, dans un premier temps, comment vouliez-vous reconstruire, en RFA, sans passer par l'alliance (celle de la raison, si ce n'est du coeur) avec l'Américain ? Ce dernier a certes bombardé vos villes, avec le Britannique, pendant trois ans, nuit et jour, il n'en est pas moins celui qui va vous aider, financièrement surtout, à refaire le pays. J'étais en Allemagne, dans ces années-là, les années Brandt, les années Schmidt, et moi-même je m'étonnais de la bienveillance des Allemands face aux Américains. Les gens parlaient d'eux comme d'un parapluie, pour les protéger. C'était la Guerre froide.

     

    Un autre élément, plus culturel, explique ce qui lie Schmidt aux Etats-Unis : sa parfaite connaissance de la langue anglaise, sa lecture de la littérature américaine, ses réseaux personnels là-bas. Je me suis longtemps dit que cela s'expliquait par le côté hambourgeois, le miracle de ce esprit hanséatique qui ouvre à l'Allemagne les chemins du Grand Large. Du coup, j'ai pensé à Thomas Mann (les Buddenbrooks), et surtout à son frère Heinrich (Zwischen den Rassen). Assurément, un enfant de Hambourg, qui passe sa jeunesse, dans les années vingt et trente, à lire la littérature, jouer du piano et faire des régates, ne peut avoir la même Weltanschauung qu'un fils de paysan, à la même époque, dans la Haute-Bavière, ou un fils de mineur en Silésie.

     

    Helmut Schmidt a construit sa relation avec l'Ouest comme l'un des outils de son travail de rénovation de l'Allemagne. Le grand Willy Brandt, natif d'une autre ville hanséatique, celle de Thomas Mann (Lübeck), était naturellement tourné vers l'Est, et son Ostpolitik fut le virage génial de l'Allemagne des années 69-74. Schmidt, lui, a utilisé sa connaissance intellectuelle de la culture anglo-saxonne comme organe de reconstruction. Tel Bismarck, il dissociait parfaitement la fin (refaire l'Allemagne) des moyens (paraître inféodé à Washington).

     

    En vertu de tout cela, on peut affirmer que le manque, crasse, de reconnaissance de l'oeuvre de Schmidt, chez nos observateurs qui en général connaissent fort mal l'Allemagne, au profit d'un Helmut Kohl qui a récolté les fruits du labeur de son prédécesseur, doit être relevé. Et dénoncé. Les années Brandt et Schmidt, les années 69-82, sont de très grandes années, où s'est accompli, en pleine Guerre froide, un considérable travail souterrain pour préparer, le jour venu, le retour de l'Allemagne au premier plan des nations. C'est cela, le legs de Schmidt. Il fallait une fois le dire.

     

    Pascal Décaillet