Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liberté - Page 795

  • L'armée des ombres


     

    Commentaire publié dans GHI - 20.06.18

     

    Qui sont-ils, que font-ils toute la journée ? Qui sont ces secrétaires généraux adjoints qui foisonnent dans les Départements ? Travaillent-ils, comme leur patron, le Conseiller d’Etat qui en a fait serment, dans l’intérêt supérieur de la collectivité ? Ou plutôt, en catimini, dans l’intérêt suprême… de leur magistrat ?

     

    Leur rôle est-il clairement défini, dans un cahier des charges ? Le Parlement, qui détient la haute main sur l’exécutif et l’administration, a-t-il son mot à dire sur la nature de leurs fonctions ? S’en soucie-il ? Détourne-t-il la tête, ayant déjà assez à faire pour contrôler les ministres ?

     

    Ces secrétaires généraux adjoints, à qui rendent-ils des comptes ? A l’Etat, aux députés, au peuple souverain ? Ou seulement, dans la tiédeur des conciliabules, à leur patron, le Conseiller d’Etat ? Se gardent-ils tous d’abuser, dans leurs contacts avec les autres fonctionnaires, de la position de proximité dont ils jouissent avec le Prince ? Se prennent-ils pour de puissants conseillers, sentent-ils la pourpre cardinalice romaine monter, comme un flux de désir, au fond de leurs artères ?

     

    Se défendent-ils, dans les différentes missions qui leur sont confiées, d’influencer, de faire peur ? De menacer ? Se prennent-ils parfois pour le Prince ? Délivrent-ils leur âme du poison du pouvoir ? Hument-ils, en leur for, quelque parfum d’éternité ? Se rêvent-ils en marbre, au détour d’une crypte ? Pensent-ils parfois au Jugement dernier ? Croient-ils au mal, aux archanges ? Ont-ils encore peur de la mort ? Ou le goût du pouvoir les a-t-il, à jamais, ensorcelés ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • La pieuvre des apparences en moins

    8539648-13441551.jpg?v=1447875146

    Sur le vif - Mercredi 20.06.18 - 15.55h

     

    Ce à quoi Donald Trump met doucement fin, c'est l'illusion de l'existence d'un ordre multilatéral, qui serait en mesure de gouverner la planète. Cet ordre, né de l'immédiate après-guerre, n'a jamais existé que dans le domaine des apparences.

     

    Il n'a jamais constitué d'autre réalité que celle d'un paravent, délicatement déposé sur les vraies puissances : États-Unis et Union soviétique, puis États-Unis tout seuls. D'ailleurs, chaque fois que l'intérêt supérieur - ou impérialiste - de l'un de ces pays, principalement le deuxième, était en cause, l'ordre multilatéral s'effaçait servilement, en s'excusant d'exister.

     

    A Genève, à cause de la présence chez nous de nombreuses institutions internationales, nous surestimons totalement l'impact réel de ces dernières sur le cours de la paix et de la guerre. Je ne parle pas ici des organisation humanitaires, ni médicales, mais de celles qui prétendent influer sur l'ordre politique de la planète.

     

    Oui, Trump multiplie les retraits du château de cartes multilatéral, et c'est exactement ce qu'il avait annoncé, lors de sa campagne, pendant toute l'année 2016. Il ne fait rien d'autre que ce qu'il avait promis ! Les gens, aux États-Unis, qui ont voté pour lui le 9 novembre 2016, l'ont fait en parfaite connaissance de cause.

     

    A Genève encore, où trop d'observateurs de la vie politique ont été formatés par la matrice HEI, où l'ordre multilatéral est déifié, c'est toute une conception du monde qui s'effondre. Celle de la SDN, dont l'Histoire a eu soin d'apprécier la totale inefficacité face à la montée des totalitarismes. Celle, aussi, de l'immense usine à gaz née de l'après-Seconde Guerre mondiale, entendez principalement l'ONU et ses innombrables succursales ou dépendances. Par exemple, cet ineffable "Conseil des droits de l'homme", qui a perdu depuis longtemps tout crédit, pour peu qu'il en eût jamais.

     

    C'est à cela, à cette galaxie d'apparences et de trompe-l’œil, que Donald Trump tourne le dos. Pour des centaines, des milliers de tétanisés du multilatéral, à Genève, c'est comme un univers qui se désintègre et se liquéfie.

     

    Et si nous entrions, tout simplement, dans un nouvel ordre régissant les relations internationales ? Retour des nations. Diplomatie. Alliances. Parfois la guerre, parfois la paix. Bref, le tragique de l'Histoire, dans toute sa permanence et toute son immanence. Mais la pieuvre des apparences en moins. Faut-il vraiment s'en plaindre ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • Ignazio Cassis : premiers faux pas

    319742127.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 20.06.18

     

    Un homme affable, mesuré, intelligent. Un polyglotte, cultivé, connaissant à fond les rouages de la Suisse. Mais un ministre des Affaires étrangères dont deux signaux récemment donnés ont de quoi inquiéter. Tel apparaît Ignazio Cassis, pour peu qu’on puisse juger d’un nouveau conseiller fédéral après quelques mois seulement. Faut-il rappeler que Jean-Pascal Delamuraz avait commencé sa carrière à la Défense, où il n’avait pas fait grand-chose, sinon rien, avant d’entrer dans l’Histoire lorsqu’il fut porté, même finalement perdant, par le dossier européen ? Oui, bien sûr, c’est trop tôt pour trancher. Mais pas pour dire notre retenue sur deux déclarations récentes, où il y eut selon nous erreur.

     

    La première bévue, c’est le Proche-Orient. Sur le fond, le ministre suisse des Affaires étrangères a évidemment le droit de remettre en cause une Agence de l’ONU, chargée des réfugiés palestiniens. En politique, il ne saurait exister de tabous, et le chef du DFAE a raison de combattre la langue de bois, comme le fit naguère une Micheline Calmy-Rey. Mais en même temps, il doit réfléchir aux messages qu’il donne. Délivrer une appréciation hostile à l’aide aux Palestiniens, alors que ces derniers sont en train de traverser l’une de leurs pires périodes depuis 1948, n’était pas la posture politique la plus opportune. Donald Trump est en train, sans doute pour assurer sa réélection en 2020, de donner à Israël des gages sans précédent de soutien, et cela est à lire dans la perspective de la préparation d’une guerre contre l’Iran. Second effet dévastateur de la déclaration Cassis : elle intervenait au moment même des événements sanglants de Gaza. Lâcher le faible quand il gît au sol n’est pas ce qu’on attend du chef de la diplomatie suisse. Ni du message que notre pays doit porter au monde.

     

    Deuxième dossier où M. Cassis s’est fourvoyé, les relations Suisse-Europe. On n’attend certes pas d’un ministre PLR qu’il appelle à la Révolution prolétarienne, ni à la prise du Palais d’hiver, mais tout de même, il doit avoir le souci, comme ses six collègues, de la préservation du corps social en Suisse. Il y a, dans notre pays, des gens qui ont de la peine à joindre les deux bouts. Certains d’entre eux ont perdu leur travail, n’en ont jamais retrouvé, et je doute qu’ils aient pour les flux migratoires, créés par la libre circulation des personnes, les yeux de Chimène. En déclarant, à l’emporte-pièce, que les mesures d’accompagnement ne sont pas un tabou, M. Cassis s’attaque à l’édifice, déjà bien fragile, mis sur pied pour atténuer les souffrances des plus faibles sur le marché suisse du travail, face à la férocité de la concurrence européenne. Soit il ne s’en rend pas compte, soit il est vraiment de cette philosophie ultra-libérale, qu’on espérait oubliée après sa domination absolue, au cap du millénaire. Dans les deux cas, il y a lieu de s’inquiéter. Défriser les habitudes, c’est bien. Mais si possible, en préservant les intérêts supérieurs du pays. Et sans commettre de faux pas.

     

    Pascal Décaillet