Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liberté - Page 789

  • Et ça surgit au moins du ventre !

     

    Sur le vif - Samedi 24.02.18 - 17.08h

     

    La radio est un métier. Il faut y faire ses gammes de longues années, pour apprendre tous les registres de la voix. Le rythme. Les césures. Les silences. Les ruptures de ton. Les éclats. La sourdine. La plénitude. Le murmure.

     

    Apprendre tout cela, comme il en va d'un solfège, les premières années de l'apprentissage musical. Travailler avec le ventre, le diaphragme, le souffle, les tripes parfois.

     

    Faire des centaines d'émissions. Des milliers, plutôt. Des flashes, des journaux, des revues de presse, des directs sur le terrain, des manifs de paysans sur la Place fédérale, de longues soirées électorales, des élections du Conseil fédéral, en décembre à Berne. Des directs à l'étranger, aux quatre coins du monde, au milieu des foules, sur la chaleur d'un événement.

     

    Faire des centaines d'émissions en direct dehors, oui. Et pas en studio. Greffés sur l'événement. Comme le reporter sportif, sur son match.

     

    Apprendre à improviser, tout en gardant la rigueur, l'exactitude, la densité de l'information. Mais sans texte pré-écrit. Juste un ou deux mots-clefs. Ou rien. Tout cela, dans un timing donné, à la seconde.

     

    Si l'on tient à avoir un texte, alors apprendre à lui donner volume, intensité, souffle et vie. Chaque syllabe, chaque virgule, est un empire, un univers. S'exercer sur les Fables de La Fontaine. Le Héron, par exemple, avec ses "h" aspirés, sa versification virevoltante, suffocante de surprises.

     

    Aujourd'hui, sur les ondes radiophoniques publiques, dans certaines chroniques, on balance le premier venu à l'antenne. On croit lui rendre service, en lui épargnant le parcours initiatique de l'apprentissage de l'oralité, comme si l'on pouvait accélérer la fermentation naturelle d'un vin. Hélas, on le tue.

     

    Envoyer sur le front des jouvenceaux non-préparés, c'est les flinguer. Il ne s'agit pas d'en vouloir à ces victimes expiatoires, mais bien à l'irresponsabilité de ceux qui leur offrent cet aller-simple vers le casse-pipe.

     

    Le jouvenceau, vous l'aurez compris, peut être sexagénaire. Il est, simplement, celui qui ne s'est jamais rompu à l'ascèse radiophonique. Ou qui s'imagine pouvoir échapper à cette dernière. Ainsi, dans les ineffables cénacles de bavards qu'on appelle aujourd'hui "chroniqueurs" (ce qui est un dévoiement du sens de ce mot), la glaçante solitude de celui qui, interrompant la palabre générale, a une minute pour nous lire, les autres soudain tus, son papier d'humeur. C'est ce moment-là le verdict, celui qui fait la différence. Tel roitelet de la presse écrite, qui règne par le syllogisme, soudain se perd et s'évapore, se meurt et balbutie.

     

    Parce que pérorer en rond, tout le monde peut. Mais habiter cette minute-là, seul, c'est un peu plus difficile.

     

    Mais d'où peut donc venir cette illusion que le premier venu puisse, comme ça, se saisir d'un micro et tenir une émission, ou une chronique, sans la lente, la patiente maturation d'un chemin personnel vers l'oralité ? Les cadres, mexicains dans le fatras de leurs armadas, qui affichent cette insoutenable légèreté en matière de formation, doivent être appelés à en répondre. Quand une bataille est perdue, on limoge le général, pas la soldatesque.

     

    Parce qu'une émission (ou, plus difficile, une irruption, c'est cela la vraie chronique) ne se fait pas en se contentant de remuer les lèvres. Mais par un don de soi, généreux et puissant, qui passe par toutes les fibres du corps, tout ce qui génère et produit la voix, et ça surgit au moins du ventre. Une émission, ce sont des fragments d'âme, jetés là.

    Ou alors, autant faire autre chose. Tiens, surintendant d'une usine à gaz, par exemple.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Frères de la Côte

     

    Sur le vif - Vendredi 23.02.18 - 11.57h

     

    Il existe manifestement, autour de l'aéroport de Genève, une clique d'intérêts qui amène pas mal de monde à se tenir par la barbichette. Pas besoin de vous faire un dessin : on les reconnaît au parfum.

     

    Affaire de gros sous, en priorité. Mais pas seulement. Fraternité occulte dans l'ordre de la mégalomanie. Idéologie du Grand Genève, capitale du monde, qui aurait besoin d'une plateforme aéroportuaire en forme de blason de ses voracités planétaires.

     

    Dans cette chapelle, ils ne sont pas beaucoup. Mais puissants. Organisés. Disposant des leviers.

     

    Dénoncer la démesure de l'expansion de l'aéroport, souligner les nuisances pour la population, c'est immédiatement s'attirer les foudres de ces Frères de la Côte.

     

    C'est pourtant faire œuvre citoyenne. Je félicite ceux qui osent s'engager dans cette entreprise. Ils servent le bien commun. Le développement durable et maîtrisé. Je leur apporte ici mon soutien.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Elections : le quorum de 7% est trop élevé !

    topelement.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.02.18

     

    Notre démocratie suisse passe, entre autres, par des Parlements. Nous avons, à Berne, les Chambres fédérales (Conseil national, Conseil des Etats). Dans nos cantons, des Grands Conseils. Au niveau communal, des délibératifs. Je vous entretiens ici de l’élection du dimanche 15 avril prochain au Grand Conseil : 621 candidats, pour 100 sièges ! Cette élection est régie par une règle appelée « quorum » : pour qu’un parti puisse siéger au Parlement, il doit obtenir 7% des voix. C’est loin d’être si facile ! L’idée de ce quorum élevé est d’éviter l’éparpillement. On cite souvent l’exemple de la Knesset, le Parlement israélien, où une multitude de partis rendent la prise de décision très difficile.

     

    Soit. Mais à Genève, il faut le dire, ce quorum de 7% est trop élevé : il favorise les bons vieux partis issus du 19ème siècle, bien ancrés, bien horizontaux dans leurs alliances, et ne laisse quasiment aucune chance aux nouvelles listes. Ça n’est pas exactement le but d’une élection démocratique ! Cette dernière, désormais tous les cinq ans pour le Grand Conseil genevois, présuppose qu’on mette à zéro tous les compteurs, qu’on accorde la même attention à toutes les listes, sans se croire obligé de ricaner (je le précisais ici la semaine dernière) face aux nouveaux. Pour qu’il y ait renouvellement, ce qui est indispensable pour avoir un peu d’air frais, il faut que les partis ne siégeant pas encore au Parlement aient exactement les mêmes chances que les vieux briscards, qui blanchissent sous le harnais. On en est loin.

     

    Car briscards il y a. Des super-malins, croyez-moi. Implantés jusqu’à la moelle dans le réseau des conseils d’administration des grandes régies (Services industriels, HUG, Aéroport, etc.), dans l’appareil de leur parti, et – pour les plus impayables d’entre eux – dans le Bureau du Grand Conseil, calculant l’année où ils accéderont enfin à la Présidence. Ceux-là, tous partis confondus, se tiennent par la barbichette. Oui, il existe une amicale des anciens, du moins certains d’entre eux, les vieux routards, roublards, rusés, madrés, consacrant l’essentiel de leur énergie à se maintenir sous les lambris du pouvoir. Quand on voit cela, on a juste une envie : ouvrir la fenêtre. Laisser siffler le vent du changement, à gauche comme à droite. Donner leur chance à des partis, certes candides et jouvenceaux, mais qui arrivent avec d’autres visions, d’autres paramètres.

     

    Pour cela, la seule solution, c’est un quorum plus bas. Je plaide, pour ma part, pour une barre placée entre 3% et 5%. Sinon, rien ne changera, jamais. Et on aura toujours les mêmes comitards, avec leur obsession des réseaux et des chapelles, leur incrustation dans tout ce que Genève compte de fondations et d’associations, sur les bancs du Parlement. Cette Genève des copains et des compagnons, des amicales et de la consanguinité, il est temps qu’elle cède la place à une Genève plus ouverte, plus audacieuse, plus surprenante. Pour cela, il faut laisser une chance aux nouveaux. Il faut, pour l’élection de 2023, abaisser le quorum.

     

    Pascal Décaillet